Aïssata Seck, directrice de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage : « Nous voulons investir tous les milieux : des musées en passant par les associations et les collectivités »

© Abby Said Adinani

Aïssata Seck, directrice de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage : « Nous voulons investir tous les milieux : des musées en passant par les associations et les collectivités »

C’était il y a une dizaine de jours : Aïssata Seck est nommée, à l’unanimité, nouvelle directrice de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage (FME). Un choix qui s’inscrit dans la continuité pour la FME, créée en 2019, qui a travaillé sans relâche pour faire valoir son utilité et la nécessité de son existence. Désormais, l’ambition est d’investir tous les espaces publics et médiatiques. Et qui de mieux pour porter ces nouveaux objectifs que celle qui était de tous les combats de la préfiguration de la FME jusqu’à aujourd’hui ? Élue, militante de la mémoire et jusqu’alors responsable du programme Citoyenneté, jeunesse et territoires au sein de l’institution, la nouvelle directrice de l'institution compte bien maintenir le cap pour les 4 prochaines années.

 

Souvenez-vous : l’installation, il y a quelques années, de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage ne s’est pas faite sans embûches. Pourtant, depuis le début, les objectifs étaient clairs, indique sa toute nouvelle directrice, Aïssata Seck : « Derrière la création de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage, il y a d’abord cette volonté d’inscrire l'esclavage colonial comme étant l’un des faits majeurs de la société française ainsi que celle de lutter contre le racisme et les discriminations, à travers cette Histoire. On a souvent tendance à penser que lorsque nous  parlons de l’Histoire de l’esclavage, c’est pour des questions de victimisation ou de repentance alors que l’utilisation d’outils à travers l’éducation, la recherche, la culture, la citoyenneté ou encore le patrimoine nous permettent de mettre à disposition des informations pédagogiques pour lutter contre une certaine forme de racisme ou de discrimination dont peuvent être victimes les personnes noires en France »

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Ainsi, en quatre années d’existence, la FME a soutenu une centaine de projets, conclut de multiples partenariats avec des musées ou  de grandes institutions culturelles et patrimoniales, mis à disposition de nombreux outils pédagogiques pour les écoles, les collectivités ou les associations et a réussi à obtenir le classement des archives nominatives de l’esclavage colonial français au registre Mémoire du Monde de l’UNESCO. Néanmoins, le travail ne fait que commencer.

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Des partenariats et des outils au service de tous

 De la mise à disposition d’outils pédagogiques à l'accompagnement logistique dans l’organisation d’événements commémoratifs, la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage se veut un partenaire actif et disponible pour tous ceux qui le souhaitent. « Nous avons mis en place un kit pédagogique à destination des élus pour les inciter à organiser une commémoration, soit le 10 soit le 23 mai. Nous avons des appels à projets pour aider financièrement ceux qui souhaitent organiser des événements. Grâce à notre programme éducation, nous proposons des formations aux enseignants. Nous avons mis en place plusieurs concours dans les établissements scolaires. Généralement, les lauréats de ces différents concours se voient remettre leur prix lors de la commémoration du 10 mai, donc soit par le président de la République ou éventuellement le ministre de l'Éducation. Tout cela, c'est pour nous permettre d’être unis dans nos diversités ». Parmi les partenariats renforcés dernièrement, on peut citer cette convention signée avec Le Louvre qui permet de visiter le célèbre musée à travers un parcours pédagogique dédié à l'Histoire de l’esclavage. "On a créé ce qu'on appelle le réseau patrimoine déchaîné ou "comment avec les différentes œuvres qui sont exposées dans les musées, on peut transmettre cette histoire", précise Aïssata Seck. « Au Louvre, nous avons deux œuvres extrêmement importantes pour cette Histoire qui sont exposées dans les expositions permanentes. Nous avons également signé un partenariat avec le Panthéon ou encore le musée du Quai Branly. Il y a, au total, environ 200 musées. L'objectif est de les inciter à traiter ces sujets à travers les œuvres qu'ils ont dans leur collection. Le succès de l'exposition au Panthéon et du modèle noir nous montre à quel point il y a une attente autour de ces sujets », conclut la femme d'action qui n’imagine pas un seul instant ne pas retourner sur le terrain. « Beaucoup de personnes n'arrivent pas à comprendre le lien entre Histoire de l'esclavage et une partie des héritages qui sont les nôtres aujourd'hui, notamment sur les questions de racisme. Notre travail, c'est de l'expliquer constamment et de ne pas lâcher le terrain. Il nous faut convaincre tout le temps. C'est une histoire extrêmement difficile, mais il nous faut en parler. C'est à travers ces sujets que l'on va réussir à traiter de la question du racisme contre les personnes noires. »

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Une petite équipe prolifique

 Derrière tous ces travaux, on retrouve une équipe de 7 personnes. « On a l'impression que c'est une grosse structure avec beaucoup de salariés, mais en réalité, nous sommes une toute petite équipe", précise la directrice en souriant. « Nous avons cependant plusieurs instances : le Conseil des territoires, qui permet à la Fondation d'être présente partout, dans l’Hexagone comme dans les Outre-mer ; le Conseil des mécènes qui regroupe les mécènes privés qui financent notamment une partie des projets de la Fondation; le Conseil d'orientation, le Conseil scientifique qui regroupe une quarantaine de chercheurs, d'historiens et de scientifiques… Nous nous appuyons énormément sur ces instances pour pouvoir produire nos différents outils pédagogiques ». Ces outils, sont disponibles sur le site de la FME et peuvent être envoyés sur demande, à l’instar de l’exposition itinérante #CESTNOTREHISTOIRE - Esclavage et abolitions : une histoire de France. Cette exposition en 15 panneaux (85 x 200 cm) destinée au grand public est mise à disposition gratuitement.

Parmi les autres travaux publiés ces dernières années, il y a ces trois notes scientifiques : la première porte sur la place de l'Histoire de l'esclavage dans les programmes scolaires. Dans la deuxième, il est question de Napoléon et du rétablissement de l'esclavage. La troisième note, parue en octobre dernier, s’intitule Racisme et Esclavage. « Ces outils sont à la disposition de tous. Tout le monde peut nous solliciter » répète encore Aïssata Seck. « Nous sommes une Fondation inclusive. Nous parlons à tout le monde et surtout notre objectif premier, c'est vraiment de permettre à la France d'affronter son passé non seulement dans son rapport avec ses Outre-mer mais aussi avec tous les pays voisins de ces territoires qui nous interpellent de plus en plus ».

Après une phase d'ancrage, la FME semble donc partie pour déployer un nouveau pan de son plan d'action. Le rendez-vous est donné dans quatre ans pour le bilan.

Abby Said Adinany