Tandis que la participation a atteint un niveau jamais égalé depuis 1994 dans l’Hexagone, les Outre-mer se sont davantage éloignées du scrutin européen qui n’était déjà pas mobilisateur en 2019, et auparavant. Une abstention record par certains endroits, qui fausse les victoires ce dimanche soir.
Lundi matin à Paris : les résultats définitifs sont tombés, validés, et s’inscrivent dans une tendance de fond. Pour les électeurs ultramarins, le sentiment que l’Europe est lointaine joue en défaveur de ce scrutin qui, à l’échelle nationale, enregistre tout de même un regain d’intérêt ce dimanche. En 2014, les participations n’étaient guère plus glorieuses, dépassant difficilement les 10 à 15% dans les Antilles-Guyane et en Polynésie. Dix ans après, finalement, la mobilisation lors de cette élection reste dans la même moyenne.
On note toutefois une baisse vertigineuse en Polynésie française et à Mayotte. Près de dix points en moins pour ces deux territoires et la Collectivité du Pacifique signe même une abstention record, à 86,41% (77,83% en 2019, 85,46% en 2014). Sur une photographie d’ensemble, les participations varient de 9,35% en Guyane, à 31,46% à Wallis et Futuna. La seule hausse de participation a eu lieu à Saint-Martin et Saint-Barthélemy : de 14,64% en 2019, elle s’affiche à 16,76% en 2024. Dans tous les autres territoires, la participation est à la peine, en baisse, souvent importante.
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Cette baisse de la participation a donc pour effet de fausser les victoires. À La Réunion par exemple, si la liste du Rassemblement national de Jordan Bardella arrive largement en tête avec 31,71% des suffrages exprimés, s’octroyant par la même occasion 21 communes sur 24, elle perd paradoxalement des voix. En effet, un écart de 1 826 voix sépare son résultat de 2019 à celui de 2024. La faute à la participation en baisse de 4,29 points ? Certainement, mais pas que.
Car en face, la liste LFI de Manon Aubry, avec Younous Omarjee en seconde position, gagne 605 voix. Même constat pour la liste PS-Place publique qui ne gagne pas moins de 7 339 voix entre 2019 et 2024. C’est d’ailleurs la liste qui fait la meilleure progression sur l’île de l’océan Indien. Dans la même région, à Mayotte, la baisse de la participation se fait sentir sur toutes les listes : elles perdent toutes des voix. Sur un fond d’insécurité et d’immigration, la liste menée par Jordan Bardella sort sans surprise vainqueur, avec le vote d’un électeur sur deux, du moins, chez ceux qui se sont déplacés aux urnes.
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La fausse victoire est visible aussi en Guyane. Si la liste RN arrive en tête comme en 2019, elle perd en voix. Tandis que les gauches LFI et PS-Place publique en gagnent, tout comme à Saint-Pierre et Miquelon. En Polynésie française, pas de jaloux. L’effondrement du taux de participation entre 2019 et 2024 punit toutes les listes. Celle de la majorité présidentielle, bien qu’arrivée en tête avec 41,54% des suffrages exprimés, perd 4 244 voix. En Nouvelle-Calédonie, dans un contexte de crise profonde, la liste Renaissance a battu la liste RN, arrivée en tête en 2019. Mais le gain de voix est à la marge, à peine plus de 1 000 voix d’écart, quand le socle extrême droite (RN et Reconquête) fait plus de 10 000 voix.
Deux exceptions à la règle : la Martinique et la Guadeloupe. Car ici, malgré les baisses de participation, les listes arrivées en tête gagnent aussi en voix. C’est le cas de la liste LFI menée par Manon Aubry qui gagne 1 277 voix entre 2019 et 2024. Progression en voix aussi du côté du PS-Place publique, avec un ajout de 2 127 voix entre 2019 et 2024. En Guadeloupe, la liste RN, arrivée en tête, gagne 2 588 voix en cinq ans. Gain de voix également du côté de la France insoumise, du PS-Place publique ou encore de la liste Lutte ouvrière qui, cette année en Guadeloupe, passe la barre des 5%.
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Dans les seuls territoires où la participation est à la hausse, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, la liste en tête Renaissance gagne en voix, quand la liste RN, gagnante en 2019, en perd. Mais dans ces deux territoires antillais, la liste menée par Jordan Bardella pâtit de l’émergence de la liste Reconquête, inexistante aux Européennes de 2019. Car s’il on additionne les voix de ces deux partis d’extrême droite, ils dépassent Renaissance (1 507 contre 1 147).
Un dernier enseignement : si la gauche PS a repris des couleurs avec la liste menée par Raphaël Glucksmann, à la fois dans l’Hexagone et les Outre-mer, la droite LR, ex-UMP et ex-RPR, s’effondre dans l’ensemble des territoires ultramarins, ne dépassant parfois pas la barre des 5%. Bien que les élections européennes ne revêtent pas le même enjeu que d’autres scrutins, qui ont d’ailleurs chacun leur singularité, le score de la droite traditionnelle en dit long sur ses liens aujourd’hui dilués en Outre-mer, bien loin de l’époque chiraquienne.
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