Nouvelle-Calédonie : Décarboner le nickel, un pas à la fois

Nouvelle-Calédonie : Décarboner le nickel, un pas à la fois

« Évolution du paradigme énergétique de la métallurgie du nickel : décarbonation », voici le titre de l’accord-cadre ratifié par le gouvernement, la province Sud, la Société Le Nickel (SLN), Énercal et Prony Resources New Caledonia (PRNC). L’objectif, une extraction et une métallurgie responsable. Un dossier de notre partenaire Actu.nc.

Les entreprises minières locales se sont fixées des objectifs ambitieux en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre : - 40 % en 2035 par rapport à 2019 et la neutralité carbone en 2050 pour la SLN ; - 50 % sur le total des émissions de CO2 en 2030, et une neutralité carbone en 2040 pour PRNC.

Selon l’accord-cadre, « une énergie décarbonée est aussi source de compétitivité [...] car les grands consommateurs mondiaux [...] souhaitent de plus en plus acheter du nickel vert : décarboné et produit durablement. ». De plus, décarboner le nickel permettrait de limiter les risques liés aux approvisionnements en combustibles fossiles et aux fluctuations de leurs prix liées au contexte international.

Pour mettre en place ce nouveau fonctionnement, la centrale B actuelle de la SLN sera arrêtée début 2023. Elle sera remplacée par une centrale accostée temporaire (CAT) fonctionnant au fioul, pour une durée maximale de trois ans. Par son fonctionnement, cette centrale permettra déjà de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 30 %. Ensuite, un mix énergétique sera mis en place, basé au maximum sur des énergies renouvelables. 

Point carbone

Si les entreprises minières font des efforts pour améliorer leurs bilans environnementaux, exploiter les sols afin d’en retirer un métal n’est pas, et ne sera probablement jamais, une pratique qu’on peut qualifier d’« écologique ». D’ailleurs, selon France Stratégie, l’extraction et le raffinage des métaux sont à l’origine d’un dixième des émissions mondiales de gaz à effet de serre, avec toutefois des variations considérables selon les métaux. Qu’en est-il pour notre bon vieux nickel ?

Quelques chiffres

Selon l’étude de France Stratégie, le nickel émet 11 tonnes de CO2 par tonne de nickel extraite. C’est moins que l’aluminium (17 tonnes), le magnésium (36 tonnes) ou encore le titane (30 tonnes), mais beaucoup plus que l’acier (2 tonnes), le chrome (5 tonnes) ou le cobalt (3 tonnes). Bien sûr, cette donnée ne suffit pas, puisqu’on doit la recouper avec le nombre de tonnes de métaux extraites chaque année. Par exemple, le platine émet 20 600 tonnes de CO2 lorsqu’on en extrait une tonne, mais seules 160 tonnes sont extraites chaque année : le platine émet donc 3 millions de tonnes de CO2 annuellement. 

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Avec ce calcul, l’angle change : le nickel produit 25 millions de CO2 annuellement, soit le taux le plus bas de sa « famille » de métaux (métaux dit « de base » : aluminium, chrome, magnésium, nickel et acier). En haut du palmarès, l’acier, l’aluminium et le chrome avec respectivement 3346, 1025 et 185 millions de tonnes de CO2 produites annuellement. En bref, le nickel n’est pas un si mauvais élève quand on le compare aux autres métaux. Il reste néanmoins producteur d’une grande quantité de CO2, d’où l’intérêt d’opter pour une décarbonation de l’exploitation.

Maintenant qu’on a un aperçu du contenu carbone du nickel, on peut explorer les moyens de l’internaliser, c’est-à-dire d’intégrer le coût environnemental au prix. À noter que le coût environnemental ne prendra en compte que l’émission de CO2, et exclura toutes les autres conséquences sur l’environnement (voir encadré « Une exploitation qui a des conséquences durables »). On pourrait penser à une taxe payée par les pays qui importent notre nickel, et qui serait reversée à plusieurs entreprises locales œuvrant dans la protection de l’environnement.

Décarbonation, sobriété et progrès technique 

Décarboner le nickel est un pas dans la bonne direction. Mais pour être encore plus efficaces, les mesures de décarbonation doivent s’accompagner de mesures encourageant la sobriété énergétique, et d’un progrès technique permettant de produire plus avec moins. Alors comment s’applique le concept de sobriété sur un métal ? Il s’agit d’en extraire moins parce que la demande est moins grande. Précisons que cette solution n’est pas forcément la plus avantageuse pour la Nouvelle-Calédonie, mais elle est possible. 

Selon un rapport du Sénat sur le nickel calédonien, « la principale utilisation du nickel reste la fabrication des aciers inoxydables [...] ainsi que les superalliages destinés à la construction aéronautique ou les aciers réfractaires dans les industries chimiques et pétrochimiques. Un autre débouché « historique » du nickel reste les pièces de monnaie, où les qualités de malléabilité et de résistance du produit sont particulièrement appréciées. [...] En conséquence, le nickel est un métal particulièrement utilisé dans toutes les industries métallurgiques. Il convient de remarquer que, faisant partie des métaux dits « de transition », le nickel pourrait être remplacé par d’autres éléments : il est utilisé principalement en raison de son faible coût d’extraction et de traitement par rapport aux autres solutions techniquement envisageables à ce jour. »

Les progrès technologiques nous invitent également à croire en une exploitation plus respectueuse de l’environnement. Par exemple, des outils capables d’aller chercher le minerai de manière plus précise, en affectant moins les écosystèmes.

Kim Jandot pour Actu.nc