Autodétermination, citoyenneté et compétences partagées au cœur du projet d'accord de l'État pour la Nouvelle-Calédonie

©Outremers360 / Baptiste Gourtet (LNC)

Autodétermination, citoyenneté et compétences partagées au cœur du projet d'accord de l'État pour la Nouvelle-Calédonie

Autodétermination, citoyenneté et partage des compétences sont au cœur du projet d'accord sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie remis fin mars par Manuel Valls aux partenaires politiques calédoniens, et que l'AFP a pu consulter. 

Le ministre des Outre-mer, qui réunit de nouveau vendredi en visioconférence les délégations indépendantistes et non-indépendantistes, souhaite qu'un accord soit conclu à son retour en Nouvelle-Calédonie, fin avril. Les discussions ont pour base ce projet d'accord confidentiel, remis par Manuel Valls avant son départ de Nouméa le 1er avril, au terme de son deuxième séjour sur place.

Ce document propose d'engager la Nouvelle-Calédonie, déjà largement autonome, dans une nouvelle étape de son « émancipation », fondée notamment sur une « montée en compétences progressive », un « partage encadré de certaines prérogatives régaliennes », ainsi que sur « la consolidation d'une citoyenneté calédonienne ». En voici les principales lignes.

Droit à l'autodétermination

L'exercice du droit à l'autodétermination serait conservé, mais il s'agirait de proposer aux Calédoniens un « référendum de projet » et non plus de seulement dire oui ou non à l'indépendance.

Ce mécanisme vise à rompre avec la « logique binaire » des consultations de 2018, 2019 et 2021 et à « engager l'ensemble des forces politiques calédoniennes dans une dynamique de responsabilité », précise le document, qui prévoit que pour être soumis au vote, ce projet soit adopté par le Congrès calédonien à la majorité des 3/5e (33 élus sur 54).

Il faudrait donc que les indépendantistes, qui détiennent aujourd'hui 25 sièges, mobilisent au-delà de leur camp pour pouvoir déclencher un référendum. Ce point devrait donc être âprement discuté.

Compétences régaliennes

En faisant le bilan des premiers échanges avec l'État mercredi, le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) s'est montré circonspect concernant les propositions de l'État, notamment sur la « souveraineté partagée ».

Les compétences régaliennes -relations internationales, défense, police, justice, monnaie- continueraient d'être exercées par la France, qui promet de mieux y associer la Nouvelle-Calédonie en instaurant par exemple un « comité stratégique de défense » ou en créant des postes d'assesseurs coutumiers auprès des juridictions pénales. 

Mais il n'est pas prévu de statut d'observateur à l'ONU ni de police coutumière, des revendications indépendantistes de longue date. 

« Le concept de souveraineté partagée n'est qu'une manière déguisée de prolonger la dépendance vis-à-vis de l'État français. Finalement, ce document ne traduit qu'un lien d'appartenance encore plus fort à la France et nous entraîne dans une période d'incertitude sans délai précis concernant le transfert des compétences régaliennes, ni même de garantie pour exercer notre droit à l'autodétermination », avait d'ailleurs pointé le bureau politique du FLNKS mercredi.

Citoyenneté

Intégré à un projet d'accord global, le débat sur le corps électoral calédonien qui avait entraîné l'explosion de violences de mai 2024 ne fait plus débat entre indépendantistes et non-indépendantistes.

Selon le projet d'accord, la citoyenneté calédonienne permettrait de voter aux élections provinciales, scrutin crucial dans l'archipel en raison des vastes compétences exercées par ces collectivités, et lors des référendums. Elle serait acquise de droit aux natifs et aux enfants et conjoints de citoyens calédoniens.

Les personnes justifiant de 10 à 15 ans de résidence sur le territoire pourraient également acquérir la citoyenneté. Elles devront justifier d'un « ancrage local avéré » et passer un examen culturel obligatoire, « visant à garantir la connaissance et le respect des valeurs, de l'histoire et des spécificités de la Nouvelle-Calédonie ».

Rôle des provinces

Le renforcement des provinces, plébiscité par la frange radicale des non-indépendantistes, est acté par le projet d'accord qui propose de leur transférer la compétence fiscale, exercée aujourd'hui par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie.

Or, la province Sud, dirigé par les non-indépendantistes et où se trouve le chef-lieu Nouméa, génère 80% des richesses du territoire et plus de 90% de ses recettes fiscales. Ce transfert devrait donc faire l'objet de vifs débats au cours des prochaines discussions, les indépendantistes l'assimilant à un « projet de partition du pays ».

« Le renforcement des provinces est à contre-courant de notre vision », estime le FLNKS, qui doit décider le 26 avril s'il participe à la nouvelle séquence de discussions avec l'État.

Avec AFP