Climat Outre-mer : Un défi majeur sur les plans sanitaire, économique et humain, selon un rapport de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l’Assemblée nationale

Dégâts sur l’île de Saint-Martin après le passage de l’ouragan Irma en 2017 ©Wikimedia Commons

Climat Outre-mer : Un défi majeur sur les plans sanitaire, économique et humain, selon un rapport de la Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l’Assemblée nationale

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire de l’Assemblée nationale a déposé un rapport d’information, le 5 juin 2025, en conclusion des travaux d'une Mission d'information sur l’adaptation de l’aménagement des territoires au changement climatique. Un chapitre est consacré aux Outre-mer, avec des propositions d’actions spécifiques.

 La Mission d’information avait pour rapporteurs les députés Fabrice Barusseau (Socialistes et apparentés, Charente-Maritime) et  Philippe Fait (Ensemble pour la République, Pas-de-Calais). Avant d’aborder plus particulièrement les problématiques ultramarines dans leurs travaux, il est intéressant de relever que les auteurs écrivent que « l’ampleur du défi Outre-mer et la très forte différence des enjeux par rapport à la métropole invitent à créer une mission uniquement sur le sujet ».

Dans le chapitre sur l’aménagement des territoires ultramarins au changement climatique, les rapporteurs prévoient que, tout comme en France hexagonale, les Outre-mer vont connaître une hausse des températures, quelle que soit la saison. Des constats sont déjà largement partagés, notent-ils : « érosion, submersion marine, affaiblissement de la ressource en eau douce, intensification des cyclones, acidification de l’océan qui affecte massivement les coraux (lesquels fournissent habituellement une protection contre l’érosion et la submersion marine), variation des courants qui provoque, dans les Antilles notamment, une invasion de certains territoires par les sargasses avec des émissions de gaz toxiques ».

Pour l'ensemble de ces régions, le rapport constate que le changement climatique représente un défi majeur sur les plans sanitaire, économique et humain. L'impact sur les cultures sera significatif, risquant de compromettre la sécurité alimentaire, d'autant plus que l'importation de produits y engendre déjà un surcoût par rapport à l’Hexagone. À titre d'exemple, la production de canne à sucre à La Réunion a été réduite de moitié en vingt ans. Par ailleurs, les conséquences sanitaires sont préoccupantes, notamment avec la progression des maladies vectorielles et les difficultés croissantes d'accès à l'eau. En Guadeloupe et en Martinique, une grande partie des infrastructures d'assainissement est défaillante, et la raréfaction de l'eau potable s'accentue en raison de l'état dégradé du réseau de canalisations.

Au niveau humain, la question du déplacement des populations, qu'il soit de faible ou grande ampleur, se pose dans de nombreux territoires littoraux. Bien que les autorités prennent progressivement conscience de cette problématique et déploient divers plans climat, cette notion peine encore à s'ancrer dans la population, en grande partie en raison du manque de solutions alternatives viables. « Enfin, des impacts économiques majeurs seront directement liés au changement climatique. En Polynésie, le tourisme côtier (transport, hébergement, restauration), directement menacé par les risques de submersion marine, représente ainsi près du quart du PIB », ajoutent les rapporteurs. 

Présentation du rapport de la Mission d’information sur l’adaptation de l’aménagement des territoires au changement climatique à l’Assemblée nationale, le 4 juin 2025

Le document souligne que l’amélioration de la politique d'adaptation repose sur trois axes essentiels : affiner les connaissances et les scénarios d'évolution du changement climatique à l'échelle locale, mobiliser des ressources financières et humaines adaptées pour soutenir les territoires d'Outre-mer, et alléger certaines procédures administratives afin de faciliter leur mise en œuvre. 

Dans ses recommandations, la Mission propose « d’intégrer le phénomène d’échouages massifs d’algues sargasses aux Antilles dans le régime Cat Nat (régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, ndlr) en tant que catastrophe naturelle ; de renforcer significativement les moyens de recherche et d’expertise des institutions publiques comme Météo-France et le Cerema (Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, ndlr) pour aider les collectivités d’Outre-mer à réaliser des cartographies des risques et des scénarios d’évolution climatique localisés ; d’inclure des parties spécifiques relatives à chaque territoire d’Outre-mer dans les stratégies gouvernementales et dans la programmation des moyens financiers concernant l’atténuation et l’adaptation au changement climatique ; de renforcer la LBU (Ligne budgétaire unique, ndlr) et les aides à l’adaptation de l’habitat pour faire face aux inévitables relocalisations de populations dans ces territoires ».

Par ailleurs, en matière de prévention et de gestion administrative, les collectivités d’Outre-mer rencontrent de nombreuses difficultés. Exemple, le déploiement des PAPI (programmes d'actions de prévention des inondations, ndlr) reste limité dans ces territoires en raison d’un manque de ressources financières et d’ingénierie. L'absence de cadre administratif clair sur l’adaptation entraîne ainsi des inadaptations fréquentes. 

« À titre d’exemple, l’étude de neuf atolls des Tuamotu montre que les vingt types d’activités recensés sur le littoral (remblaiement, extraction de sédiments, murs de protection, etc.) contribuent à perturber les processus naturels et donc participent de l’augmentation des risques côtiers. Ces analyses mettent en évidence que le droit polynésien n’est pas équipé pour réguler ces activités du fait de vides juridiques, mais également en raison de capacités institutionnelles défaillantes (manque de formation aux risques côtiers et de personnel) et du non-respect de la réglementation par les habitants », déplore le rapport. D’où l’importance de l’accompagnement de l’État dans l’instauration de plans d’adaptation au changement climatique dans les territoires d’Outre-mer, conclut-il.

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PM