L’Union nationale des centres communaux d’action sociale (Unccas) vient de publier les Actes de son 94e congrès, qui s’est tenu à Chambéry à la fin mars 2025. Axé sur « l’urgence sociale », ce document fait une large place aux Outre-mer. Parmi les sujets évoqués, la continuité du service public, les catastrophes naturelles, la vie chère et la pauvreté, entre autres.
Durant le congrès, le ton avait été donné par Luc Carvounas, président de l’Unccas et maire d’Alfortville : « Je le dis depuis cinq ans maintenant : ces territoires vivent en pire ce que nous vivons en Hexagone, et ils n’ont pas le luxe de pouvoir choisir entre défense de la nation, sauvegarde des services public et fin de mois difficiles. Notre dernier baromètre du social, en partenariat avec l’IFOP (Institut français d'opinion publique, ndlr), nous a montré que près de 70% de nos concitoyens ne se sentent pas proches des préoccupations des Ultramarins. C’est dire le fossé que les gouvernements successifs sur des dizaines d’années ont laissé se creuser entre les territoires de la République ». Luc Carvounas a plaidé de nouveau pour la création d’une Agence nationale d’évaluation des politiques publiques dans les Outre-mer.
De nombreuses problématiques sont abordées dans les Actes du Congrès. En ce qui concerne la continuité du service public, Saïd Ahamada, le directeur général de l’Agence de l’Outre-mer pour la mobilité (Ladom), reconnaît que l’État finance des dispositifs pour « établir un trait d’union entre nos territoires, en particulier avec ceux d’Outre-mer, dont on sous-estime le potentiel », tout en s’interrogeant sur les outils à créer afin de faciliter la continuité territoriale dans des domaines comme l’enseignement supérieur, le logement ou l’apprentissage.
Les catastrophes climatiques qui ont durement frappé les îles de l’océan Indien ont été abondamment commentées. Le maire de Pamandzi à Mayotte, Madi Madi Souf, a soutenu que le cyclone Chido avait certainement fait plus que les 49 morts déclarés, anéantissant « tous les efforts de l’État et de nos collectivités, département et communes alors que 70% de notre population est en situation de pauvreté et que plus de 40% des habitants, en situation irrégulière, logent dans des bidonvilles ». « Cessons de parler de reconstruction de Mayotte car tout est à construire », a-t-il lancé. Pour sa part, Marib Hanaffi, maire et président du CCAS d’Acoua, a affirmé avoir demandé un fonds de compensation à l’État mais rien obtenu après avoir pourtant « engagé beaucoup de dépenses pour nourrir les personnes dans les centres d’hébergement, enlever les déchets, dégager les routes ».
La maire de Saint-Denis de La Réunion et vice-présidente de l’Unccas, Ericka Bareigts, a évoqué une situation post-traumatique après le passage du cyclone Garance, déplorant une faible réponse aux nombreuses urgences de sécurité et de salubrité publiques ainsi que le gel de tous les contrats aidés. « Chaque crise aggrave la situation et l’État nous traite comme si nous étions des mendiants », s’est insurgé quant à lui David Belda, son adjoint. « Notre territoire insulaire a participé à la richesse de la France. Nous demandons à être accompagnés justement. Qui va nettoyer les ravines ? S’occuper des enfants ? Procurer un revenu par le travail ? Payer des matériaux de qualité pour prévenir de nouvelles catastrophes ? »
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Les Actes de l’Unccas se penchent également sur la vie chère dans les Outre-mer. Selon Francesca Félix, présidente de l’Utccas de Guyane, « 57% de la population vit sous le seuil de pauvreté. D’ici 2026, ce pourcentage passera à 67% si nous n’agissons pas. Et sur les 35% en situation d’extrême pauvreté, 17% sont des jeunes. Nous risquons de connaître une révolte sociale semblable à celle qu’a vécu La Martinique ». « La problématique de la vie chère est une injustice sociale car ce sont les publics précaires qui sont le plus en difficulté », a ajouté Éliane Guiougou, présidente de l’Udccas de Guadeloupe. « Même en innovant, nous n’avons pas les moyens financiers pour répondre à la demande sociale, ce qui a pour conséquences l’abandon des plus âgés et la montée des violences ».
Martial Foucault, professeur des universités à Sciences-Po Paris et directeur du Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences-Po, ndlr) s’est interrogé sur « la lenteur du législateur à se saisir des injustices vécues par les dizaines de milliers d’Ultramarins », et sur la question de l’octroi de mer. « Il s’agit d’une ressource fiscale importante mais cette mesure, qui visait à favoriser la production locale, n’a pas permis le développement de ces chaînes de production. Politiquement, plus une société s’appauvrit et plus elle s’éloigne du rapport au politique », relève le chercheur.
PM