Polynésie : Rapa, une île isolée qui tient à le rester

Marianne Narii, membre des To’ohitu, propose une visite du musée de Rapa à des touristes de l’Aranui ©Mike Leyral / TNTV

Polynésie : Rapa, une île isolée qui tient à le rester

Le gouvernement polynésien a achevé, vendredi soir, son déplacement à Rapa, parmi les îles habitées les plus éloignées de Tahiti de la Collectivité. Un éloignement qui a des conséquences en matière d’éducation, de santé, de communication ou encore de transports. Mais qui apporte une tranquillité chère aux habitants. Un reportage de notre partenaire TNTV.

Le premier conseil des ministres de l’Histoire tenu à Rapa, c’est une volonté politique de désenclaver l’île, desservie tous les deux à trois mois par un navire. Mais les habitants ne le souhaitent pas toujours. Sur le tourisme par exemple, ils veulent limiter les visites de l’Aranui, qui en souhaiterait au moins une par mois avec son futur navire.

« Avec l’arrivée de l’Aranoa et 200 passagers (cargo-mixte actuellement en construction, ndlr), et le Na Hiro e Pae qui va arriver en même temps, en 2026, qui double sa capacité de transport de passagers, j’ai peur que l’on soit envahi avec les fréquences annoncées, de 6 à 22 voyages par an », souffle le maire de Rapa, Tuanainai Narii.

L’édile s’inquiète aussi pour la santé de ses administrés. Lui-même a été le premier évasané par hélicoptère Super Puma. Il craint le départ de l’Armée et, faute d’aéroport, il voudrait consacrer un hydravion aux évacuations sanitaires. Il le verrait bien se poser dans la tranquille baie de l’île. Les évasans par hélicoptère restent coûteuses et très longues.

« Il y a un délai entre le déclenchement et l’arrivée de l’hélicoptère, puisqu’il part de Tahiti, puis va refaire le plein de carburant, principalement à Raivavae, et il arrive ensuite à Rapa. Là, il fait à nouveau le plein pendant que le médecin fait le bilan du patient », explique l’infirmière de l’île, Blandine Paccallet.  

La jeune femme est la seule infirmière de Rapa. Et il n’y a pas de médecin, sauf deux semaines tous les six mois. Mais la dernière mission a été annulée. Les patients voient donc un docteur pour la première fois depuis un an. « On a des patients diabétiques, d’autres hypertendus. Des consultations de cardiologie et d’endocrinologie sont nécessaires, voire aussi des consultations de pédopsychiatrie », estime le docteur Naomi Fano. 

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Les femmes vont accoucher à Tahiti, comme dans la plupart des îles. Mais l’isolement de Rapa les contraint à quitter leur famille pour longtemps. « Je reviens en décembre, puis je repars en janvier jusqu’à ce que j’accouche au mois de mars. Après, je serai encore obligée de rester un mois avant de revenir », témoigne Vaimareva Temaihaga.  « Ce n’est pas facile pour la vie de famille. Je dois laisser mon fils. Quand je suis à Tahiti, je pense à ma petite famille. Je ne sais pas s’ils vont bien », ajoute-t-elle.

©Aranui

Les enfants, eux, quittent leurs parents dès le collège pour être scolarisés à Tubuai, principale île des Australes. Beaucoup ne reviennent jamais. La proportion des moins de 30 ans a été divisée par deux en quinze ans. Ceux qui retournent sur leur île doivent se réadapter, notamment à une vie sans le haut débit. « À Tahiti, on a la 4G. C’est plus rapide. Ici, on n’a pas ça. Il y a beaucoup de bugs. Des fois, tu t’énerves, car c’est très long », sourit Kauti, 18 ans.

Le Président Brotherson a promis un meilleur débit pour bientôt, via Starlink ou Oneweb. Mais cette vie communautaire, loin des écrans, a aussi ses avantages : elle laisse du temps libre pour échanger avec les anciens et conserver les savoirs d’autrefois. Tout ce que le Conseil des Sages de Rapa, appelé To'ohitu, souhaite protéger. Ce Conseil ne dépend d’aucun autre pouvoir : ni l’État, ni le Pays, ni la commune.

L’île est régie par un système particulier : les terres, les produits de la chasse et de la pêche ou encore les ressources économiques (artisanat) sont partagées entre les quelque 500 habitants de l’île. Les installations sont soumises au préalable à une autorisation du Conseil. « Personne n’est propriétaire, personne. Lorsque quelqu’un vient demander une parcelle pour construire sa maison, on lui donne une superficie. Si au décès de celui-ci, il n’a pas de descendant, la parcelle revient aux To’ohitu, à la communauté », explique Marianne Narii, membre de ce Conseil.

Tiarenui Pahuiri et Mike Leyral pour TNTV