Après les crises sécuritaire et économique, la Nouvelle-Calédonie en plein marasme politique

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Après les crises sécuritaire et économique, la Nouvelle-Calédonie en plein marasme politique

Plus de sept mois après les violentes émeutes qui ont déstabilisé la Nouvelle-Calédonie et détérioré son économie, le renversement du gouvernement de l'indépendantiste Louis Mapou, mardi 24 décembre, plonge l'archipel dans l'incertitude.


En signe de solidarité, les groupes indépendantistes au congrès ont refusé de voter les réformes sans lesquelles l'Etat ne débloquera pas l'aide d'urgence qui doit permettre au territoire de terminer l'année. Un sale coup politique, irrationnel et irresponsable": Louis Mapou, qui s'exprimait vendredi pour la première fois depuis la chute du gouvernement calédonien mardi dernier, est sorti de son habituelle bonhommie pour dénoncer la crise politique dans laquelle l'archipel se trouve désormais plongé. Des reproches qui s'adressent principalement à la formation de centre-droit Calédonie ensemble dont la démission de l'exécutif collégial est à l'origine de la crise.

Bercy "dicte sa loi" 

Le mouvement estime que Louis Mapou n'aurait pas dû accepter que l'aide à la reconstruction du territoire, dévasté par plusieurs mois d'émeutes, soit versée sous forme de prêt conditionné à la mise en œuvre de réformes.
Un milliard d'euros qui va "durablement endetter les générations futures", selon le chef de file de Calédonie ensemble, Philippe Gomès, souhaitant donc la mise en place d'"un gouvernement de combat, capable de ramener les discussions sur la reconstruction au niveau politique et d'arrêter de laisser Bercy dicter sa loi".

Le sentiment que le gouvernement collégial est déconnecté du congrès, dont il est directement issu et dont il reproduit les équilibres, est partagé par plusieurs formations. "Nous étions contre la chute du gouvernement, mais nous comprenons les raisons qui nous ont amenés là. Ca a été très difficile ces derniers mois de mener un travail en commun avec ce président du gouvernement", indique Virginie Ruffenach, présidente du groupe Le Rassemblement-Les Républicains.

"Le gouvernement procède du congrès, et pas l'inverse. On a appelé à plusieurs reprises à un changement de méthode", estime pour sa part Milakulo Tukumuli de l'Eveil océanien. Il juge lui aussi les exigences du ministère de l'Economie disproportionnées: "Je ne sais pas dans quel monde vivent certaines personnes, mais moi je vis dans un monde où les gens n'arrivent même plus à se nourrir". "Les messages qui sont envoyés, c'est : +on va grignoter sur le pouvoir d'achat de celles et ceux qui ont encore un boulot avec la CCS (contribution calédonienne de solidarité). Et puis on va augmenter la TGC (Taxe générale sur la consommation, équivalent de la TVA), la taxe qui a le plus fort impact sur les plus démunis", déplore-t-il.

 "Mise sous tutelle" 

Un nouveau gouvernement doit être élu par les conseillers du congrès le 7 janvier. Ses membres se réuniront dans la foulée pour désigner un président. Il devrait s'agir d'un non-indépendantiste, et probablement du président du Rassemblement-Les Républicains Alcide Ponga, dont le nom semble faire consensus.

Seulement, en signe de protestation contre le renversement de l'équipe dirigée depuis juillet 2021 par Louis Mapou, les deux groupes indépendantistes au congrès, l'Union nationale pour l'indépendance et l'UC-FLNKS ont décidé de ne plus siéger, "afin de mettre chacun devant ses responsabilités".

"Puisqu'ils mettent en cause le plan de sauvetage du gouvernement, nous ne voterons pas les textes qui y sont liés en attendant que le prochain gouvernement fasse ses propositions", explique le président du groupe UNI, Jean-Pierre Djaïwé.

Conséquence, la réforme de la TGC n'a pu être votée jeudi. Or, sans cette réforme, le ministère de l'Economie ne versera pas les 231,2 millions d'euros dont les collectivités calédoniennes ont besoin pour terminer l'année 2024 et notamment payer les salaires. "La mise sous tutelle devient un scénario de plus en plus sérieux", s'inquiète l’élu Les Loyalistes (non-indépendantistes) Philippe Blaise.

L'insurrection qui a débuté le 13 mai sur fond de mobilisation indépendantiste contre la modification par l’État du corps électoral pour les élections provinciales, cruciales en Nouvelle-Calédonie, a fait plus de 2 milliards d’euros de dégâts.

Un salarié sur sept (9.250 personnes) a perdu son emploi entre mars et septembre, selon les derniers chiffres de l'Institut de la statistique et des études économiques.

 

Avec AFP