L'Agence Qualité Construction a donné lors d'une conférence de presse à Paris ce mercredi 28 juin le top-départ des Assises de la Construction Durable en Outre-mer. Une opération inédite qui nourrit l'objectif de travailler sur la création de référentiels impliquant à la fois les instances ultramarines, mais également les instances hexagonales.
Il y a cinq ans, un rapport du sénateur de Saint-Barthélemy Michel Magras sur les normes de construction dans les outre-mer relevait le manque d'adaptation aux spécificités ultramarines des référentiels conçus pour la construction dans l'Hexagone. Un constat qui s'est exacerbé lors de la crise sanitaire et l'envolée du coût des matériaux de construction. Stéphane Brossard, président d'honneur de la Fédération Réunionnaise du BTP a précisé que « ce rapport de 2018 a permis de donner au secteur une nouvelle dynamique car il a mis en lumière les points de blocage en matière de construction dans les Outre-mer».
Pour répondre à ces enjeux, l'Agence Qualité Construction organise dans le cadre de la seconde édition du programme OMBREE (Programme inter Outre-mer pour des Bâtiments Résilients et Economes en énergie) les Assises de la Construction durable en Outre-mer. Pour Philippe Estingoy, président de l'AQC, ces Assises de la Construction durable en Outre-mer ont pour mission «de permettre aux Outre-mer en travaillant ensemble de créer des outils qui vont aider à la construction adaptée aux Outre-mer, et des outils partagés. Ces Assises sont un aboutissement d'un travail de plusieurs années pour leur permettre d'évoquer, aux travers des spécificités de chacun des territoires, nécessite des adaptations d'un certain nombre d'éléments réglementaires ou normatifs. Nous sommes dans une démarche où nous partons du principe que ce sont dans les territoires que se trouvent les solutions dont elles ont besoin»
Partage des connaissances
Ce travail d'adaptation des normes au contexte local a d'ailleurs été amorcé dans certains territoires comme la Nouvelle-Calédonie. « Nous avons oeuvré depuis un certain nombre d'années de façon à créer les conditions pour qu'un comité de normalisation prenne racine. La première réunion de ce comité s'est tenue à Nouméa, elle a permis d'échanger avec nos voisins du Pacifique, et de tracer une perspective commune. L'approche que nous avons avec nos voisins est d'aborder une normalisation normative. Avec nos confrères ultramarins, il s'agit d'une coopération car nous partageons les mêmes normes françaises et européennes. La coopération avec les îles du Pacifique va se jouer sur l'interopérabilité de nos normes», indique Djamil Abdelazziz, directeur du référentiel de la construction en Nouvelle-Calédonie.
La construction durable implique également des enjeux considérables sur le bâti existant, comme le souligne Jean-Yves Bonnaire, chargé de mission pour la CERC (Cellule économique régionale de la construction de la Martinique sur le projet BatiSolid aux Antilles. « Aujourd'hui, le taux de renouvellement du bâti étant faible, nous nous apercevons que nous sommes à risque sur le bâti construit avec un certain nombre de règles et de normes inadaptées. Sur ce bâti, nous faisons beaucoup de confortement parasismique mais nous devrions demain faire également du confortement paracyclonique. Les Assises de la Construction durable vont permettre aux territoires d'échanger, de coopérer. La Réunion travaille sur des sujets sur lesquels on travaille aussi aux Antilles. Il faut que ce travail soit mis en commun mais aussi reconnu car il y a derrière des enjeux assurantiels. Il faut une sorte de caution nationale. C'est cet objectif que nous voulons atteindre avec ces Assises, au moment où les territoires ont cette volonté d'agir».
« Les Assises de la Construction durable en Outre-mer s’inscrivent dans la droite ligne des travaux entrepris sur les territoires depuis de longues années pour certains, et par la Commission BTP/Logement de la FEDOM qui milite pour la mise en place de cellules locales de validation de conformité. L’étude qu’elle a pilotée à ce sujet, grâce au soutien financier du fonds innovation d’Action Logement et de la Fédération des promoteurs immobiliers de La Réunion, à laquelle ont été associés les acteurs institutionnels et techniques locaux, en a démontré la pertinence et la nécessité. Car structurer et animer la filière d’expertise locale en lien avec les besoins des entreprises, dans les bassins Antilles-Guyane et Océan indien, est un enjeu économique, financier et environnemental majeur auquel ces Assises donneront toute sa dimension. » a ajouté pour sa part Françoise de Palmas, Secrétaire générale de la FEDOM (Fédération des Entreprises des Outre-mer).
Des assises qui se dérouleront en 4 étapes
Ouvert depuis le 15 juin, l’appel à contributeurs est la première étape de ces Assises. Les professionnels de la construction, les acteurs institutionnels et organisations (chambres des métiers, associations, fédérations, CCI etc.) des territoires ultramarins sont invités à s’inscrire jusqu’au 4 septembre 2023. Ils pourront ainsi formuler des propositions qui seront mises à l’ordre du jour lors d’ateliers locaux organisés dans les territoires.
Entre septembre 2023 et janvier 2024, quatre ateliers locaux seront organisés dans les territoires ultramarins afin que les acteurs locaux puissent partager leurs connaissances et réfléchir à des propositions autour des 4 thèmes suivants : Adaptation et production de référentiels techniques de mise en œuvre vis-à-vis des contraintes environnementales, des matériaux disponibles localement et de la vulnérabilité des constructions; l'Adaptation et production de référentiels vis-à-vis des usages et spécificités culturelles; les Contributions scientifiques locales à l’adaptation/production de référentiels et au contrôle de la qualité et la capitalisation de savoir-faire et utilisation de produits issus de zones
géographiques proches en favorisant l’interopérabilité des normes et référentiels (marquage CE/NF des matériaux, produits, référentiels de mise en œuvre, commissions de normalisation régionales...).
En parallèle de ces ateliers, des webmaster classes, sur des thématiques complémentaires, seront organisées. Elles permettront d’aborder des sujets structurants pour les propositions qui seront intégrées au livre blanc.
Des contributeurs-rapporteurs, désignés parmi les contributeurs dans chaque territoire et qui auront participé aux ateliers et aux webmaster classes, se réuniront à Paris en février 2024 pour des ateliers conclusifs. Lors de ces ateliers conclusifs, les rapporteurs seront invités à échanger entre eux ainsi qu’avec les représentants des instances hexagonales impliqués dans la production de référentiels.
Les propositions seront formulées sous la forme de feuilles de route communes qui seront reprises dans un livre blanc. Ce livre blanc constituera la base d’une feuille de route commune aux territoires d’Outre-mer pour mettre en œuvre un système de production de référentiels ultramarins (instances représentatives, gouvernance, circuits de validation...). Ce livre blanc sera présenté lors du salon Batimat en octobre 2024.
«L’organisation de ces Assises est une occasion unique d’aller plus loin en rassemblant les professionnels ultramarins impliqués dans la construction durable autour de propositions coordonnées qui respectent leurs spécificités» a souligné Philippe Estingoy, directeur de l’AQC.