Le président du gouvernement Louis Mapou a dévoilé, ce mercredi, les contours des différentes mesures d’urgence pour accompagner les salariés et les entreprises frappés de plein fouet par la crise du nickel. Chômage partiel, allocation sur-mesure pour les employés du secteur minier, report de paiements… À quoi ressemble ce plan ? Nos partenaires des Nouvelles Calédoniennes expliquent.
Quel est le constat du gouvernement ?
« La situation est difficile et il ne faut pas la minimiser », lance d’emblée le président du gouvernement Louis Mapou, qui a fait le choix de « travailler en sourdine » depuis des semaines, avant de dévoiler à la presse, ce mercredi 6 mars, les contours des mesures d’urgence qui devraient être déployées « d’ici la fin du mois » pour faire face à une crise du nickel sans précédent dans le pays. Le fruit d’un travail mené par la « cellule de suivi et de soutien », lancée par l’exécutif le 24 janvier dernier, dont le but est d’accompagner les entreprises et les salariés confrontés à une perte importante de leur activité ou à des suppressions de postes.
« Nous souhaitons que l’ensemble des demandes et des revendications soient prises en compte au sein de cette cellule pour éviter les télescopages et une forme d’instrumentalisation de certains car nous sommes tous concernés », martèle Louis Mapou, qui fait sans doute allusion aux récentes propositions du collectif Agissons solidaire ou encore des membres loyalistes du gouvernement pour relancer l’économie. « À l’instar de ce que nous avons fait pendant la Covid, nous voulons garder une certaine neutralité dans la gestion de ce dossier et dans notre manière de communiquer. »
Comment fonctionne la cellule d’accompagnement et de suivi ?
La cellule de crise réunit, à travers son comité de pilotage (Copil), l’ensemble des collectivités (provinces, associations de maires, État, et dès la semaine prochaine, Congrès, Cese et Sénat coutumier). Cette instance est décisionnelle et fixe ainsi les orientations des travaux à mener.
En parallèle, un comité technique (Cotech) est également mis en place, réunissant les directions du gouvernement et des trois provinces, les partenaires sociaux (organisations syndicales, fédérations patronales, etc.), les chambres consulaires, l’Isee, la Cafat ou encore la fédération des banques. Ce cotech, qui remonte du terrain les données et les analyses liées à cette crise, fournit ainsi au comité de pilotage l’ensemble des informations nécessaires pour éclairer les décisions à prendre.
Ces réunions ont permis de poser un premier diagnostic (qui sera affiné au fur et à mesure des annonces du côté des industriels) et d’identifier les « besoins cruciaux » en vue de mettre en place les premières mesures d’urgence.
Combien de salariés pourraient être touchés par la crise ?
Les sous-traitants sont en première ligne. Dans le pays, ce secteur d’activité représente 15 700 salariés (en dehors donc des employés des trois usines), répartis dans 560 sociétés de sous-traitance. Dans le Nord, où une cinquantaine d’entreprises de sous-traitants travaillent avec l’usine mise en sommeil depuis le 1er mars, plus de 300 salariés ont déjà vu leur activité mise en suspens, ce qui implique des demandes de chômage partiel. Des chiffres encore appelés à gonfler dans les semaines à venir.
À quoi ces employés ont-ils droit ?
Comme lors de la période Covid, le chômage partiel est accessible aux entreprises, qui souhaitent maintenir les emplois, dans l’espoir d’une reprise prochaine de l’activité. Pour rappel, cette indemnité représente 66 % du SMG (salaire minimum garanti). Un dispositif dont les coûts ont d’ores et déjà explosé : si le chômage partiel a représenté 50 millions de francs en 2023, son montant devrait déjà atteindre la barre des 100 millions de francs rien qu’au premier trimestre 2024. Parmi les bénéficiaires actuels, la moitié sont des sous-traitants. Parmi les autres sociétés concernées, commencent à figurer de « grosses entreprises du BTP », signe du délitement de l’économie calédonienne.
Vers une allocation chômage sur-mesure pour le secteur minier ?
C’est la grande nouveauté de ce plan d’urgence. Le gouvernement a adopté, ce mercredi, un projet de délibération en vue de mettre en place une allocation de chômage spécifique pour les salariés du secteur minier. Un dispositif, qui pourrait s’adresser, dans un deuxième temps, aux entreprises qui subissent indirectement une perte d’activité liée à la crise du nickel.
L’allocation peut ainsi être attribuée, à compter du 1er mars 2024, par période de 3 mois renouvelable dans la « limite des crédits disponibles ». Un arrêté du gouvernement fixera la date de clôture des périodes d’indemnisation « en fonction de la conjoncture et des crédits disponibles ». Ce dispositif « qui vise à conserver les compétences » dans ce secteur sera ainsi bien plus avantageux que le chômage partiel classique, soit 70 % du salaire minimum garanti SMG brut dans la limite de 2,5 fois le SMG. À noter que les alternants et les employés déjà au SMG toucheront, eux, l’intégralité de leur salaire.
Cette mesure devrait coûter en moyenne 100 millions par salarié par trimestre, soit entre un et deux milliards de francs pour l’année en cours. « Nous avons identifié l’ensemble des leviers, y compris financiers, que l’on peut actionner pour faire face », assure Louis Mapou, qui indique que ces montants seront inscrits au budget supplémentaire de la Nouvelle-Calédonie, prévu en mai prochain. Un calendrier qui n’empêchera pas les sociétés de bénéficier avant de cette allocation.
Qu’en est-il du paiement des dettes fiscales ?
Les entreprises et les salariés impactés pourront bénéficier du report et de l’étalement de leurs dettes fiscales, à condition d’être à jour de leurs déclarations. Un formulaire en ligne et un numéro vert seront prochainement disponibles pour faciliter ce processus. En parallèle, une demande est en cours en vue de l’abandon des pénalités si l’échéancier d’étalement est respecté. À noter que cet accompagnement est déjà en cours pour les métallurgistes.
Comment accompagner la formation et les reconversions ?
« Chaque collectivité se mobilise en fonction des ressources budgétaires disponibles. Une attention particulière sera accordée lors de l’élaboration du budget supplémentaire de la Nouvelle-Calédonie », assure le gouvernement. Par ailleurs, la Chambre de métiers et de l'artisanat (CMA) indique que son fonds pour la formation des indépendants, doté de 15 millions de francs, pourrait être utilisé en cofinancement avec la direction du Travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DTEFP) en faveur des demandeurs d’emploi et des travailleurs indépendants. Enfin, le Fonds interprofessionnel d’assurance formation (FIAF) active son plan « Relance » qui pourrait bénéficier d’au moins 50 millions de francs.
Note
L'ensemble des mesures et dispositifs existants ou à venir à destination des salariés et des entreprises impactés seront communiqués sur une page internet dédiée, mise en place par le gouvernement. Par ailleurs, une publication hebdomadaire de certaines données (chômage, chômage partiel, fermeture d'entreprises, moyens mis en œuvre), comme cela avait été mis en place lors de la crise Covid, est également envisagée.
Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes