Polynésie, Nouvelle-Calédonie… les enjeux géopolitiques des câbles sous-marins en Océanie analysés dans une étude de l’IFRI

Mise en place d’un câble sous-marin en Nouvelle-Calédonie ©Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie

Polynésie, Nouvelle-Calédonie… les enjeux géopolitiques des câbles sous-marins en Océanie analysés dans une étude de l’IFRI

Dans une étude publiée ce mois-ci par le Centre Asie de l’Institut français des relations internationales (IFRI), la chercheuse Camille Morel (Université Jean Moulin Lyon III) se penche sur la géopolitique des câbles sous-marins en Océanie. Elle réalise notamment un état des lieux de la connectivité numérique des États du Pacifique dit « insulaire » en analysant leurs principaux enjeux et perspectives.

Saviez-vous que 450 câbles de fibres optiques répartis au fin fond des océans en 2022 sont à l’origine de la circulation de plus de 98% de données au niveau mondial ? Ces chiffres traduisent l’importance stratégique et géopolitique de ces installations. « Pour les îles du Pacifique, isolées physiquement, cette connexion par câble est d’autant plus essentielle qu’elle permet à la fois la numérisation des différents secteurs de l’économie et de la société (industrie, éducation, santé…) mais également le maintien d’un lien virtuel permanent avec le reste du monde, l’existence de satellites ne permettant pas de palier en totalité la mise hors service d’un câble sous-marin », explique Camille Morel, auteure de la note « Le Pacifique insulaire pris dans la toile mondiale ? Géopolitique des câbles sous-marins en Océanie », publiée par l’IFRI.  

En ce qui concerne l’état des lieux du réseau océanien, la chercheuse considère que la zone est sous-maillée et que la connectivité existante est relativement faible. « Peu de lignes desservent en effet chacune des îles d’Océanie, qui ne sont la plupart du temps reliées que par un ou deux câbles sous-marins, dont la capacité est en outre plus faible que dans d’autres régions du Pacifique – 19,8 tb/s en moyenne contre 24,64 tb/s en moyenne pour les câbles reliant l’Australie et 40 tb/s en moyenne pour les câbles reliant la France –, la demande en bande passante y étant inférieure. »

Dans la zone polynésienne, les Outre-mer français (Polynésie française et Wallis et Futuna) ont un raccordement qui forme une sorte de toile, chaque territoire étant prioritairement relié par un câble de dimension réduite à son ou ses voisins les plus proches. « Si Wallis et Futuna dispose d’un seul câble – Tui-Samoa vers les Fidji puis les Samoa – la Polynésie française en possède deux – l’un vers Hawaï, Honotua, et l’autre vers les Samoa, Manatua. La Polynésie française et Wallis et Futuna sont donc raccordées indirectement l’une à l’autre par l’intermédiaire des îles Samoa ». En Mélanésie, la Nouvelle-Calédonie dispose d’un unique câble, tourné vers l’Australie, Gondwana 1, rapporte l’universitaire. « Ce territoire sera cependant demain relié aux autres territoires ultramarins français : un projet de câble, Gondwana 2, le connectera prochainement aux îles Fidji, ce qui permettra son raccordement au câble Tui-Samoa puis Manatua ».

Il va sans dire que la production et l’installation des câbles, dominés actuellement par les Européens, les Américains et les Japonais, sont des enjeux économiques et géostratégiques majeurs. Les Chinois en particulier ne cachent pas leurs ambitions. « La volonté politique chinoise de s’immiscer dans la toile numérique océanienne semble se réaffirmer en 2022. Des projets d’accord entre le gouvernement chinois et les pays du Pacifique insulaire incluent en effet un volet numérique dans lequel les câbles sous-marins sont, explicitement ou implicitement, mentionnés », écrit Camille Morel.

Pour contourner la rivalité, principalement sino-américaine, dans la zone, des acteurs privés et publics proposent des projets innovants au niveau du tracé des liaisons et du modèle économique. « Dans la volonté de contourner les routes traditionnelles de la donnée, portées par les acteurs dominants du marché, des voies alternatives, notamment « Sud-Sud », émergent sur le globe », précise la chercheuse. « C’est le cas d’un projet de câble (à l’initiative du Chili) devant relier l’Amérique du Sud à l’Asie sans passer par les États-Unis et pour lequel des discussions sont en cours depuis quelques années déjà ». Une liaison par câble entre le Chili et la Polynésie française, comme point de chute intermédiaire, est revenu sur le devant de la scène, favorisé par un projet de raccord de la Polynésie au câble sous-marin transpacifique Hawaiki Nui, partant de Singapour aux États-Unis en passant par l'Indonésie, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et les îles du Pacifique. 

La note fait aussi état d’opportunités d’avenir, comme les câbles « intelligents », qui permettent le recueil d’informations sur les fonds marins, pour l’étude du changement climatique, de l’environnement des océans et à des fins de prévention des catastrophes naturelles. Dans ce cadre, rappelle Camille Morel, « un projet entre le Vanuatu et la Nouvelle-Calédonie – le câble Gondwana 3 – est porté par un groupe de travail international sous l’égide de l’ONU. Ce groupe d’action, établi par l’Union internationale des télécommunications (UIT), l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) et l’Organisation météorologique mondiale (OMM), s’attache, depuis 2011, à élaborer une stratégie et une feuille de route en ce sens ».

Lire l’étude : "Le Pacifique insulaire pris dans la toile mondiale ? Géopolitique des câbles sous-marins en Océanie"

PM