Surfeur européen le plus titré de l'histoire, le Réunionnais Jérémy Florès a décidé en 2021 de ranger ses planches pour de bon, quelques mois seulement avant de se voir diagnostiquer une tumeur au cerveau, dont il révèle aujourd'hui l'existence dans un documentaire poignant.
Dans « Dos au mur », diffusé en avant-première mercredi au Grand Rex à Paris, le manager de l'équipe de France aux JO 2024 raconte les conséquences sur son quotidien de ce mal qui a bouleversé sa vie, mais qu'il a longtemps tu publiquement.
« Je me suis dit que c'était le moment d'en parler. J'avais besoin d'évacuer, d'envoyer un message pour mes enfants et les gens qui peuvent en avoir besoin. Cette épreuve était clairement la plus dure de ma vie », confie-t-il lors d'un entretien à l'AFP. Star du tour pro pendant quinze ans, sur lequel il a remporté quatre victoires, le surfeur né à La Réunion il y a 37 ans a marqué l'histoire de son sport par son surf puissant, son aisance exceptionnelle dans les tubes et aussi son caractère bien trempé...
« Je pense avoir le record d'amendes sur le tour professionnel », raconte-t-il, assagi face aux caméras de Julie et Vincent Kardasik, les deux réalisateurs de ce long-métrage qui revient longuement sur les débuts du prodige grâce à de nombreuses images d'archives. L'une de ses marques de fabrique : le bras d'honneur en direction des juges à la fin d'une série perdue.
« Cela m'a brisé »
Pourtant, en 2021, tout juste devenu père pour la deuxième fois, il décide de prendre sa retraite sans vraiment s'expliquer. « Depuis plusieurs années, j'avais énormément de migraines, j'étais toujours fatigué, pas motivé », raconte-t-il. Quelques mois plus tard, on lui diagnostique une tumeur à la base du cerveau, inopérable selon de nombreux chirurgiens. « La nouvelle m'a brisé », avoue Florès.
Il subit en 2022 à Montpellier une intervention au cerveau en condition éveillée, supervisée par le neurochirurgien Hugues Duffau. « L'opération s'est bien passée. Ensuite, j'ai dû réapprendre à parler, à écrire, à lire. J'ai eu de grosses pertes de mémoire. Mes enfants étaient devenus des étrangers à mes yeux », décrit-il, la gorge nouée.
Il peut toutefois compter sur le soutien sans faille de son épouse, l'ex-miss Tahiti et dauphine à Miss France, Hinarani de Longeaux. Et sur celui de son « grand frère », la légende Kelly Slater, qui intervient à de nombreuses reprises dans le documentaire. « Il m'a appelé presque tous les jours, avant, pendant et après l’opération... J'ai eu la chance d'être très bien entouré », reconnaît le surfeur français, dont la mémoire « revient petit à petit ».
Coach Florès
Environ un an après l'opération, il est contacté par la Fédération française de surf. Encore convalescent, il accepte d'accompagner les Bleus jusqu'à l'échéance olympique à Teahupo'o, où il habite depuis plusieurs années.
« Je me suis dit : pourquoi pas ? Cela va me permettre de stimuler mon cerveau, et le surf, c'est ce que je fais de mieux », explique celui qui a appris à dompter les vagues auprès de son père Patrick, entraîneur national pendant de nombreuses années. Jérémy prend notamment sous son aile Vahine Fierro, sa belle-sœur, et Kauli Vaast, jeune tahitien qui était « toujours dans (ses) pattes sur le tour ». Le vétéran devenu coach les persuade petit à petit qu'ils ont le niveau pour tout gagner. Cela fonctionne.
Vahine Fierro devient la première tahitienne à remporter le Tahiti Pro en 2024, une première pour un surfeur français depuis... Jérémy Florès (2015). Kauli Vaast, lui, décroche un peu plus tard la médaille d'or olympique, sous les yeux rougis de son idole d'enfance. « C'était vraiment spécial, le moment le plus fort de ma carrière. C'est mon petit frère et je suis très attaché à la notion de transmission », souligne Florès.
Le manager se concentre aujourd'hui sur le projet Héritage, lancé entre les Fédérations française et tahitienne de surf : une structure de haut niveau avec de jeunes athlètes montée dans l'objectif de briller aux JO de Los Angeles (2028) et de Brisbane (2032). La tumeur, elle, « est toujours là », mais ne semble plus le hanter. « Je continue à surveiller avec des IRM tous les trois mois. Il faut garder un œil sur sa taille, prendre ça au sérieux, mais il faut continuer à avancer », lâche-t-il, apaisé.
Avec AFP