Métamorphoses Outremers a organisé au Sénat, le 7 février dernier, le colloque « L'Outre-mer veut sortir la tête de l’eau » en partenariat avec Outremers360. En lien avec de nombreux partenaires, le think tank a souhaité aborder la réalité de l’outre-mer sur la question de l’accès à l’eau.
Ce colloque a réuni en présentiel et à distance des élus, chercheurs, personnalités et associations pour porter la voix de ces territoires en préface du 9ème Forum Mondial de l’eau qui aura lieu du 21 au 26 mars à Dakar. Le Sénateur Teva Rohfritsch est revenu sur les défis que constitue la gestion de l’eau pour la Polynésie française : L’éclatement des îles, la répartition de la population et les spécificités juridiques, financières et de gouvernances sont de vrais enjeux pour l'accès à l’eau potable.
L’une des premières spécificités de la Polynésie sur l’accès à l’eau est que sa gestion est régie par des normes de Pays, notamment la délibération de l’Assemblée de Polynésie du 14 octobre 1999 (n°99-178), qui déclare que l’accès de la population à l’eau potable est reconnu d’utilité publique et impose à ce titre, une obligation de potabilité et un contrôle de qualité. L’accès à l’eau en Polynésie renvoie à plusieurs enjeux.
Tout d’abord hydrologique et géographique (60% de la production d’eau vient des eaux souterraines, 23% des eaux superficielles, 5% de l’eau de mer et eau de pluie) et la répartition de la population (70% de la population se trouve à Tahiti et 30% est répartie dans les autres îles et archipels).
Puis il évoque les enjeux financiers. En effet, certaines communes n’ont pas d’autonomie fiscale, ce qui constitue un défi dans la finance publique et ce particulièrement pour les 30% de la population éclatée sur plusieurs îles. Exemple de Bora Bora où le maire a développé un système pour faire financer les coûts de fonctionnement et d’adduction par l’industrie touristique. L’inversement de tarification a permis à Bora Bora d’être exemplaire en matière de protection, mais cela a un prix que ne peuvent payer les atolls qui ont peu de ressources.
S’ajoute à cela des enjeux juridiques, certaines communes de Polynésie ne peuvent atteindre les objectifs juridiques imposés par les normes de l’Hexagone, notamment les petites îles qui ont peu de ressources. Mettre en place un système d’adduction et d’assainissement n’a pas de sens compte tenu des spécificités géographiques de la Polynésie. Il faut aussi ajouter que pour certaines communes, la source la plus sûre d’avoir de l’eau reste la collecte d’eau de pluie, notamment dans les atolls, îles sans montagne, de l’archipel des Tuamotu.
Enfin les enjeux en matière de gouvernance, il existe des problèmes d’articulation technique et financière du rôle de la commune qui est compétente en matière de gestion de l’eau et le Pays qui a les ressources financières. En outre dans une moindre mesure, les populations n’ont pas nécessairement d’appréhension quant à la nécessité de l’assainissement de l’eau qu’elles perçoivent seulement comme un coût et un prix sachant que le dispositif d’assainissement dépasse le prix de l’eau elle-même.
Le Sénateur termine sur un bilan assez positif en évoquant qu'en 10 ans, la qualité d’eau destinée à la consommation humaine s’est améliorée grâce aux efforts des communes et au soutien de l’État. L’AFD est un acteur important, le Pays et l'État à travers les contrats de Plan ainsi que l’Europe qui est un bailleur de fonds important. En conclusion de son intervention, Teva Rohfritsch a posé la question d’un « Plan Marshall de l’eau », à mettre en place en Polynésie. Il insiste aussi sur un partenariat entre l’État, l’Europe et le Pays pour accompagner les communes qui, seules, « ne peuvent relever ces défis », a-t-il conclu.