Avenir institutionnel en Nouvelle-Calédonie : Après Deva, l’État va tenter de concilier les délégations calédoniennes à Bougival

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Avenir institutionnel en Nouvelle-Calédonie : Après Deva, l’État va tenter de concilier les délégations calédoniennes à Bougival

Après l’échec du conclave de Deva, en mai dernier, c’est à Bougival, dans les Yvelines, que l’État va réunir les délégations politiques calédoniennes et tenter de conclure un accord ou, a minima, concilier des positions cristallisées depuis les référendums jusqu’à la crise de 2024, qui ont, pour certains, évoluées début 2025, avec la reprise du dialogue par Manuel Valls.

Indépendantistes et non-indépendantistes ont accepté la convocation du chef de l’État qui « ouvrira » et « introduira » ce sommet à l’Élysée mercredi après-midi, en présence du ministre des Outre-mer, du Premier ministre François Bayrou et des présidents des deux assemblées, Yaël Braun-Pivet et Gérard Larcher.

Les délégations politiques sont attendues à partir de 15h. Puis à partir de 19h, tous seront transférés dans un hôtel de Bougival, en région parisienne, où débuteront, mercredi soir, les négociations dans un huis clos des plus scrupuleux. « L’idée, c’est de les faire discuter entre eux. C’est la méthode conclave qui se reproduit », a confié l’Élysée à l'AFP.

Le choix de Bougival n’est peut-être pas un hasard. Cette commune à l’ouest de Paris fait partie de la circonscription de Michel Rocard, député des Yvelines de 1969 à 1988. C’est aussi dans cette commune des Yvelines que l’ancien Premier ministre, qui a conclu avec Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur l’accord de Matignon, a vécu la dernière partie de sa vie. « Les négociations politiques se poursuivront sans échéance prédéterminée » indique un document envoyé aux délégations politiques, qu’Outremers360 a pu consulter. 

Côté politiques calédoniens, les indépendantistes du FLNKS et de l’UNI ont confirmé leur présence, tout comme les non indépendantistes de Calédonie ensemble, des Loyalistes et du Rassemblement. Le jeune parti représentant la communauté wallisienne et futunienne, représentée au Congrès de l’archipel, sera également présent. Côté État, le ministre des Outre-mer sera bien présent aux négociations politiques de Bougival. Emmanuel Macron « est à l’initiative » de ce sommet de la Nouvelle-Calédonie à Paris certes, mais « ça ne s’est jamais fait dans le dos de Manuel Valls ».

L’ancien Premier ministre avait suscité l’indignation de la frange dure des non-indépendantistes, Les Loyalistes et le Rassemblement, en défendant un projet de « souveraineté avec la France », qui prévoyait une « double nationalité, française de droit et calédonienne », ainsi qu’un « transfert et une délégation immédiate des compétences régaliennes », le tout régit par une Loi fondamentale inscrite dans la Constitution française.

Lors de ces négociations, les deux groupes non indépendantistes « réaffirmeront avec clarté leur attachement à une Nouvelle-Calédonie française, en cohérence avec la volonté souveraine exprimée par les Calédoniens à trois reprises lors des référendums prévus par l’Accord de Nouméa ». Ils « plaideront » également « pour le transfert de compétences supplémentaires aux provinces » de l’archipel, notamment « la compétence fiscale ou le droit du travail » pour « développer un modèle de société adapté à leurs réalités ».

Ce projet de « fédéralisme interne » présenté lors du conclave de Deva avait toutefois été rejeté par le ministre et les autres délégations politiques calédoniennes, y voyant un projet contraire à l’indivisibilité de la Nouvelle-Calédonie consacré par l’accord de Nouméa. A contrario, les non indépendantistes de Calédonie ensemble et de l’Éveil océanien, ou encore les indépendantistes de l’UNI et du FLNKS, allaient davantage dans le sens du projet de Manuel Valls, mais avec des positions nuancées.

« L’État, par le biais du ministre des Outre-mer, a soumis un projet posant les bases d’une Nation avec des liens d’État à État avec la France », estime le FLNKS qui « exhorte » la France « à respecter sa parole et reprendre les discussions au stade où elles ont été laissées à Deva. Le mouvement réaffirme que cette proposition constitue le socle des nouvelles négociations à Paris et qu’aucun échange ne se fera en deçà ». Dès le lendemain du conclave de Deva, le député et président de l’UC Emmanuel Tjibaou, avait estimé « que ce projet répond aux aspirations puissantes de notre mouvement à intégrer les éléments de souveraineté, et à la préservation des intérêts de nos compatriotes qui souhaitent rester dans la France ».

De son côté, Calédonie ensemble a appelé à intégrer le projet de souveraineté avec la France dans un accord global, qui s’appuierait sur les points de convergence déjà identifiés par les différentes délégations ainsi que sur une « période de stabilisation » de dix à quinze ans. Au terme de cette période, « l’accord global doit prévoir qu’un projet sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie puisse être co-construit par l’ensemble des forces politiques calédoniennes avec l’État, avant d’être validé à la majorité des 3/5e des membres de l’assemblée, et ensuite d’être soumis aux populations intéressées par référendum ».

 À défaut, une autre consultation, qui opposerait cette fois le projet de souveraineté partagée à celui de « fédéralisme asymétrique » défendu par les Loyalistes-Rassemblement, pourra être organisée par l’État, suggère la formation politique. Une nouvelle consultation, c’est aussi ce qu’avance l’Union nationale pour I'Indépendance qui appelle, à défaut d’un « consensus politique », à l’organisation d’un référendum de projet sur la souveraineté avec la France.

« C’est ce projet qui assurera la stabilité institutionnelle à l’intérieur du pays et avec la France, conditions essentielles pour restaurer la confiance et offrir des perspectives constructives et durables pour l’avenir », ajoute encore le groupe qui rappelle au passage que le projet de Manuel Valls avait reçu « l’assentiment » de quatre délégations sur six lors du « conclave de Deva ».

« L’UNI considère que l’enjeu de la prochaine séquence de négociations à Paris demeure de déterminer ensemble les modalités, la durée et les engagements de la Nouvelle-Calédonie et de la France dans le cadre d’une trajectoire relative au projet de souveraineté avec la France. Également il conviendra de déterminer son séquençage pour permettre la reconstruction du pays, la préfiguration du lien de souveraineté futur, le statut juridique de transition, la constitution du peuple de la Nouvelle-Calédonie dans la perspective d’une nationalité, ainsi que l’accompagnement économique, social, culturel, sociétal », a-t-il ajouté.

À Paris, le sommet sur la Nouvelle-Calédonie sera aussi économique et social. Dès jeudi et jusqu’à vendredi, les « partenaires » politiques, économiques, institutionnels et représentants de la société civile sont invités au Ministère des Outre-mer pour un collège économique et social, présidé par Manuel Valls et articulé en quatre thématiques : finances publiques et réformes structurelles ; nickel ; diversification économique ; projet de société.