Du climat aux médicaments, le Pacifique durement touché par la fin de l'aide américaine

©Andrew Harnik/Getty Images

Du climat aux médicaments, le Pacifique durement touché par la fin de l'aide américaine

Préparation aux aléas climatiques, lutte contre la pêche illégale, achat de médicaments contre les maladies tropicales : le gel de l'aide américaine remet en cause des projets essentiels dans le Pacifique et risque d'affaiblir Washington dans une région où la Chine se renforce.

Les îles du Pacifique sont au cœur de luttes d'influence diplomatique, financière et militaire entre la Chine d'un côté et de l'autre les États-Unis, l'Australie et leurs alliés. 

Menacées par la montée des océans et particulièrement exposées aux catastrophes climatiques, elles sont particulièrement dépendantes de l'aide étrangère. La décision de Donald Trump, qui a provoqué une onde de choc dans le monde, affecte déjà des organisations comme l'association de conservation marine Positive Change for Marine Life aux îles Salomon.

« L'impact est énorme pour nous », déplore la directrice de l'association Heyer Vavozo. Depuis le gel de l'aide étrangère américaine ordonné fin janvier par Donald Trump, elle a dû licencier du personnel en attendant de savoir ce qu'il adviendra de sa subvention de 500 000 dollars. « Nous cherchons des fonds partout où nous le pouvons », a déclaré Lucy Jepson, chargée de partenariats pour l'organisation.

« Des gens mourront »

Selon le think tank australien Lowy Institute, les États-Unis ont versé 2,1 milliards de dollars aux Nations du Pacifique entre 2008 et 2022. En 2022, Pékin a dépensé 256 millions de dollars, selon le groupe de réflexion, soit une augmentation de près de 14% par rapport à l'année précédente, alors que Washington a dépensé 249 millions de dollars cette année-là.

Au cours de la dernière décennie, la Chine a en effet engagé des milliards de dollars dans le Pacifique, finançant des hôpitaux, des stades, des routes et d'autres travaux publics. Une approche qui semble porter ses fruits : les îles Salomon, Kiribati et Nauru ont toutes rompu leurs liens diplomatiques avec Taïwan ces dernières années en faveur de la Chine.

Mais Pékin a tendance à financer de grands projets d'infrastructures et n'est donc pas forcément désireuse de remplacer les États-Unis dans d'autres programmes, souligne Graeme Smith, professeur associé au département des Affaires du Pacifique de l'Université nationale australienne. Si la suspension des aides au développement est susceptible de nuire aux intérêts de Washington dans le Pacifique, elle menacera aussi des vies humaines.

« Les États-Unis financent une grande partie de l'aide médicale liée au VIH, à la résistance aux médicaments, à la tuberculose et au paludisme », explique Graeme Smith. « Si ces programmes sont interrompus et ils l'ont été, des gens mourront », a-t-il confié à l'AFP.

Combler le « vide laissé »

Peter Bosip, avocat spécialiste de l'environnement en Papouasie-Nouvelle-Guinée, a utilisé une petite enveloppe de l'agence américaine pour le développement international (USAID) pour aider les communautés rurales à se défendre dans les négociations avec les compagnies minières.

« Les gens seront désorientés et cette confusion aura pour conséquence qu'ils n'auront plus confiance dans le travail des agences donatrices et dans le soutien qu'elles apportent », regrette-t-il, désabusé et ne croyant plus que l'aide américaine « reviendra ». Les États-Unis sont devenus « imprévisibles » et leurs alliés risquent de ne plus compter sur eux pour financer des projets dans le Pacifique, avertit Alexandre Dayant, économiste du Lowy Institute.

« Les dommages causés à la réputation des États-Unis dans la région sont permanents » et « il y aura des pressions pour que Canberra comble le vide laissé par les États-Unis », explique-t-il à l'AFP. « Mais ce n'est pas aussi simple que cela » car le budget de l'Australie « est également limité », poursuit-il.

La ministre australienne des Affaires étrangères, Penny Wong, a affirmé que Canberra s'efforcerait d'être le partenaire privilégié de ses voisins du Pacifique, une alliance « fondamentale pour la prospérité, la stabilité et la sécurité de notre région ». « Nous voulons donner à nos voisins les moyens de faire en sorte que le Pacifique puisse répondre à ses propres besoins en matière de développement et de sécurité », a-t-elle témoigné auprès de l'AFP.

Avec AFP