Nouvelle-Calédonie - SLN : "Si on est toujours là, c’est parce que l’État continue de nous soutenir"

© Archives LNC/A.-C.P.

Nouvelle-Calédonie - SLN : "Si on est toujours là, c’est parce que l’État continue de nous soutenir"

Fortement affectée par les émeutes de 2024, la SLN rencontre encore de nombreuses difficultés sur ses sites de la côte Est. Malgré tout, la direction assure avoir réussi à "sécuriser" son approvisionnement grâce aux mines de la côte Ouest. Doniambo tourne à 75 % de sa capacité et produit 3 000 tonnes de ferronickel par mois. Une situation contrastée pour l’entreprise qui survit, depuis plus d’un an, uniquement grâce au soutien financier de l’État, qui vient de lui octroyer une nouvelle aide de 12 milliards de francs. Précisions avec notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

 

Côte Est : une situation toujours difficile

Certes, la situation de la SLN est "stabilisée", assure Guillaume Kurek, directeur général de la SLN, grâce aux mines de la côte Ouest qui tournent "normalement", Tiébaghi, Étoile du Nord, Népoui, Tontouta, et dont le minerai est en priorité destiné à alimenter l’usine de Doniambo. En revanche, l’exploitation des sites de la côte Est reste quasiment inexistante.

Seul le site de Poro-Bonini, exploitée par la SMP, fonctionne, informe Guillaume Kurek. Mais, il produit "des volumes limités" : un peu de latérite pour l’export et de minerai pour Doniambo. La SLN regarde également du côté de Poro-Française, jusqu’à présent utilisé par le Centre de formation aux techniques de la mine et des carrières (CFTMC) pour les formations de conducteur, et qui aujourd’hui n’en accueille plus. "Il est à l’arrêt. On pense relancer l’activité, on peut récupérer des engins, et puis il y a des installations SLN sur mine. On pourrait recréer plus d’une centaine d’emplois en quelques semaines", développe le directeur général. Un projet sur lequel l’entreprise métallurgique compte beaucoup. "Le minerai permettrait d’améliorer notre mix et ainsi de remonter la puissance des fours."

  • Reprise de l’extraction à Kouaoua

Un peu plus bas, à Kouaoua, si l’extraction a repris, la SLN est dans l’incapacité d’acheminer le minerai jusqu’aux minéraliers, qui est stocké sur mine. Ce qui bloque ? Le convoyeur Serpentine, incendié aux premiers jours des émeutes. Sa réparation – estimée à 1 milliard de francs – représente un coût trop élevé. "On ne peut pas affronter un tel montant pour le remettre en route, avec en plus le risque qu’elle soit à nouveau l’objet d’attaque." Décision a donc été prise d’aménager une piste de roulage qui, puisqu’elle traverse trois fois la Kouaoua, nécessite d’aménager des ponts. Son achèvement est attendu pour la fin de l’année. "On n’envisage pas de reprendre l’évacuation de minerai vers le bord de mer avant décembre-janvier". Reste la question de l’acceptation sociale. "Ce roulage en interne permet d’éviter 20 à 25 licenciements. Il y a une compréhension de la situation, mais il y a encore du travail."

  • Retour de l’activité à Thio en 2026 ?

À Thio, où les installations de la SLN ont été largement détruites pendant les émeutes, "les contacts se multiplient", indique Guillaume Kurek. Les équipes sont retournées sur place et ont pu réaliser un état des lieux de chaque site. Des travaux de protection de l’environnement vont être lancés – entre autres sur la mine du Plateau -, "ce qui va engager les premières dépenses avec le retour d’une vingtaine de salariés SLN en activité ainsi que des sous-traitants en complément". Au village, la réparation du bord de mer est prévue dans les semaines à venir, et l’appel d’offres pour la réfection de la route a été lancé par la mairie. Le chantier devrait "pouvoir se faire avant la fin de l’année".

Un retour des salariés sur site est évoqué courant 2026, d’abord au Plateau et à Dothio. Beaucoup restent cependant encore à réaliser, à la fois "au niveau opérationnel, pour reconstruire le centre, les réseaux, les installations, les engins, réembaucher les équipes, etc. Et puis au niveau sociétal, il y a encore des tensions au sein des tribus, de la communauté et du village. Avec notamment des oppositions des jeunes. Les coutumiers aujourd’hui, et ils ont signé un document en ce sens, veulent une reprise d’activité pérenne, stable, sécurisée. Donc, on est très prudents, on ne précipite rien", insiste Guillaume Kurek.

Doniambo tourne à 75 % de sa capacité

Étant parvenu à sécuriser une partie de l’approvisionnement, l’usine tourne à 75 % de sa capacité et produit 3 000 tonnes par mois, pour un fonctionnement attendu de 4 000 tonnes. "Compte tenu des teneurs travaillées en ce moment, c’est le niveau de production normale qu’on devrait pouvoir atteindre. Ce n’est pas le cas en raison des difficultés d’approvisionnement en minerai, à la fois en quantité et en qualité." Rien d’étonnant donc à ce que la SLN soit "assez lourdement déficitaire". Même si le directeur général note des améliorations par rapport à 2024, le résultat "d’efforts très importants" qui ont mené à des économies "très significatives" réalisées sur les dépenses. Le nombre de salariés, aussi, a baissé de plus de 300 en un an, dont 184 rien que sur Thio.

Trois investissements sont planifiés prochainement : la réfection de la voûte du four 10 (2 milliards de francs) ; le remplacement d’une roue-pelle (1,4 milliard de francs) et ainsi que l’aménagement d’une ligne de traitement des poussières "afin d’éviter les panaches de fumée" (1,5 milliard de francs).

12 milliards de francs de l’État

Si la SLN reste debout, c’est grâce au soutien de l’État, son principal actionnaire, Eramet, s’étant retiré du financement de ses opérations, qui maintient l’usine sous perfusion depuis la mise en place du plan de soutien au printemps 2024. "Si on est toujours là, c’est parce que l’État continue de nous soutenir avec une dernière aide de 12 milliards de francs arrivée en avril, de quoi tenir jusqu’à la fin de l’année, pas au-delà." Après, l’avenir paraît bien flou. Si le devenir du nickel est évoqué dans l’accord de Bougival signé le 12 juillet, la stratégie n’est pas clairement développée. Guillaume Kurek affirme d’ores et déjà échanger avec le groupe Eramet et l’État afin de "voir quelles peuvent être les trajectoires" possibles. Et compte sur la mise en place de la mission interministérielle, menée par la haut-fonctionnaire du ministère de l’Économie Claire Durrieu et attendue début août.

Produire du "KNS 25" ?

C’est une des pistes avancées. Puisque, "quel que soit l’opérateur", relancer l’usine du Nord peut prendre plusieurs années, Guillaume Kurek propose ni plus ni moins de traiter le minerai de Koniambo "en attendant cette nouvelle unité de transformation", considérant que "des synergies sont possibles". "On pourrait imaginer que du minerai de Koniambo soit transformé à Doniambo et qu’au lieu de faire du SLN® 25, on fasse du KNS® 25", propose Guillaume Kurek, en référence à l’appellation commerciale du nickel extrait des fours de Doniambo. La SLN pourrait ainsi devenir "des sous-traitants métallurgiques". Une façon, pour KNS, de "commercialiser son métal" mais aussi de "relancer des emplois" sur mine dans le Nord. "On est tous au sol. Il faut essayer de relancer quelque chose. C’est une solution transitoire qui peut se mettre en place rapidement."

Par Les Nouvelles Calédoniennes