Pour son premier roman “La chatouilleuse”, l'auteure et militante associative mahoraise Yasmina Aouny a choisi d'évoquer le combat des femmes de son territoire en faveur de leur émancipation. Une manière de célébrer la mémoire de celles qui ont contribué à façonner l'histoire du territoire et à lui permettre d'entrer dans la modernité.
L'histoire de Mayotte se conjugue avec ses personnages féminins, dont certaines figures ont joué un grand rôle dans sa structuration politique. En s'inspirant de l'histoire de Zéna M'Déré, héroïne et figure du mouvement des Chatouilleuses disparue en 1999 pour son premier roman "La chatouilleuse", initialement intitulé "La cause", Yasmina Aouny se situe dans ce contexte et dans cet esprit.
Les chatouilleuses appelées également "Sorodats Wa Maore" – soldats de Mayotte - (en mahorais) sont des femmes mahoraises qui ont combattu pacifiquement dans les années 60 -70 pour le maintien de Mayotte dans la République française alors que le reste de l'archipel des Comores s'acheminait vers l'indépendance. Emmené par Zéna M'Déré, ce mouvement consistait à soumettre les responsables politiques comoriens en visite à Mayotte au "supplice" de la chatouille pour leur faire entendre raison.
Une stratégie non sans risque puisque le 13 octobre 1969 Zakia Madi, une autre figure du mouvement des chatouilleuses, était tuée par la garde comorienne alors qu'elle était à la tête d'une manifestation.
De nombreux hommages au mouvement des chatouilleuses
Née un 31 mars, jour de la départementalisation de Mayotte survenue en 2011, Yasmina Aouny, militante associative, fervente défenseuse du choix du maintien de Mayotte dans la France, également enseignante en sciences économiques et sociales, a choisi l'oeuvre romanesque pour évoquer le combat des femmes mahoraises en faveur de leur émancipation et célébrer la mémoire de celles qui ont contribué à faire de ce territoire un département français.
Ce n'est certes pas la première fois que des hommages sont rendus au mouvement des chatouilleuses et à ses figures tutélaires. Ces hommages qui ont pris la forme de pièce de théâtre, de recueil de poèmes, d'essai ou même de roman dont celui d'Ali Maandhui "les chatouilleuses de la République" paru chez l'Harmattan en 2016 se sont multipliés ces dernières années, mais la singularité de l'ouvrage de Yasmina Aouny réside dans la force du récit qui allie sensibilité, émotion et détermination dans l'engagement
Un combat toujours d'actualité
"Rose", l'héroïne du roman de Yasmina Aouny, refuse de se soumettre au poids des traditions et au joug de son mari qui veut lui imposer la polygamie. Elle est déterminée à prendre son destin en main. Elle décide de braver les interdits et prend le parti de militer. Car pour elle militer, c'est exister et pour cela elle est prête à prendre tous les risques. Les échos de la lutte menée par Zéna M'Déré pour que l'île de Mayotte reste française lui parviennent et font résonnance avec son combat pour son émancipation.
Avec son roman "la chatouilleuse", celle qui est également présidente d'un club de football rend un vibrant hommage à toute cette génération de femmes mahoraises qui ont entrepris de se désaliéner pour se faire une place dans la société mahoraise et qui oeuvrent pour que Mayotte entre dans la modernité en rejetant certaines pratiques et traditions ancestrales qu'elles considèrent aujourd'hui dépassées.
Mais le combat est loin d'être gagné même avec l'avènement de la départementalisation.
La lutte pour l'évolution de la condition des femmes se poursuit. C'est ce message que souhaite délivrer Yasmina Aouny pour qui les défis sont immenses et le chemin encore très long pour que, fidèle à l'esprit du mouvement des chatouilleuses, l'émancipation à la fois culturelle, économique et politique des femmes mahoraises voulue les figures historiques, ne soit pas un voeu pieu.
"La chatouilleuse"
De Yasmina Aouny
Sortie prévue à Mayotte en mars prochain