Polynésie - Un hydravion à Rapa pour des Evasan : « Pourquoi pas » s’interroge Moetai Brotherson

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Polynésie - Un hydravion à Rapa pour des Evasan : « Pourquoi pas » s’interroge Moetai Brotherson

Ce vendredi à Rapa, Moetai Brotherson, accompagné de cinq ministres, a présidé un Conseil des ministres décentralisé, où une quarantaine de dossiers ont été examinés. Accès à internet, adduction d'eau, mise à disposition d'un hydravion pour les Evasan... Le président du Pays est revenu pour TNTV sur certains de ces dossiers et sur les décisions qui ont été prises sur place. Détails avec l'interview de notre partenaire TNTV.


Le séjour du gouvernement à Rapa touche à sa fin. La principale demande de la population et de la mairie de Rapa, c’était l’adduction d’eau. Allez-vous répondre à cette demande favorablement ? C’est 172 millions de francs qui sont demandés.

Moetai Brotherson, président de la Polynésie française : « C’est un dossier qui est à l’étude conjointement entre l’État et le pays, puisque c’est un dossier qui s’inscrit dans le CDT. Il y a un comité qui est prévu début décembre. Évidemment, le pays soutiendra cette deuxième phase du projet d’adduction d’eau de Rapa. C’est un projet qui est bien ficelé. Nous avons hier pu visiter la phase 1. On nous a présenté les éléments constitutifs de la phase 2 avec un projet innovant de câbles sous-marins. (…) C’est un câble qui transportera l’eau de part et d’autre de la baie intérieure pour amener l’eau qui sera captée au fond de la vallée de l’autre côté. »

Est-ce que vous allez aussi donner suite à un autre espoir qui a été exprimé par la mairie de Rapa et surtout par les To’ohitu : une sorte de reconnaissance de cette forme un petit peu particulière de Conseil des sages qui a lieu ici.

Moetai Brotherson: « Là, on est en plein dans cette espèce de particularisme unique finalement dans notre pays et peut-être au monde. Nous étions confrontés au problème hier puisqu’il y a un projet de remblai que nous allons soutenir. Un remblai qui s’appelle Area de l’autre côté de la baie qui a été démarré dans les années 2000, mais qui n’a pas été achevé, et qu’ils nous demandent d’achever d’ici 8 ans.
Nous avons donné notre accord de principe également pour un schéma d’aménagement des installations sportives. La question du maire était : est-ce qu’on peut affecter ce remblai aux To’ohitu ? Aujourd’hui, techniquement, on ne peut pas puisque le To’ohitu n’a pas d’existence légale, il n’a pas de statut juridique, ce n’est pas une association, c’est quelque chose d’unique, d’admis depuis toujours ici à Rapa. Est-ce qu’il faut le faire ? Est-ce qu’il faut une reconnaissance juridique ? Je me pose la question. On va lancer une étude avec nos juristes parce que finalement, est-ce que ce n’est pas le cheval de Troyes qui va amener le reste du Code civil sur Rapa ? Est-ce que de faire une reconnaissance juridique du To’ohitu ne va pas engendrer des effets de bord, qu’à mon avis la population de Rapa ne veut pas ? »

Une autre chose que la population de Rapa ne veut pas, c’est un nombre de croisiéristes trop important tout au long de l’année. L’Aranui avec son futur bateau, l’Aranoa, comptait venir au moins une fois par mois. Pour l’instant, c’est deux fois maximum selon la population par an.
« C’est une discussion qui s’est engagée hier entre l’armateur et le conseil municipal. Je comprends la crainte de la population de Rapa. Pour schématiser, ils passent de zéro touriste par mois à 400 touristes potentiellement. Ça vient bouleverser leur vie, ils sont 450 sur l’île, avec une tradition d’accueil qui implique que tout le monde soit là quand un bateau arrive. C’est quelque chose d’assez particulier. Maintenant, je pense qu’il faut aussi que la population de Rapa s’interroge sur un point d’inflexion démographique auquel elle est confrontée aujourd’hui. »

C’est-à-dire un vieillissement de la population et une chute de la démographie ?

Moetai Brotherson :  « On analyse les chiffres entre les différents recensements, et on voit ce vieillissement de la population. Ça veut dire que les jeunes ne reviennent pas. Donc si ces jeunes ne reviennent pas, c’est qu’il n’y a pas suffisamment d’activité économique, pas suffisamment d’attractivité par rapport au projet de vie. C’est toute une réflexion sociologique qu’il faut mener. »

Cet isolement se ressent aussi sur le plan des soins. Hier, le maire de Rapa, Tuanainai Narii, proposait la mise à disposition d’un hydravion pour faire les Evasan.

Moetai Brotherson :« Tuanainai ne manque pas d’imagination, il a souvent de très bonnes idées. Il faudra examiner avec les gens qui connaissent, cette possibilité. Il y a quand même 500 km entre Rapa et Raivavae, qui est l’île la plus proche. Mettre en place des hydravions, ça ne s’improvise pas. On ira peut-être voir ce qui se fait en Alaska ou dans d’autres pays où ce genre de transport est plus commun. Mais pourquoi pas ? Puisque la baie intérieure où vit la plupart de la population est extrêmement bien protégée, quelle que soit la direction du vent. Donc pourquoi pas ? »

Rompre l’isolement, ça passe aussi par les communications, par Internet. Est-ce que vous avez une solution pour que le réseau Edge ne soit plus qu’un mauvais souvenir à Rapa ?

Moetai Brotherson :« Déjà, il faut souligner les efforts qui ont été faits par Onati, puisqu’on est passé de 1 Mbps l’an dernier à 6 Mbps cette année pour les abonnés ADSL. On est bien loin évidemment de ce dont on dispose à Tahiti. Nous avons testé hier la solution OneWeb avec une toute petite antenne qui est là, déployée dans la cour. Elle fait moins d’un mètre carré, et elle nous a permis de tenir ici même une démonstration de télémédecine et d’être tous connectés au réseau Lexpol qu’on utilise pour tenir les conseils des ministres. Une connexion 100 Mbps qui pourrait être doublée à 200 Mbps. Ça veut dire que ça marche aujourd’hui ces constellations basse orbite. Est-ce que ce sera demain OneWeb ou Starlink ? On attendra la fin des tests de l’OPT pour se décider. »

Par TNTV.