A l'occasion du 30ème anniversaire de la disparition de l'illustre homme politique guyanais Gaston Monnerville, la Société des Amis de Gaston Monnerville présidée par le guyanais Georges Patient, vice-président du Sénat, propose une série d'évènements mémoriels en cette année 2021 qui forment l'année Monnerville. Manière de rendre hommage à cette figure ultramarine au parcours exceptionnel qui honore la République et dont la République s'honore.
« La seule chose qui permet au mal de triompher, c'est l'inaction des hommes de bien ». Peut-être sont-ce ces paroles de l'homme politique et philosophe irlandais qui ont contribué à éclairer la destinée de Gaston Monnerville et à forger son engagement politique. Mais plus sûrement, ce destin politique semble provenir d'un certain atavisme familial nourri au combat de toutes les formes d'injustice de l'époque. Son grand-père paternel Pierre Monnerville fut maire et conseiller général en Martinique, de même que son oncle, Saint-Just Orville, maire de Case-Pilote, en Martinique. Une fibre politique dont a hérité les petits-enfants puisque son frère, Pierre, fut lui aussi engagé en politique en étant député socialiste de Guadeloupe de 1956 à 1967.
Élève au collège de Cayenne, le jeune Gaston Monnerville bénéficiera d'une bourse d'études pour poursuivre ses études dans un lycée à Toulouse. Nous sommes en 1912. Brillant élève, il obtient sans coup férir son baccalauréat à la suite duquel il intégrera les facultés de droit et de lettres à l'université de Toulouse. De là, il décrochera brillamment à la fois une licence de lettres et de droit. Intéressé par le droit, il poursuit dans ce domaine et devient docteur en droit, en 1921, après avoir soutenu une thèse, sur « l'enrichissement sans cause ». Une thématique qui dessine en creux son engagement politique futur et ses prochains combats.
Des combats qui débutent dans l'exercice de son métier d'avocat et notamment au barreau de Paris où il s'est inscrit après Toulouse. Barreau de Paris où il sera amené à montrer ses talents dans plusieurs grands procès, dont l'affaire Galmot en 1931. Cette affaire emblématique de son engagement concerne 14 Guyanais qui sont jugés à la Cour d'assises de Nantes accusés d'avoir provoqué une émeute en 1928 pour protester contre la fraude électorale et la mort suspecte du député Jean Galmot. Les accusés finiront par être acquittés. Mais cette affaire laissera des traces, le ramenant à la triste réalité coloniale de son pays.
Un parcours politique exceptionnel
A la suite de cette affaire, il saute le pas et entre en politique. Il devient député de Guyane en 1932 et réélu jusqu'en 1940. Il est également élu maire de Cayenne en 1935. Peu après, il est nommé sous-secrétaire d'État aux colonies de 1937 à 1938. C'est la première fois qu'un homme politique issu de ce territoire fait partie d'un gouvernement français. Membre de l'assemblée consultative après la libération, il est chargé de préparer le statut des Outre-mer français. Ce qui lui permet de contribuer à obtenir en 1946 le statut de département français pour les quatre colonies de Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion, une vieille revendication.
En 1946, il est élu sénateur de Guyane après avoir siégé dans les deux assemblées nationales constituantes. En mars 1947, il est élu à la tête du Conseil de la République (ancêtre du Sénat) et le restera jusqu'en 1958, puis du Sénat jusqu'en 1968. Durant sa présidence à la Haute assemblée, il défiera le général De Gaulle par deux fois. D'abord en s'opposant à son projet de référendum sur l'élection du président au suffrage universel direct, allant jusqu'à parler de « forfaiture » à l'intention du Premier ministre Georges Pompidou qui avait accepté de signer ce projet de référendum.
Ensuite, lors du projet de réforme du Sénat appelant à le rejeter. Projet qui sera d'ailleurs rejeté lors du référendum d'avril 1969, précipitant le départ du Général De Gaulle de la tête de l'État. Fidèle à ses convictions, il renoncera à briguer une nouvelle fois la présidence du Sénat en septembre 1968 pour pouvoir être libre de ses mouvements et de ses idées. En 1974, il est nommé au Conseil Constitutionnel où il siègera pendant 9 ans. En novembre 1991, après une longue vie faite de combats, de passion et d'engagement, il décède à l'âge de 94 ans.
Une exigence de mémoire
Orateur né, aussi brillant dans un prétoire qu'à la tribune des chambres où il a siégé car « en élevant son langage, on élève son pays », selon les mots de Camus, Gaston Monnerville mit son talent au service de certaines causes au premier rang desquelles se trouvent la justice et l'égalité. Il a choisi la politique non pour le pouvoir, mais pour pouvoir agir. Ce sont ses engagements, ses combats et cette passion que la Société des Amis de Gaston Monnerville présidée par son compatriote Georges Patient, aujourd'hui vice-président du Sénat, veut mettre en lumière comme étant utile à l'exigence de mémoire qui est due à cette grande figure politique ultramarine.
Ainsi, à l'occasion du trentenaire de sa disparition, il a semblé légitime de rendre un hommage appuyé et digne à cet homme au parcours exceptionnel « qui honore la République et dont la République s'honore ». Dans ce cadre, une série d'évènements mémoriels avec plusieurs temps forts en cette année 2021 sera proposée, dont une exposition itinérante consacrée à son parcours qui débutera dès septembre prochain au Jardin du Luxembourg (14-17 septembre) et se poursuivra au Salon de Boffrand du Sénat (18-19 septembre). Des lieux familiers à l'ex-président du Sénat. Cette exposition s'installera par la suite à la mairie du VIème arrondissement de Paris, pas très loin du Sénat (4-14 novembre), puis à l'Atrium du Millénium du ministère de la Justice (22 novembre au 4 décembre).
Par ailleurs, des tables-rondes, colloques mis en place par la délégation sénatoriale aux Outre-mer et autres débats seront initiés au cours de cette période mémorielle avec un temps fort à l'occasion du congrès de l'association des maires permettant aux élus des Outre-mer de débattre de l'héritage politique de Gaston Monnerville. Pour la circonstance, Outremers360 ouvrira ses colonnes à des historiens, universitaires, avocats, hommes politiques ayant connu d'une manière ou d'une autre la vie, le parcours, les engagements de Gaston Monnerville.
Transmission auprès des jeunes
Mais l'utilité du devoir de mémoire se mesure réellement que s'il y a restitution et transmission et que la nouvelle génération s'empare de ce récit qui fait partie du récit historique national. C'est pourquoi les initiateurs du projet entendent faire en sorte que 4 jeunes suivent les travaux de recherche du commissaire de l'exposition, l'historien et universitaire André Bendjebbar qui, à cette occasion, évoquera les différents jalons du parcours de l'homme politique guyanais. En outre, en collaboration avec les rectorats, il sera possible pour des jeunes collégiens et lycéens de participer activement à ce travail mémoriel dans le cadre de projets avec leurs enseignants au travers d'articles ou œuvres créatives (poésie, dessins, jeux ludiques...).
Enfin, un site dédié développé et hébergé par Outremers360 permettra de mettre en valeur l'ensemble des contenus sur Gaston Monnerville et les expositions à venir. Ce site évolutif s'enrichira tout au long de cette période mémorielle en informant de la programmation des évènements, en faisant entrer le public dans les coulisses et au cœur même des commémorations et connaître ainsi tout ce qu'il souhaite savoir sur les différentes manifestations prévues dans ce cadre. L'occasion d'aller dans les coulisses, de découvrir des documents des archives du Sénat et le travail des différents acteurs de ce projet.
Bref, organiser des évènements mémoriels et développer des outils pédagogiques pour éclairer la vie et le parcours de celui que Rodolphe Alexandre, l'actuel président de la Collectivité territoriale de Guyane considère comme un « homme d'État de la République » tel doit être le sens de cet hommage.
E.B.