Reconstruction post-cyclonique, Stratégie française dans la zone indo-pacifique, les enjeux du déplacement d'Emmanuel Macron dans l'océan indien

© Facebook Thani Mohamed Soihili

Reconstruction post-cyclonique, Stratégie française dans la zone indo-pacifique, les enjeux du déplacement d'Emmanuel Macron dans l'océan indien

Emmanuel Macron va effectuer à partir de ce lundi 21 avril un déplacement de cinq jours dans l'océan Indien. Il entamera sa visite à Mayotte, La Réunion, puis Madagascar et Maurice.  Au programme de cette tournée dans l'océan Indien, des enjeux importants comme le suivi de la reconstruction post-cyclonique à Mayotte et à la Réunion, coopération régionale et stratégie française dans la zone indo-pacifique. 

 

Le chef de l'État est attendu lundi matin à Mayotte, où il avait promis de revenir après son déplacement de décembre, au lendemain du passage du cyclone Chido. «Il avait alors donné des échéances pour le rétablissement de l'eau, des communications, des infrastructures élémentaires et dit qu'il reviendrait pour lancer le temps de la reconstruction», a indiqué un conseiller.

Échanges avec la population

Le chef de l'État aura des échanges avec la population, les élus ainsi qu'une séquence dédiée au secteur agricole afin de «voir comment on a réparé et fait en sorte que les séquelles, blessures, fractures révélées par le cyclone sont en voie de résolution», a indiqué l'Élysée. Un projet de loi sur la reconstruction de Mayotte sera «présenté prochainement en conseil des ministres», a également précisé un conseiller, sans donner de date mais en rappelant que l'objectif était d'avoir une adoption du texte avant la fin de la session parlementaire à l'été.

Le chef de l'Etat, déjà confronté à l'impatience et la colère des Mahorais en décembre, risque de se retrouver dans un climat similaire lors de ses échanges avec la population et les élus. "On voit encore des montagnes de déchets, des fils électriques par terre, des toits à l'air libre", déplore le maire de Mamoudzou, Ambdilwahedou Soumaïla

«Mayotte doit être plus belle demain qu'elle n'a été même avant le cyclone parce qu'il y avait déjà un territoire qui était en pleine fragilité», a souligné l'Élysée.

 "Intérêts partagés" 

Ce déplacement sera aussi l'occasion de renforcer a stratégie française dans cette partie de l'océan Indien, a expliqué jeudi l'Élysée. «Cet espace régional doit s'organiser avec l'ensemble de ses territoires. Il y a un avenir commun à bâtir», a souligné un conseiller du président français, qui assistera au cinquième sommet de la Commission de l'océan Indien à Madagascar. 

Emmanuel Macron s'entretiendra aussi avec les responsables de la lutte contre l’immigration clandestine qui reste un défi majeur, alors que le Parlement vient d'adopter un texte très contesté durcissant les restrictions au droit du sol à Mayotte.

Dans la foulée, il rejoindra l'autre département français de la région, La Réunion, département d'outre-mer à la plus forte croissance économique, mais également frappé par de violents aléas climatiques et une épidémie de chikungunya, une maladie infectieuse transmise par le moustique tigre. Emmanuel Macron va aussi échanger mardi sur les effets du cyclone Garance, qui a fait cinq morts en février et provoqué, et 250 millions d'euros de dégâts dont 180 millions d'euros sur l'agriculture locale. Il sera aussi «au côté des Réunionnais» en pleine épidémie de chikungunya qui a fait six morts sur l'île depuis le début de l'année.

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Il va aussi réaffirmer le "rôle stratégique de La Réunion dans la zone indo-pacifique" où la France entend s'imposer comme un acteur majeur grâce à ses multiples territoires et son immense espace maritime, le deuxième du monde derrière les Etats-Unis. La Réunion abrite une base navale dans une zone stratégique pour le passage du commerce international et est un «hub sur les trajets maritimes», a résumé l'Élysée.

Dans ce contexte, les visites que le président effectuera ensuite à Madagascar et à l'île Maurice visent à "valoriser nos intérêts partagés", résume l'Elysée.

Iles Éparses, le sujet qui fâche 

Emmanuel Macron entend renforcer coopérations et alliances dans la région en temporisant sur les multiples points de friction hérités de la décolonisation. A Madagascar, où la dernière visite bilatérale d'un président français remonte à 2005 avec Jacques Chirac, l'accent sera mis mercredi sur le renforcement des échanges commerciaux et des investissements.

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Parmi les sujets qui fâchent, les îles Éparses, territoire français revendiqué par Madagascar, seront "évoquées" par le président français et son homologue Andry Rajoelina, avec l'idée de relancer la Commission mixte sur l'avenir de l'archipel initiée en 2019, pointe sobrement l'Elysée.

Intégration de Mayotte dans la COI

La question de l'intégration de Mayotte à la Commission de l'océan Indien (COI), instance de coopération intergouvernementale qui réunit Madagascar, l'île Maurice, l'Union des Comores, les Seychelles et La Réunion pour la France, sera l'autre sujet délicat.

Lors de ce Sommet, en effet Emmanuel Macron doit aussi aborder « de façon constructive » l’intégration de Mayotte à la COI. « L'enjeu étant d'arriver à progresser pour l'inclusion de Mayotte dans les programmes de la COI » confirme l’Élysée, alors que le département est « largement tenu à l'écart » des programmes de l’organisation régionale.

Mercredi 16 avril, le ministre chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, Thani Mohamed-Soilihi, avait tenté d’inscrire cette intégration à la déclaration finale du Conseil interministériel de la COI, instance préparant le Sommet des chefs d’État de l’organisation. Mais le ministre s’est heurté au véto de ses homologues et notamment des Comores, qui revendiquent leur souveraineté sur Mayotte. « Le président évoquera le sujet avec l'objectif de progresser de façon pragmatique et programmatique » insiste l’Élysée. « L'inclusion de Mayotte sur des programmes de la COI, sur des thématiques et des domaines où la coopération s'impose » est nécessaire estime encore la présidence qui cite notamment les crises climatiques ou sanitaires qui « n’ont pas de frontières ».

Une certitude, l’inclusion de Mayotte ne devrait pas intervenir lors de ce Sommet. Quid de la suite ? Les Comores prendront la présidence tournante de la COI à la suite de Madagascar, mais l’Élysée n’y voit pas « une mauvaise nouvelle » pour l’intégration de Mayotte. « Au contraire, il faut arriver à convaincre les Comores que l'inclusion de Mayotte, c'est gagnant-gagnant ».

Une tâche d’autant plus complexe que les autres pays membres ont tendance à ne pas entrer dans le débat, voire à s’aligner sur la position comorienne. « Ça se fera par de la diplomatie, pas par des déclarations publiques » glisse l’Élysée qui assure que le chef de l’État « est dans une approche de dialogue ferme sur nos intérêts et sur l'objectif d’intégration de Mayotte, et on le fait de façon constructive ».

A Madagascar puis l'île Maurice vendredi, la sécurité maritime sera au cœur des discussions, tout comme la protection des océans face au changement climatique et à la pollution plastique.