REPORTAGE. Santé à Mayotte : l’association Nariké M'sada au chevet des habitants les plus isolés

©Abby Saïd Adinani / Outremers360

REPORTAGE. Santé à Mayotte : l’association Nariké M'sada au chevet des habitants les plus isolés

Connue à Mayotte pour ses actions de prévention contre les infections sexuellement transmissibles, notamment les hépatites et le VIH/SIDA, l’association Nariké M'sada a récemment élargi son champ d’action face à l’urgence sanitaire provoquée par le cyclone Chido. Pendant plusieurs semaines, ses bénévoles, accompagnés de personnels soignants, ont sillonné l’île à bord de leur imposant camion blanc, se rendant dans les zones les plus enclavées pour offrir soins médicaux et réconfort aux populations durement touchées.

Depuis plus de 20 ans, l’association Nariké M’sada accompagne et soutient les personnes vivant avec le VIH. Depuis le passage du cyclone Chido, le camion blanc de l’association, mis en service en juin 2023 pour mener, au départ, des campagnes de prévention et de dépistage des infections sexuellement transmissibles dans les zones reculées de Mayotte, sert désormais de lieu de consultation. 

« Ce camion a été pensé, au départ, pour aller à la rencontre des habitants et leur proposer des actions de prévention en santé, comme des dépistages VIH, mais aussi des conseils en hygiène de vie », explique Raïssa Houmadi, vice-présidente de l’association. « Après le cyclone, très rapidement, la question du "aller vers" s’est posée. » Dès les premières heures qui ont suivi le cyclone, l’association s’est organisée pour assurer le lien en attendant que les structures médicales habituelles soient de nouveau totalement fonctionnelles.

« On a rapidement compris que beaucoup de gens n’avaient plus accès à leurs traitements ni même à des soins de base. Il fallait absolument aller vers eux », raconte l’enseignante en sciences de la vie et de la Terre (SVT), qui, en pleine période de vacances scolaires, a décidé rapidement de parcourir Mayotte avec son équipe. Jour après jour, les bénévoles se sont relayés sans relâche pour atteindre les villages isolés. 

La mission a débuté à Cavani, alors que les voies d’accès étaient encore impraticables. Elle s’est ensuite étendue à Tzoundzou, Tsingoni, ou encore Sada. Ce mercredi 8 janvier, les équipes sont parties à la rencontre des habitants de Mtsamboro. « Nous avons soigné des plaies, contrôlé des glycémies et des tensions artérielles, et surtout orienté les cas les plus graves vers les structures hospitalières quand c’était possible », explique Raïssa Houmadi. Malgré le rythme intense, la détermination des équipes est restée intacte, élargissant progressivement leur périmètre d’intervention pour couvrir un maximum de secteurs.

Un camion médical essentiel

C’est grâce à des financements privés que Nariké M’sada a pu acquérir son camion en 2023. Face à la catastrophe provoquée par le cyclone Chido, ce véhicule a été rapidement réadapté pour répondre aux besoins sanitaires urgents. Équipé pour les soins de base et les premiers secours, il s’est avéré indispensable pour intervenir dans les zones les plus touchées.

Anne Fofana à gauche et Raïssa Houmadi à droite ©Abby Saïd Adinani / Outremers360

« Sans lui, il aurait été impossible d’atteindre certains villages totalement isolés. Il nous a permis d’apporter des soins directement là où les besoins étaient les plus pressants », témoigne Raïssa Houmadi. Ce dispositif mobile n’aurait pas pu fonctionner sans l’engagement des soignants. Parmi eux, le docteur Eutrope, pionnière dans le domaine de la santé à Mayotte, ainsi qu’Anne Fofana, infirmière présente depuis le début de la mission. D’autres professionnels issus de la réserve sanitaire ont également prêté main-forte.

« Ils étaient tous bénévoles », précise la vice-présidente. « C’est sur leur temps libre qu’ils interviennent. Sans eux, nous n’aurions pas pu assurer une présence continue sur le terrain ». Grâce à cette coordination exemplaire, Nariké M’sada a pu proposer des soins diversifiés et adaptés. La logistique quotidienne reposait sur une organisation rigoureuse. « Chaque soir, nous faisions le point pour décider des villages à visiter le lendemain, selon les informations qui nous étaient remontées. Au début, nous devions aussi gérer la pénurie de carburant, ce qui compliquait nos déplacements », explique Raïssa Houmadi. Malgré ces contraintes, l’équipe a su maintenir le cap pendant plusieurs semaines.

Un retour progressif à la normale

Avec la réouverture progressive des cabinets médicaux, Nariké M’sada s’apprête à conclure cette mission exceptionnelle ce vendredi 10 janvier. « Nous savions que cette intervention était temporaire. Notre but était d’assurer un relais jusqu’à ce que les structures médicales locales reprennent leur activité », précise Raïssa Houmadi. Ce retour à la normale s’accompagne toutefois d’une vigilance constante. « Nous restons attentifs aux besoins qui pourraient émerger dans certaines zones encore fragilisées. S’il le faut, nous sommes prêts à intervenir à nouveau », affirme-t-elle. 

En parallèle, l’association travaille à renforcer ses missions premières. « Nous allons reprendre nos actions de prévention, mais cette expérience nous a montré qu’il faut également développer des actions d’urgence », souligne Raïssa Houmadi. « Cette crise a révélé des failles, mais aussi une formidable solidarité. Nous devons en tirer des enseignements pour être encore plus efficaces à l’avenir. » Fort de cette mobilisation, l’association prévoit de publier une enquête à la suite des nombreuses consultations réalisées — environ une soixantaine de patients par jour et par village.

À M'Tsamboro ©Abby Saïd Adinani / Outremers360

L’objectif est de mieux comprendre les habitudes de santé des Mahorais et de développer des programmes ciblés. Nariké M’sada souhaite également intensifier ses campagnes de dépistage du VIH et des hépatites, tout en diversifiant ses actions de prévention. « Nous continuons de vouloir rendre le dépistage plus accessible et rassurer la population en luttant contre les préjugés liés à ces maladies », précise la vice-présidente. L’association envisage également de former davantage de bénévoles aux gestes de premiers secours afin de renforcer sa capacité d’intervention lors de futures crises.

Cette semaine, la mission d’urgence s’achève, mais Nariké M’sada entend poursuivre ses campagnes de prévention, de sensibilisation et de dépistage sur les routes de Mayotte.

Abby Saïd Adinani