Drogues à La Réunion : une augmentation notable des trafics en 2024 qui inquiète les autorités, selon une étude de l’OFDT

Drogues à La Réunion : une augmentation notable des trafics en 2024 qui inquiète les autorités, selon une étude de l’OFDT

Un rapport de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), réalisé en collaboration avec l’Agence régionale de santé de La Réunion, le réseau local Oté (Ouverture Thérapeutique Éducative) et des associations du territoire, publié en août, a fait le point sur les tendances observées en 2024 sur l’utilisation des substance psychoactives, les usagers et les différents trafics dans l’île. La hausse de la diffusion des produits illicites constitue un sujet de préoccupation majeur pour les organismes sanitaires comme pour les forces de l’ordre. 

Selon l’OFDT, « l’année 2024 confirme l’augmentation des trafics de stupéfiants sur l’île de La Réunion. Les saisies des Douanes sont en forte augmentation et l’analyse des principaux actes de délinquances enregistrée par la police et la gendarmerie nationales pour 2024 démontre que les actes pour trafic de stupéfiants connaissent une augmentation de 18,3% », entraînant mécaniquement des phénomènes de violence. Les voies d’approvisionnement sont de trois ordres : postale, aérienne avec les « mules », et maritime. Les envois postaux sont notamment privilégiés pour les nouveaux produits de synthèse (NPS), la cocaïne, la MDMA/ecstasy, la kétamine ou la résine de cannabis, avec des quantités pouvant atteindre plusieurs kilos. 

En outre, située stratégiquement dans l’océan Indien, l’île de La Réunion forme, avec l’île Maurice et Madagascar, un ensemble régional favorable à la circulation de certaines drogues. Elle exporte notamment du cannabis — principalement les variétés locales « zamal » et « skunk » — vers Maurice. La Réunion joue aussi un rôle marginal en tant que zone de transit pour des substances telles que l’héroïne et la méthamphétamine à destination des îles mentionnées, mais le territoire réunionnais demeure largement préservé des usages qui affectent ses voisins. Cependant, « de par les liens nationaux qui unissent La Réunion et Mayotte, les trafics se consolident entre les deux îles françaises de la région, principalement concernant les NPS dont les cannabinoïdes (« chimique », « tabac chimique ») et cathinones de synthèse - (drogues dérivées des feuilles du khat, ndlr) - (« B13 », « Dou ») », constate le rapport.

Depuis 2022, le paysage des drogues à La Réunion connaît une transformation notable. Des substances telles que la cocaïne, la MDMA/ecstasy, les cannabinoïdes et les cathinones de synthèse ont commencé à se diffuser au sein de certaines franges de la population. Cette évolution s’accompagne d’une multiplication, d’une structuration et d’une diversification des réseaux de revente, relève l’OFDT. De manière générale, ces trafics sont multi-produits : un même individu peut proposer du « zamal », de la résine de cannabis, de la MDMA/ecstasy, de la cocaïne ou encore du « Dou ». Les acteurs du marché, qu’ils soient revendeurs ou consommateurs, témoignent également d’une diversification croissante des types de cocaïne disponibles.

Source : OFDT 

À partir de 2024, le phénomène des bandes est devenu une préoccupation centrale pour les institutions locales, qui l’associent à des trafics de stupéfiants jugés de plus en plus violents et dangereux. Les interpellations, les saisies douanières et les témoignages de revendeurs révèlent une grande variété de trafics actifs sur l’île. « Cette nouvelle forme de délinquance entraîne une stigmatisation des communautés mahoraise et comorienne de la part de certains groupes émanant de la société civile », déplore l’étude. Autre donnée soulignée, les vendeurs utilisent les réseaux sociaux ainsi que des applications de messageries cryptées comme outils de communication marketing pour proposer des offres de substances toujours plus attractives. Par ailleurs, les livraisons à domicile sont de plus en plus répandues, dans une forme d’ « uberisation » du système.

La même année, la situation socio-économique de La Réunion continue de se détériorer, impactant particulièrement les populations les plus vulnérables, notamment les usagers de drogues en situation de précarité. Cette fragilisation s’accompagne de nombreux facteurs aggravants : violences sous diverses formes, pathologies chroniques et invalidantes, ainsi qu’une santé mentale fortement altérée. « L’alcool et le zamal sont les produits les plus majoritairement consommés par les personnes précaires ou marginalisées. Cependant, en 2024, on observe une nette diffusion des consommations de cathinones de synthèse (appelées « B13 » et « Dou ») et de cocaïne basée (« crack ») sur tout le territoire », précise l’OFDT. « Les médicaments consommés hors cadre thérapeutique, notamment l’Artane® et dans une moindre mesure le Rivotril®, sont toujours bien visibles chez les personnes précarisées », ajoute l’organisme.

Dans ce contexte, la vente de petites quantités de substances psychoactives s’adapte aux contraintes économiques des consommateurs, en proposant des produits à prix relativement accessibles et aux effets rapides et puissants. Cette évolution des usages soulève de vives inquiétudes chez les professionnels du secteur de la santé, souvent démunis face à ces nouvelles pratiques et à leurs répercussions sanitaires et sociales. Par exemple, « tous les usagers de B13, Dou et/ou cocaïne basée rencontrés déclarent s’isoler de plus en plus de leur entourage familial et amical. Certains ont perdu leur emploi, ne pouvant plus assumer les contraintes et se sentant incapables de réaliser leurs activités professionnelles », alerte le rapport.

PM

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