Le documentaire « Les Oubliés de l’Atome » sera diffusé ce mercredi soir à l’Assemblée nationale. L’occasion pour la journaliste Suliane Favennec et le directeur d’ICAN France, Jean-Marie Collin, de poursuivre leur campagne d’impact à l’échelle nationale et internationale.
« Ce documentaire pose un nouveau regard, celui d’une nouvelle génération, sur les maladies trans-générationnelles » explique la réalisatrice et journaliste Suliane Favennec, qui a souhaité « donner la parole aux populations » à travers plusieurs témoignages, dont ceux de la militante et représentante à l’Assemblée de Polynésie, Hinamoeura Cross, et d’Astrid Hoffmann, originaire de l’atoll de Tureia, l’atoll habité le plus proche de Moururoa et Fangataufa.
Au cœur des témoignages : les conséquences des essais -cancers, leucémies, troubles du développement mental- sur les générations nées après les tirs aériens. « Ces anomalies génétiques se transmettent-elles de génération en génération ? Jusqu’à quand l’impact de l’atome se fera-t-il sentir ? Quel est l’avenir des nouvelles générations ? ». La réalisatrice, qui souligne l’absence d’études sur les enfants et petits-enfants, s’est aussi appuyée sur l’expérience régionale océanienne, notamment aux îles Marshall, théâtre des essais américains.
« On a des générations qui portent la maladie en eux » rappelle Hinamoeura Cross, qui elle-même s’est battue contre une leucémie, alors que les cancers de la thyroïde -deux maladies reconnues comme radio-induites- sont fréquents dans sa famille. À 35 ans, la militante et activiste internationale est récipiendaire du Nuclear-Free Future Award 2023. L’an dernier, elle s’était exprimée à Vienne, lors la réunion du Traité d’interdiction des armes nucléaires organisé par l’ICAN. Traité signé fin septembre par l’Assemblée de la Polynésie, ce qui fait de la Collectivité l’une des trois plus importantes de France à l’avoir signé.
« Je voulais être la voix de ceux qui ne sont plus là » a ajouté de son côté Astrid Hoffmann. Fille de Tureia, elle connaît bien le calvaire administratif et financier qu’implique un dossier de demande d’indemnisation. « Quand les médecins du Civen (Comité d’indemnisation des victimes des essais nucléaires, ndlr) viennent à Tahiti, c’est aux gens des îles de payer le billet d’avion », soit plusieurs centaines d’euros. Sachant que l’indemnisation représente quelques milliers d’euros, dont une partie retirée d’emblée pour règlement de frais, Astrid Hoffmann dénonce une incohérence entre l’énergie, les moyens et les finances avancées par les malades et le gain final.
Ce mercredi soir, le documentaire est donc diffusé à l'Assemblée nationale. Une projection rendue possible par la députée de Polynésie Mereana Arbelot-Reid (GDR), qui a co-organisé l'événement avec Jean-Marie Collin. Pour ce dernier, cette projection permet de « rouvrir les consciences » : à la fois sur « les questions humanitaires des essais nucléaires » et sur « les demandes de la santé et des victimes » auprès de la Commission des Affaires sociales, et in fine, obtenir « une étude sur les maladies trans-générationnelles ». « L’idée du film était d’établir une campagne d’impact et créer des actions à la suite du film », ajoute Suliane Favennec.
Et parmi ces actions : « demander à l’office parlementaire (d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, ndlr) de pouvoir faire un rapport sur ces risques trans-générationnels, d’élargir la liste des maladies, intervenir dans le milieu de l’éducation pour mieux informer ». Sorti en avant-première en février 2023, à l’occasion du Festival international du Film documentaire Océanien (FIFO) à Papeete, le documentaire est toujours disponible en replay sur la plateforme de France TV.