ÉDITO de Luc Laventure : Gaston Monnerville, le destin oublié d'un Père de la Nation

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ÉDITO de Luc Laventure : Gaston Monnerville, le destin oublié d'un Père de la Nation

 

La crise Covid-19 qui traverse nos pays d’outre-mer, a mis fin à nos « veillées ». Nos morts aux Antilles étaient effectivement célébrés par des chants et des danses ponctuées par les résonances des tambours et des éclats de conques de lambis... 

À Paris, la République honore ses personnalités rayonnantes : c’était le cas, il y a quelques jours, pour Jean Paul Belmondo qui a illuminé nos imaginaires.  

Mardi prochain, 14 septembre 2021, la République, dans les jardins du Sénat, va commémorer le 30ème anniversaire de la disparition d’un héros : Gaston Monnerville.

Gaston Monnerville, qui j’ose le dire a préfiguré à mes yeux, Barack Obama : la légende d’un citoyen qui, quelle que soit son origine géographique ou éthnique assume en toute plénitude les fonctions les plus hautes. Gaston Monnerville, n’a jamais considéré que le fait d’être petit-fils d’esclave pouvait être un corset à sa pensée universaliste. Une exposition sera présentée au grand public d’abord dans les jardins du Palais du Luxembourg, puis dans les salons de ce même Palais les 18 et 19 septembre dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine. Une exposition portant la signature de l’Historien André Bendjebbar, à l'initiative du Président de la Société des Amis du Président Gaston Monnerville, et vice-Président du Sénat, le Guyanais Georges Patient.

Gaston Monnerville, trop peu connu, mérite la reconnaissance de la Nation. Son stoïcisme lui faisait dire qu’il fallait être comme l’esclave libéré Épictète : laisser les douleurs glisser sur sa peau humaine. Oui, sa peau était noire… du haut de la tribune du Trocadéro, le député Monnerville clamait en juin 1933 : « Nous fils de la race noire ». Cette affirmation étant posée, pour lui, la couleur de la peau n’est ni un titre ni un opprobre.

Gaston Monnerville définissait la démocratie comme le régime du travail et de l’effort. Effort sur soi-même, travail pour les autres. Sa fusion avec la France, aurait pu faire de lui l’auteur des tables de la Loi de la République : 

- Le droit et la loi comme source d’Égalité et de protection de tous et chacun ; 

- La culture comme arme de liberté et la commune comme ancrage dans nos vrais lieux de vraie vie ; 

- La parole libre comme gage de force et l’égalité sociale comme élément de ciment entre les hommes ;

- L’amour de la patrie comme valeur suprême. 

La notion de liberté était son intransigeance permanente. Il pensait que tous les Français devaient avoir en tête le cri de liberté inscrit sur le groupe sculpté du Panthéon. Un cri, devenu une citation célèbre, poussé par Louis Delgrès : « Vivre libres ou mourir ». Louis Delgrès qui à l’aube de ses 36 ans, a préféré lors du siège du Fort de Saint-Charles en Guadeloupe, se donner la mort, accompagné de ses fidèles compagnons le 28 mai 1802.

Depuis plus de vingt-ans, des historiens, des journalistes ont tenté d’opposer quelques fois de façon caricaturale le général de Gaulle et Gaston Monnerville. À mon tout petit niveau d’observateur non autorisé, je me permets de considérer que De Gaulle et Monnerville furent parmi les héros phares du XXe siècle français. Les points communs entre De Gaulle et Monnerville furent toujours plus nombreux que leur divergence. On connaît l’appel du 18 juin 1940. On ignore celui de Monnerville de mai 1940, à tous les soldats des ex-colonies pour se ruer contre la barbarie nazie. On connaît les temps de captivité de De Gaulle en Allemagne. On ignore le Service Militaire que fit Monnerville en Rhénanie en 1923. On connaît l’auteur de l’Armée de métier. On ignore l’engagement volontaire de Monnerville, pour se battre contre les ennemis des démocraties. On connaît le contenu de la Conférence de Brazzaville que présida de Gaulle. On ignore que ce fut Monnerville qui persuada Félix Éboué d’accepter d'être Gouverneur du Tchad. On sait que De Gaulle avait une dilection particulière pour Georges Clémenceau. On ignore que Gaston Monnerville lui consacra une biographie. 

Gaston Monnerville ne quitta pas l'hexagone pendant l’Occupation, il fût actif et fidèle aux soldats noirs à qui Vichy interdisait de rejoindre leurs demeures dans la Zone occupée. Il fit tant pour sauver des griffes vichystes les trois enfants de Félix Éboué, en les envoyant au-delà des mers. Oui, la liste des points communs est plus forte entre les deux hommes que leurs divergences. Gaston Monnerville, dans une nuit, au château de Saint-Cloud, permit à De Gaulle de revenir légalement au pouvoir. Monnerville appela à voter OUI à la Constitution de 1958. 

Au-delà de leur divergence de constitutionnaliste, je retiens que De Gaulle et Monnerville sont les murs porteurs de la République qu’ils ont bâti ensemble.

Luc Laventure

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Ps : Un mot sur le commissaire d’exposition André Bendjebbar Il est agrégé de l’Université, Docteur en Histoire, Diplômé de Sciences Po Paris. Il a publié de nombreux ouvrages dont une réédition des mémoires de Gaston Monnerville « Vingt-deux ans de Présidence ». Il a réalisé en 2010, un film « Gaston Monnerville, la mémoire retrouvée ». Il prépare pour France Télévision un documentaire qui sera diffusé le 7 novembre : « Gaston Monnerville et la caricature ». André Bendjebbar est lauréat de l’Académie française, officier des Palmes académiques.