« Très insuffisant ! ». Trois semaines après le cyclone qui a mis à genoux Mayotte, État, collectivités et associations restent mobilisés pour ravitailler les habitants en denrées alimentaires, eau et matériels divers, une aide souvent jugée lacunaire.
« Caribou ! » (Bienvenue en shimaoré). Après les salutations d'usage, Inssa Asmine, directrice du centre communal d'action sociale de Chirongui (Sud), gravit les marches qui mènent à la maison de Moussa Ahamada.
Le centenaire, bercé au son d'un vieux transistor sur un bord de fenêtre, accueille la directrice et ses équipes avec un grand sourire édenté. Dans les deux sachets que les femmes déposent devant lui, du maïs, du thon et des boîtes de tomates pelées. « Je suis content, c'est convenable », dit à l'AFP l'ancien combattant qui en a vu d'autres, ayant « fait le Tchad, le Liban, le Soudan ».
Pourtant, le 14 décembre dernier, Chido a dévasté le 101e département français, tuant au moins une quarantaine de personnes, en blessant des milliers d'autres, pulvérisant les maisons en dur comme en tôle, et causant de colossaux dommages à ses vitales infrastructures, routes, hôpital, établissements scolaires.
Depuis, certains habitants vivent dans des maisons en ruine, parfois sans électricité, tous avec de l'eau par intermittence, quelques heures par jour seulement, alors que la saison chaude bat son plein. L’État convoie ainsi denrées alimentaires, matériels et eau, une aide complétée par des dons mais qui demeure « insuffisante au regard des besoins », juge Inssa Asmine.
« Personnes vulnérables »
A Chirongui, les habitants regardent désormais sans surprise l'hélicoptère Puma qui, en vol stationnaire, dépose sur le terrain de foot d'énormes caisses blanches contenant plusieurs tonnes de nourriture et d'eau quasiment tous les jours, provenant de dons et de l’État. L'archipel est quotidiennement ravitaillé depuis Chido, selon un découpage Nord-Ouest, Nord-Est, Centre et Sud, détaille à l'AFP le capitaine Jérôme Langlois.
Depuis le 15 décembre, « denrées vitales et divers matériels » arrivent grâce aux ponts aérien et maritime, rappelle la préfecture de Mayotte. Ce sont notamment 100 000 litres d'eau et environ 20 tonnes d'aliments qui atteignent la population chaque jour via ce dispositif. En outre, le premier avion-cargo porteur de dons a quitté l'Hexagone le 25 décembre et, depuis, quelque 150 tonnes d'eau, bâches, tissus imperméables, denrées alimentaires, lits d'appoint ont atterri sur l'île.
Si l'ensemble des habitants bénéficient de la distribution en packs d'eau, l'alimentaire est réservé aux plus vulnérables, les seniors et personnes en situation de handicap, relate Inssa Asmine. « La population ne comprend pas pourquoi, (...) alors que tout le monde est touché », témoigne-t-elle. Sur la commune de Chirongui, plus de 4 000 habitants bénéficient de cette distribution.
« Pour boire, pas suffisant »
Concernant l'eau, « un pack par foyer quand on a 3 ou 5 enfants, ce n'est pas suffisant pour la semaine », tance-t-elle, d'autant que « les gens refusent de boire l'eau (au robinet) car ils considèrent qu'elle est non potable ». Interrogé par l'AFP à ce sujet, le préfet de Mayotte a rappelé que « l'eau (courante) est potable ». Mais dans la mesure où l'eau courante n'est rétablie que « 3 ou 4 heures par jour », les bouteilles d'eau sont essentielles, insiste Inssa Asmine.
Ismaël Dahalani, ancien instituteur de 69 ans, qui vit avec sa femme, son fils et ses deux petits-fils, abonde : « L'eau, quand ça (revient au robinet), on arrive à stocker mais pour boire, ce n'est pas suffisant ». Sa femme, Sarmada Ousséni, s'approvisionne ainsi à la douka (petite épicerie) du coin mais, parfois, « il n'y a pas d'eau, on n'en trouve pas ».
Inssa Asmine évoque également des « difficultés de livraison » avec des « gens qui n'ont pas reçu » cette aide, car absents au moment de la distribution. De fait, sur la côte ouest de l'île, notamment à Sohoa, des habitants ont raconté n'avoir reçu « qu'un ou deux packs d'eau » depuis Chido.
Avec AFP