La Guyane traversée par une violence endémique

© Police nationale de Guyane

La Guyane traversée par une violence endémique

Un trafic d'armes et de stupéfiants sur fond de grande pauvreté... La Guyane, département français d'Amérique du Sud où se rendent vendredi Gérald Darmanin et Eric Dupond-Moretti, connaît une violence endémique et détient le triste record du plus grand nombre d'homicides par habitant en France.

 

"Je vis dans un quartier où il manque de tout: des infrastructures, de la sécurité, de l'emploi", explique à l'AFP Arnold Martinez, habitant du quartier sensible du Village chinois à Cayenne, à quarante-huit heures de la triple visite ministérielle.

Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, et ses collègues de la Justice, Eric Dupond-Moretti, et des comptes publics, en charge des Douanes, Gabriel Attal, sont attendus notamment aux Assises de la sécurité convoquées notamment par le président de la Collectivité territoriale de Guyane, Gabriel Serville.

"Ici, le quotidien des jeunes, c'est de traîner et se débrouiller pour s'en sortir", se désole celui qui est aussi médiateur au sein de l'association Les frères de la Crik, qui intervient auprès des habitants de ce quartier difficile.
A La Crick, classé en zone de sécurité prioritaire, le dernier homicide par arme à feu a eu lieu le 31 août, en pleine journée et en pleine rue. La même semaine, quatre meurtres par arme à feu se produisaient en Guyane, faisant monter à 30 le nombre d'homicides depuis le début de l'année d'après les chiffres transmis par la préfecture à l'AFP.

Contexte sud-américain

Selon le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), le taux d'homicides s'établissait en Guyane à 11,2 pour 100.000 habitants entre 2016 et 2021, contre 1,2 en moyenne nationale, plaçant le département en tête de ce classement.
"Les violences de toutes natures représentent un taux de 15,36 faits pour 100.000 habitants, au niveau national, c'est 6,92", abonde le sous-préfet Cédric Debons, directeur général de la sécurité, de la réglementation et des contrôles.
"Nous sommes (...) entourés de pays avec une violence très prégnante, des modes de violence spécifiques au continent. Au Brésil, c'est 22 homicides pour 100.000 habitants, 6 au Suriname", indique-t-il.

La Guyane partage 730 km de frontière fluviale avec le Brésil et 510 avec le Suriname. Pourtant, la Guyane est bien dotée en forces de sécurité, 49 policiers et gendarmes pour 10.000 habitants contre 34 en France hexagonale, selon la préfecture. "Les particularités en termes de délinquance, ce sont la continentalité de son territoire et la porosité de ses frontières, longues et difficiles à contrôler, cela favorise l'orpaillage illégal, les trafics d'armes et de stupéfiants", précise la criminologue Gaëlle Compper-Durand.
La Guyane est connue pour être une plaque tournante d'approvisionnement de l'hexagone en drogue, notamment la cocaïne.

Une précarité intensifiée par le Covid 

A ce contexte géographique s'ajoute une grande pauvreté profitable aux réseaux criminels.  
En Guyane, 53% de la population vit sous le seuil de pauvreté d'après l'Insee. "Ce seuil est fixé à 1.063 euros net mensuel dans l'Hexagone. Mais pour la Guyane, il est de 600 euros. Si l'on applique le seuil hexagonal, 80% de la population guyanaise vit sous le seuil de pauvreté", estime le député GDR Davy Rimane.  

Un facteur économique "essentiel dans le fonctionnement de la délinquance" précise Gaëlle Compper-Durand. "Pour quelqu'un en échec scolaire, peu qualifié, le crime est un moyen d'accéder rapidement à un meilleur niveau de vie. Quand les circuits d'intégration sociale (travail, école) sont défaillants, cela incite les personnes à se tourner vers l'illégal", explique-t-elle.

Cette précarité s'est accentuée avec la crise Covid. D'après l'Insee, le nombre d'allocataires du Revenu de solidarité active (RSA) a augmenté de 3,1% entre 2019 et 2020. Avant la crise, "41% des foyers allocataires guyanais percevaient le RSA, contre 8% au niveau national", selon Bénédicte Chanteur, de l'Insee Guyane.

"Tout est exponentiel en ce moment: la drogue, les armes, mais aussi la pauvreté, l'immigration. Le Covid a fait beaucoup de mal et les réseaux de drogue profitent de la misère sociale des habitants. Les mules sont en quelque sorte victimes de cela", résume Olivier Lorry, policier et secrétaire zonal du syndicat alternative police.

Avec AFP