La première édition du séminaire « Pasifika : des îles dans la mondialisation », organisée par la Maison des sciences de l’Homme du Pacifique et le Centre de recherche et de documentation sur l’Océanie débute ce vendredi 12 janvier. Durant six mois, chercheurs, historiens ou anthropologues exploreront la manière dont les sociétés océaniennes ont vécu la modernité et s’y sont accommodées. Ouvert à tous, ce rendez-vous bimensuel sera retranscrit en direct sur le site de l’événement.
Par Marion Durand.
Penser la mondialisation et la modernisation depuis les îles d’Océanie. C’est l’objectif affiché de la première édition de l’événement « Pasifika : des îles dans la mondialisation ». Par le biais d’un séminaire, les professeurs Renaud Meltz (Maison des sciences de l’Homme du Pacifique) et Serge Tcherkézoff (fondateur du Centre de recherche et de documentation sur l’Océanie) invitent les passionnés du monde océanien à participer à ce séminaire, dont le format en visioconférence a été pensé pour toucher un large public.
Au programme de cette première édition, douze séances de deux heures permettront d’explorer les visages de la modernisation et de la mondialisation dans le Pacifique à partir d’enquêtes sur place, en observant les situations contemporaines et en écoutant la mémoire des habitants concernés.
Toutes les deux semaines, un chercheur interviendra à l’Université de Polynésie française (UPF) à propos de la mondialisation, sur tout l'empan de la période contemporaine. Les séances auront lieu les vendredis, à 7h à l’auditorium du bâtiment recherche de l’UPF et seront retranscrites en direct sur le site de l’événement (18h de Paris durant l’hiver). Le rendez-vous débutera par une prise de parole du chercheur invité (environ 45 min) et sera suivi par un débat avec les participants.
« À l'articulation de l'histoire et de l'anthropologie, nous proposons de regarder le monde depuis le Pacifique, plutôt que de regarder le Pacifique de l’extérieur », promet Renaud Meltz. Cette approche, centrée sur l’Océanie, permettra de parler de l’évolution de la Polynésie et des autres territoires d’un point océanien et non à travers le prisme métropolitain.
À qui s’adresse ce séminaire ? « A tous les curieux qui s’intéressent à la Polynésie et à l’Océanie, répond l’historien. Tout le monde est le bienvenu, c’est un séminaire de recherche mais il sera accessible à tous. Notre souhait est d’intéresser un maximum de personne à l’Océanie, cet espace trop méconnu en France et en Europe ».
Ce séminaire entend « interroger non pas les effets de la modernité sur les périphéries ou l’éventuelle résistance des marges à l’hégémonie matérielle et culturelle, mais la façon dont lesdites ‘périphéries’ pensent et vivent la modernité sous l’effet de la mondialisation », assure l’historien.
Créer un lieu immatériel pour les chercheurs
Mais les responsables de ce séminaire souhaitent aussi offrir un espace de recherche, « un lieu immatériel » où se retrouvent les chercheurs pour parler du Pacifique. « Nous voulons créer une communauté de chercheurs, qui sont souvent dispersés par la géographie, par le biais d’un rendez-vous bimensuel. Ce sera une façon de s’acculturer aux objets de recherches des uns et des autres ».
« L’Océanie est une aire très vaste qui dépasse les constructions géographiques récentes liées à la colonisation », rappelle l’historien. Pour lui, il est nécessaire de parler de modernités multiples : « Comment les penser en regardant depuis les îles et non pas depuis l’Europe ? »
Pour les étudiants en master à l’Université de Polynésie française, ce rendez-vous sera l’occasion de valider des crédits mais aussi de rencontrer des chercheurs, peu nombreux à se déplacer sur le territoire.
La première séance du séminaire aura lieu ce vendredi 12 janvier. Serge Tcherkézoff y présentera l’événement inédit avant que l’historien Renaud Meltz ne revienne sur la définition de la notion de « modernisation ». « Cette séance préliminaire et les suivantes, seront l’occasion de reprendre les trois visages de la modernité, politique, technique, culturel, depuis le point de vue du Pacifique, décrit Renaud Metz. Qu’il s’agisse de revenir sur les contestations de la modernité politique ou ses reformulations, alors qu’elle a pris le visage de la colonisation, contradictoire avec le projet d’émancipation porté par la modernité occidentale ; de reconsidérer le rapport à la technique ; de penser la modernité comme une notion culturelle en tenant compte du « souci du passé » qui peut l’accompagner sans la nier. »
À vos agendas : un programme divers et passionnant
La deuxième séance, le 26 janvier (7h en Polynésie - 18h à Paris) abordera l’époque du Centre d’expérimentation du Pacifique. Intitulée « Les refus du 2e contact : le CEP et le rejet de la modernisation », elle sera animée par l’historien Renaud Meltz.
Le vendredi 9 février, l’historien de l’École des hautes études en sciences sociales Clément Thibaud (Centre de Recherches sur les Mondes Américains) présentera la séance : « Qu’est-ce que le "méridien impérial" atlantique peut nous dire de la question coloniale en Océanie ? ».
Le 23 février, le doctorant polynésien Manatea Taiarui (Maison des sciences de l’Homme du Pacifique MSH-P) s’intéressera quant à lui à la radioactivité lors du rendez-vous « La circulation d’une controverse scientifique internationale en Polynésie française : l’appropriation par les Polynésiens des effets de la radioactivité pour penser la modernité ».
Pour la cinquième séance, le 8 mars, le chercheur en sciences sociales Pascal Marichalar (CNRS, IRIS), présentera : « Mauna Kea, la montagne aux étoiles. Enquête sur les terres contestées de l'astronomie à Hawai'i ».
Le 22 mars, la géographe Florence Mury (MSH-P), animera la séance « Océanie ou triangle polynésien : quelle échelle légitime pour le régionalisme culturel en Polynésie française ? »
Le 12 avril, l’historien en économie Régis Boulat s’intéresse lui aussi à l’époque des essais nucléaires lors de la séance intitulée « Comment les responsables polynésiens pensent-ils la notion de modernisation à l’heure des 30 glorieuses et du CEP ? »
Le 26 avril, les anthropologues Louis Lagarde (Université de Nouvelle-Calédonie) et Guillaume Molle (Australian national University) aborderont un aspect plus scientifique avec le rendez-vous « Vestiges du quotidien : les îles océaniennes et la mondialisation au prisme de l’archéologie ».
Le 10 mai, la néo-zélandaise Frances Steel (Université d’Otago) animera l’unique conférence en anglais, « TransPacific transport networks as seen from the Pacific Islanders ».
Pour le dixième rendez-vous du séminaire, le 24 mai, Antoine Lilti (professeur au Collège de France), parlera des « Lumières à l’épreuve de Tahiti ».
Le 14 juin, l’historien Benjamin Furst (Université de Haute-Alsace), questionnera « L’environnement polynésien à l'épreuve de la modernisation. Jeux d'échelles et circulations après 1945 ».
Enfin, l’enseignant-chercheur Alexis Vrignon clôturera cette première édition avec une séance dédiée à l’écologie : « Modernisation et écologisation en Polynésie française (1960-2000) » le vendredi 28 juin.
Pour suivre les séances en direct, rendez-vous sur le site https://pasifika.hypotheses.org