Né le 2 janvier 1897 à Cayenne, petit-fils d’esclaves, Gaston Monnerville a connu un destin hors du commun. Docteur en droit et avocat, il fut successivement, entre autres, député, sous-secrétaire d'État aux colonies, résistant lors de la Seconde Guerre mondiale, sénateur et président de la Chambre haute durant 22 ans avant de terminer sa carrière au Conseil constitutionnel. Retour sur un itinéraire d’exception.
Gaston Monnerville voit le jour à Cayenne, de parents fonctionnaires originaires de la Martinique. Excellent élève, il remporte à 15 ans une bourse qui lui permet d’achever ses études dans un lycée de l’Hexagone, à Toulouse. Il obtiendra dans la même ville deux licences, en lettres et en droit, puis un doctorat en droit primé au concours des thèses. Dans la foulée, il s’inscrit au barreau de Toulouse en 1918, puis à celui de Paris, où il s’installe en 1921. Monnerville s’illustre dans plusieurs grands procès, dont celui de « l’affaire Galmot » en 1931, où il parvient à faire acquitter aux Assises de Nantes quatorze Guyanais inculpés d’incitation à l’émeute et du possible meurtre de l’homme d’affaires Jean Galmot.
Fort de ces succès, l’avocat se présente en Guyane en 1932 contre le député sortant sous l’étiquette du Parti radical-socialiste. Facilement élu au premier tour du scrutin, Monnerville surfe sur sa popularité et devient maire de Cayenne en 1935. Il est réélu député en 1936. Et d’autres fonctions l’appellent. Il entre dans le gouvernement de Camille Chautemps comme sous-secrétaire d’État aux colonies en 1937 et 1938. Durant la guerre, Gaston Monnerville rejoint le mouvement de la Résistance « Combat » dès 1940. D’octobre 1942 à octobre 1944, il opère dans les maquis d’Auvergne sous le pseudonyme de « commandant Saint-Just ». Il en sera récompensé par la Croix de Guerre, la Rosette de la Résistance et la Légion d'honneur.
En 1945, il est de nouveau élu député de la Guyane à l'Assemblée Constituante. Il y prépare, notamment avec Aimé Césaire, le processus de départementalisation de la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et La Réunion, qui se concrétise en 1946. La même année, il est élu sénateur de Guyane, puis, deux ans plus tard, sénateur du Lot. Entre-temps, en mars 1947, Monnerville est élu président du Conseil de la République (soit l’actuel Sénat). Une fonction qu’il occupera pendant plus de 22 ans, faisant de lui le deuxième personnage de l'État.
Favorable à l’accession au pouvoir du général de Gaulle en 1958, il s’opposera par contre à son intention de procéder à un référendum pour que l'élection du président de la République ait lieu au suffrage universel direct, ce qui lui vaudra la formule de « l’homme qui a dit non à de Gaulle ». En 1974, Gaston Monnerville est nommé au Conseil constitutionnel, où il siégera jusqu’en 1983. Le brillant avocat joua également un rôle sur le plan local dans l’Hexagone. Il fut maire de Saint-Céré dans le Lot de 1964 à 1971 et président du Conseil général de ce département de 1951 à 1970. Sa vie bien remplie s’achève le 7 novembre 1991 à Paris.
À noter que la Société des Amis du Président Gaston Monnerville, présidée par le sénateur Georges Patient, organise, ce jeudi 2 janvier à 17h (heure de Guyane) au Jardin botanique de Cayenne, une célébration de sa naissance dans le cadre de la manifestation intitulée « 2025, l’année Monnerville en Guyane ».
► Pour aller plus loin
« Gaston Monnerville, le destin oublié d'un Père de la Nation », par Luc Laventure (1945-2022), fondateur d’Outremers360
« Gaston Monnerville, qui j’ose le dire a préfiguré à mes yeux, Barack Obama : la légende d’un citoyen qui, quelle que soit son origine géographique ou ethnique assume en toute plénitude les fonctions les plus hautes. Gaston Monnerville, n’a jamais considéré que le fait d’être petit-fils d’esclave pouvait être un corset à sa pensée universaliste. (…) Gaston Monnerville, trop peu connu, mérite la reconnaissance de la Nation. Son stoïcisme lui faisait dire qu’il fallait être comme l’esclave libéré Épictète : laisser les douleurs glisser sur sa peau humaine. Oui, sa peau était noire… du haut de la tribune du Trocadéro, le député Monnerville clamait en juin 1933 : « Nous fils de la race noire ». Cette affirmation étant posée, pour lui, la couleur de la peau n’est ni un titre ni un opprobre. Gaston Monnerville définissait la démocratie comme le régime du travail et de l’effort. Effort sur soi-même, travail pour les autres. Sa fusion avec la France, aurait pu faire de lui l’auteur des tables de la Loi de la République. »
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« Il s’agit de conférer à Gaston Monnerville un statut dans l’Histoire de la République », par Georges Patient
« En tant que sénateur, en tant que président de la Société des Amis du Président Gaston Monnerville, en tant que citoyen français né en Guyane, en tant qu’héritier de la même histoire et d’une généalogie analogue, je demande que le corps de Gaston Monnerville soit transféré au Panthéon, parce que cet homme a mérité la reconnaissance nationale et qu’il a incarné et porté haut les idéaux de la République française. Parce que cet homme a travaillé inlassablement à défendre une France grande, diverse, et fière. Parce que son destin exceptionnel a été injustement gommé de la mémoire collective. Parce que, à côté de tant d’autres, mais largement à leur hauteur, il a fait honneur à ce pays. La décision présidentielle de transférer le corps de Gaston Monnerville au Panthéon serait une décision forte, une décision pleine de profondeur. Elle ferait honneur au pays tout entier. »
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PM