Les Outre-mer et leurs régions : Les Îles Cook, l’indépendance-association à l’épreuve des mouvements géopolitiques dans le Pacifique

©Gouvernement des Îles Cook

Les Outre-mer et leurs régions : Les Îles Cook, l’indépendance-association à l’épreuve des mouvements géopolitiques dans le Pacifique

Ce lundi, les Îles Cook ont fêté les 60 ans de sa Constitution et du statut de libre association qui lie cet État insulaire à la Nouvelle-Zélande. Une fête en grande pompe, en présence de nombreux chefs d’État ou de territoires de la région, comme le président polynésien Moetai Brotherson, dans un contexte de frictions diplomatiques avec Wellington. Au lendemain de ces festivités, Outremers360 s'intéresse à ce pays proche, géographiquement et culturellement de la Polynésie française, au coeur des appétits mondiaux sur les grands fonds marins.

Les Îles Cook, Cook Islands ou Kūki 'Āirani sont situées au centre du Pacifique sud, entre la Polynésie française à l’Est, les Kiribati au Nord, Tokelau, les Samoa américaines et Niue à l’Ouest. Elles s’étendent sur une surface de 2,2 millions de km2 -soit une des plus vastes ZEE de la région avec Kiribati, la Polynésie française, les Fidji ou encore la Micronésie-, et sont divisées en deux groupes distincts.

Au nord, on retrouve cinq atolls et une île corallienne : Manihiki, Nassau, Penrhyn, Pukapuka, Rakahanga et Suwarrow. Ces îles sont très peu peuplées, puisqu’elles représentent seulement 5% de la population du pays. Les Îles Cook du Sud sont, elles, au nombre de neuf :  Aitutaki, Atiu, Mangaia, Manuae, Mauke, Mitiaro, Palmerston, Rarotonga (qui abrite la capitale Avarua) et Takutea. Ces dernières, d’origines volcaniques pour la plupart, sont les plus dynamiques tant économiquement que démographiquement.

Comme l’ensemble des îles de Polynésie (Polynésie française, Hawaii, Rapa Nui, Nouvelle-Zélande, Samoa, Tonga, …) les Îles Cook sont peuplées par les anciens polynésiens, en ce qui les concerne à partir du 8ème siècle, vraisemblablement depuis les Samoa, l’archipel de la Société, les Tuamotu, voire les Marquises et les Australes. C’est aussi depuis les Îles Cook et d’autres îles de Polynésie française que la Nouvelle-Zélande a été peuplée entre 1280 et 1350. Ces liens historiques et culturels se retrouvent dans la langue autochtone, proche des autres langues polynésiennes, tandis que les Îles Cook font partie du Pacifique anglophone.

Du protectorat anglais à l’émancipation politique

Protectorat du Royaume-Uni en 1888, les Îles Cook furent officiellement annexées le 7 octobre 1900 par la Nouvelle-Zélande, un an avant Niue. C’est à la fin de la seconde guerre mondiale, en 1946, que débute l’émancipation des Îles Cook avec l’élection du premier Conseil législatif et la participation des habitants à l’administration de leur archipel. Dans les années 60, le renouveau culturel polynésien gagne aussi les Îles Cook, ce qui incita le gouvernement néo-zélandais à accorder au territoire un statut d'indépendance associée en instaurant une nouvelle constitution, le 4 août 1965.

Les Îles Cook conservent depuis cette date des liens politiques et économiques étroits avec la Nouvelle-Zélande. Ce statut très particulier leur permet ainsi de recevoir une aide financière annuelle, alors que les insulaires sont automatiquement citoyens néo-zélandais. Cette aide varie selon les années entre 7 et 10 millions de dollars néo-zélandais soit environ entre 3 et 5 millions d'euros. Les Îles Cook ont pour monnaie le dollar néo-zélandais et sont militairement protégées par Wellington.

Peuplées par environ 20 000 habitants, dont l’écrasante majorité réside à Rarotonga, les Îles Cook sont parmi les États indépendants les moins peuplés au monde. Toutefois, la communauté locale installée en Nouvelle-Zélande est trois fois plus importante, d’environ 60 000 personnes. Économiquement, les Îles Cook se reposent sur le tourisme, la perliculture, la pêche et l’agriculture. Dans les années 2000, l’économie y est florissante, avec un taux de croissance louable et un PIB parmi les plus élevés du Pacifique insulaire. Son Indice de développement humain classait le pays à la 55ème position mondiale.

Toutefois, la crise américaine des « subprimes » en 2008 et, plus tard, la crise du covid ont eu des impacts sur l’économie locale, accentuant son insularité et son isolement. En outre, ancien paradis fiscal, les Îles Cook ont décidé en 2009 d’abolir les licences accordées aux banques off-shore en activité dans l'archipel, et qui « ruinent la réputation du pays ». L'aéroport international de Rarotonga est relié à la Nouvelle-Zélande au sud, Hawaii au nord, Tahiti à l'est et l'Australie à l'extrême sud-ouest, par une ligne directe assurée par JetStar. 

Les Îles Cook ne siègent pas aux Nations unies mais ces dernières lui reconnaissent un statut d’État non-membre. De même, les Îles Cook sont compétentes dans la conduite de leurs affaires étrangères depuis la déclaration du 6 avril 2001 stipule qu’elles « peuvent nouer des relations avec la Communauté internationale et agir en tant qu'État souverain et indépendant ». Une volonté d’autonomie dans la gestion de leurs affaires étrangères exprimées depuis 1980. Depuis, Avarua a conclu des accords diplomatiques avec une vingtaine de pays.

Les Îles Cook et les appétits pour ses grands fonds marins

C’est d’ailleurs de l’un d’eux que des frictions avec le gouvernement néo-zélandais sont nées. En juin 2025, Le gouvernement néo-zélandais a suspendu son soutien financier aux Îles Cook en raison d'un accord de partenariat signé avec la Chine la même année. Le gouvernement conservateur néo-zélandais de Christopher Luxon affirme qu'il ne reviendra pas sur sa position tant que les Îles Cook n'auront pas pris de « mesures concrètes » pour rétablir leurs relations.

Dans un contexte de tensions géopolitiques dans le Pacifique, les Îles Cook ont signé cet « accord stratégique » avec Pékin en février dernier. L'accord couvre « des domaines alignés avec nos intérêts nationaux et nos objectifs de développement à long terme » avait défendu le Premier ministre Mark Brown, affirmant que le document porte notamment sur le commerce, l'investissement, l'océanographie, les infrastructures et les transports. Il s’agit aussi pour l’État insulaire de lever de nouveaux leviers économiques et atténuer sa dépendance au tourisme.  

Lire aussi : Aux îles Cook, les riches profondeurs du Pacifique aiguisent les appétits

« Notre relation et notre engagement avec la Chine complètent, et non remplacent, nos relations de longue date avec la Nouvelle-Zélande et d'autres multiples partenaires bilatéraux, régionaux et multilatéraux » avait-il aussi assuré, sans visiblement convaincre Wellington. Il faut préciser que quelques semaines auparavant, Mark Brown avait aussi évoqué l’idée d’une citoyenneté et un passeport propres aux Îles Cook, ce qui avait déjà agacé le gouvernement néo-zélandais.

Une relation « librement établie et entretenue »

Qu’à cela ne tienne, les Îles Cook ont fêté lundi les 60 ans de leur Constitution et de leur libre association à la Nouvelle-Zélande en présence de bon nombre de dirigeants de la région (voire au-delà), dont le président de la Polynésie française, Moetai Brotherson, avec qui Mark Brown a signé un accord-cadre « historique » dans le domaine de l’aérien.

Mais surtout, dans son discours devant une assemblée de plusieurs centaines de personnes, dont la représentante officiel de la Nouvelle-Zélande, Mark Brown a assuré « qu'il n'y a pas, ni aujourd'hui ni jamais, de changement stratégique de la part du gouvernement des Îles Cook  (…), visant à rejeter la valeur et les responsabilités de notre relation de libre association avec la Nouvelle-Zélande », rappelant que la relation entre Avarua et Wellington, « à laquelle nous sommes attachée », est « librement établie et entretenue ».

« Comme toute relation qui dure depuis six décennies, certains moments appellent à la réflexion » a poursuivi Mark Brown. « Il nous faut parfois nous arrêter et nous demander si les conventions et les ententes évolutives entre nos États librement associés demeurent cohérentes », estime encore le Premier ministre, comparant ces évolutions à une « maturité » qui « ne devrait pas altérer notre lien ». « Elle devrait renforcer l'attention et l'engagement constants que nous portons au bien-être de chacun ».

En marge de ces célébrations, les Îles Cook ont aussi signé un accord avec les États-Unis « pour coopérer de manière plus approfondie à la gestion responsable des minéraux du plancher sous-marin, avec un engagement pour le progrès scientifique, la prospérité mutuelle, l'autonomie économique et la gestion environnementale ». Les États-Unis, qui ont reconnu les Îles Cook en 2023, sont au cœur d’une bataille géopolitique avec la Chine dans la région. La Nouvelle-Zélande n’a, elle, pas encore réagi à cette annonce. 

Dernier rendez-vous diplomatique en date : ce jeudi, les chefs d'États et de gouvernements du Pacifique -dont le président de la Polynésie française-, se sont retrouvés pour fêter les 40 ans du Traité de Rarotonga pour un Pacifique non-nucléaire. Ce traité signé en 1985, et qui illustre l'importance des Îles Cook dans la diplomatie régionale, marque l'opposition des Nations du Pacifique au nucléaire (armes, essais et déchets).