Haïti : Réunion de crise en Jamaïque au lendemain de l’évacuation de diplomates

©Leonara Baumann

Haïti : Réunion de crise en Jamaïque au lendemain de l’évacuation de diplomates

La situation en Haïti, en proie à des bandes criminelles, fait l’objet d’une réunion de crise lundi en Jamaïque, au lendemain de l’évacuation des diplomates européens de Port-au-Prince en « état de siège ».

La capitale haïtienne a continué ce week-end de sombrer dans des violences liées à des gangs qui réclament la démission du Premier ministre Ariel Henry, tout comme une partie de la population, conduisant la Communauté caribéenne (Caricom) à inviter à une réunion d’urgence en Jamaïque des représentants des États-Unis, de la France, du Canada et de l’ONU. 

Le vice-président du Guyana, membre de la Caricom, Bharrat Jagdeo, a déclaré dimanche que ces pays « chercheraient à rétablir l’ordre et à restaurer la confiance du peuple haïtien ». « Les criminels ont pris le contrôle du pays. Il n’y a pas de gouvernement, la société est en faillite », a-t-il ajouté. Washington a annoncé dimanche avoir évacué le personnel non essentiel de son ambassade à Port-au-Prince. L’armée américaine a indiqué avoir « mené une opération destinée à renforcer la sécurité » de son ambassade pour « permettre aux opérations (…) de continuer et aux personnels non essentiels de partir ».

« La montée de la violence des gangs dans les quartiers proches de l’ambassade américaine et de l’aéroport a conduit le département d’État à décider de procéder au départ d’agents supplémentaires », a indiqué dimanche un porte-parole diplomatique américain. L’évacuation d’une partie de son personnel a eu lieu dans la nuit de samedi à dimanche par hélicoptère, selon des habitants du quartier.

« État de siège »

L’Allemagne a annoncé une démarche similaire. « En raison de la situation sécuritaire très tendue en Haïti, l’ambassadeur d’Allemagne et le représentant permanent à Port-au-Prince sont partis aujourd’hui pour la République dominicaine avec des représentants de la délégation de l’UE », a indiqué à l’AFP un porte-parole du ministère, ajoutant qu’ils travaillent hors de ce pays « jusqu’à nouvel ordre ».

Port-au-Prince est le théâtre d’affrontements entre police et bandes armées, qui attaquent des sites stratégiques dont le palais présidentiel, les commissariats et les prisons. C’est « une ville assiégée », a prévenu samedi Philippe Branchat, chef pour Haïti de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). Des dizaines d’habitants ont cherché refuge dans des bâtiments publics samedi, certains parvenant à pénétrer dans un établissement, selon un correspondant de l’AFP. « Nous avons perdu tous nos biens, tout ce que nous possédions. Nous avons perdu nos familles », a déclaré à l’AFP Reginald Bristol, un habitant de Port-au-Prince.

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Les autorités ont déclaré il y a une semaine l’état d’urgence dans le département de l’Ouest, qui comprend la capitale, et instauré un couvre-feu nocturne. Le Conseil de sécurité de l’ONU a accepté il y a quelques mois d’envoyer une mission internationale dirigée par le Kenya pour aider la police haïtienne, mais son déploiement se fait cruellement attendre. Le Premier ministre a signé début mars un accord à Nairobi pour permettre l’envoi de policiers kényans, et cherche depuis à rentrer en Haïti. Aux dernières nouvelles, il était toujours coincé à Porto Rico, un territoire américain dans les Caraïbes. 

Le chef de la diplomatie américaine et le président du Kenya ont évoqué la crise en cours et « ont souligné leur engagement indéfectible en faveur du déploiement d’une mission multinationale de soutien à la sécurité » pour « créer les conditions de sécurité nécessaires à la tenue d’élections libres et équitables », a déclaré samedi le porte-parole du département. Haïti, sans président ni parlement, n’a pas eu d’élections depuis 2016 et Ariel Henry, nommé par le président Jovenel Moïse juste avant son assassinat en 2021, aurait dû quitter ses fonctions début février.

Administrations fermées

Les administrations et les écoles de la capitale sont fermées depuis plusieurs jours, l’aéroport et le port ne fonctionnent plus, faisant craindre un effondrement des approvisionnements pour la population du pays le plus pauvre des Amériques. L’accès aux soins est sérieusement compromis, avec « des hôpitaux qui ont été attaqués par des gangs et qui ont dû évacuer le personnel médical et les patients, y compris les nouveau-nés », selon l’OIM.

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Le pape François a déclaré dimanche qu’il suivait cette « grave crise avec inquiétude et douleur » et a appelé toutes les parties à œuvrer pour la paix. Selon l’OIM, 362 000 personnes – dont plus de la moitié sont des enfants – sont actuellement déplacées en Haïti, un chiffre en hausse de 15 % depuis le début de l’année.

« Depuis hier soir, nous n’arrivons pas à dormir. Nous fuyons, moi avec mes affaires personnelles posées sur la tête, sans savoir où aller », a déclaré à l’AFP Filienne Setoute, une fonctionnaire qui a dû quitter sa maison. Petit signe d’espoir : cinq personnes enlevées en février à Port-au-Prince, dont quatre religieux, ont été libérées, a annoncé dimanche leur congrégation catholique, appelant à la libération de deux autres religieux détenus.

Avec AFP