En Polynésie, la justice annule une nouvelle fois la concession de l’aéroport de Tahiti-Faa’a remportée par Egis

©Christopher Liau / PYF Spotters

En Polynésie, la justice annule une nouvelle fois la concession de l’aéroport de Tahiti-Faa’a remportée par Egis

Le tribunal administratif a prononcé, en référé et sur demande de la CCISM, l’annulation de l’attribution de la concession de l’aéroport de Tahiti Faa’a pour 40 ans au groupement Egis – Caisse des dépôts. Une décision susceptible d’appel, et qui marque un nouveau rebondissement dans une procédure qui dure depuis plus d’une décennie. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

Egis avait bien cru à la fin du feuilleton. Le 1er octobre, deux semaines après s’être vu notifier par l’État l’attribution de la concession pour 40 ans, la filiale de la Caisse des dépôts détaillait devant le gouvernement son programme pour « transformer la porte d’entrée du fenua » et réaliser « l’aéroport du futur ». Un investissement de 26 milliards de francs CFP, dont 14 milliards les 5 premières années, que la plateforme de Tahiti-Faa’a attend au moins depuis la première attribution du marché, en 2010, cassée par la justice 7 ans plus tard.

Mais ces grands travaux, qui font déjà l’objet d’un appel d’offres de la part d’Egis, devront probablement attendre encore un peu. Car ce jeudi matin, le président du tribunal administratif a prononcé l’annulation de l’attribution du marché. Une décision prise en référé après un recours de la CCISM, qui faisait partie, avec son consortium TIA (société Boyer, fond d’investissement Meridiam et groupe Aéroport Marseille Provence) des candidats à l’appel d’offres lancé fin 2019.

Défaut de constructeur 

TIA, dont le dossier n’est arrivé que troisième, s’était vu notifier le rejet de son offre le 15 septembre. Mais pour se relancer dans la course à ce juteux marché – 155 milliards de francs sur 40 ans d’après l’estimation officielle – la chambre, avec l’aide d’un avocat parisien spécialisé, avait soulevé une douzaine de moyens devant le juge des référés. Objectif : dénoncer une procédure « asymétrique », et des choix de l’État qui aurait favorisé Egis, actionnaire d’ADT et aux commandes de l’aéroport depuis une décennie.

Dans cette cascade d’argument, au moins un a fait mouche auprès du juge des référés : la filiale de la Caisse des dépôts n’a pas nommé de constructeur pour réaliser ses chantiers. Un point jugé important par la CCISM puisque, comme l’avait soulevé son avocat Me Nicolas Ferré, « le programme de rénovation de l’aéroport est dans l’objet même du contrat ». Le groupement TIA avait bien sûr mis en avant la société Boyer, qui en est membre. 

Le groupe Vinci, autre candidat, n’avait pas eu non plus à chercher très loin : son offre s’appuyait sur Vinci Construction, un des géants nationaux et internationaux du BTP. Egis, de son côté, voulait garder le choix et avait même obtenu une clause pour, justement, empêcher ses concurrents de signer un contrat d’exclusivité avec leur constructeur respectif et ainsi pouvoir les mettre en concurrence par la suite. Mais l’absence de partenaire désigné d’avance a entaché son dossier « d’irrégularité », confirme le juge. 

Qu’importe si l’État, à l’audience, a assuré qu’il ne demandait pas « le nom de l’intervenant, mais sa qualité dans la structure contractuelle ». Ou encore que cette obligation de s’associer à un constructeur « conduit à une distorsion de concurrence ». Le président du tribunal confirme, à la lecture de l’appel d’offres, que les candidats devaient bien fournir « l’identité de leurs futurs cocontractants ». Estimant que l’offre d’Egis aurait dû être « éliminée » par l’État, le juge annule donc l’attribution du marché. Mais pas le rejet de l’offre de TIA et de la CCISM. Le président de la chambre, Stéphane Chin Loy, se félicite tout de même de cette décision, en attendant « la réaction de l’État ». 

Interrogations sur la suite

Car des autorités aux candidats, personne ne voit encore clair sur la portée de cette annulation, analysée par plusieurs équipes juridiques en ce moment même. Du côté de l’État – où le dossier est, depuis le début, géré à Paris plutôt qu’à Papeete – et d’Egis, on étudie bien sûr les voies de recours contre la décision, qui n’est pas susceptible d’un appel, mais d’une cassation devant le Conseil d’État. Il s’agit aussi de savoir si, en cas de confirmation de la décision, l’État serait contraint de relancer un appel d’offres, ou pourrait choisir, en l’absence d’annulation de sa procédure, de reprendre les discussions avec le candidat arrivé deuxième… Le groupe Vinci, donc.

C’est sans surprise la première solution qui est privilégiée par la CCISM, qui rappelle qu’elle a avancé 11 autres moyens sur lesquels le juge des référés ne s’est pas prononcé. « L’État va à mon avis renvoyer tout le monde sur un nouvel appel d’offres », explique Stéphane Chin Loy, « ça serait remettre tout le monde sur un pied d’égalité ». Il avait fallu quatre ans entre la dernière annulation, en 2017 et une réattribution. Cette fois, « ça peut être remodelé assez rapidement », estime le président de la chambre qui n’exclut pas, de son côté, « d’affiner » le projet du consortium TIA qui n’avait pas convaincu les autorités.

À Paris, les analyses sont en cours et l’État devrait communiquer sur ce dossier sensible – et ce nouveau camouflet juridique – d’ici le début de la semaine prochaine. Chez les candidats, on prépare ses dossiers.

Charlie René pour Radio 1 Tahiti