HISTOIRE. Ces Ultramarins au sommet de la République : Raymond Barre, enfant de Saint-Denis à Matignon

HISTOIRE. Ces Ultramarins au sommet de la République : Raymond Barre, enfant de Saint-Denis à Matignon

Après le Calédonien Roger Frey pour ouvrir notre rubrique Ces Ultramarins au sommet de la République, le Réunionnais Raymond Barre. Natif de Saint-Denis, il rejoint l’Hexagone quand l’île de La Réunion rejoint la France libre. Son destin l’amènera à occuper la fonction de Premier ministre, nommé par Valéry Giscard d’Estaing.

« Un des meilleurs économistes de France » disait d’ailleurs de lui l’ancien chef de l’État. Né le 12 avril 1924 à Saint-Denis, Raymond Barre grandit dans la capitale réunionnaise, aux côtés de ses deux sœurs, de sa mère, Charlotte Déramond, et de son père, René Barre. Fils d’un directeur pénitentiaire en poste en Guyane et au bagne en Nouvelle-Calédonie, ce dernier devra quitter sa famille en raison d’une affaire frauduleuse dans laquelle il est impliqué, jugé aux Assises puis acquitté. Raymond Barre a quatre ans.

La famille continue toutefois à vivre à La Réunion, au sein d’une imposante case créole appelée aujourd’hui la villa Déramond-Barre. De l’école à l’Université de La Réunion, Raymond Barre croise sur sa route d’illustres personnalités de l’océan Indien, comme Paul et Jacques Vergès ou encore, Raymond Bourgine. Quand son île natale rejoint la France libre, Raymond Barre s’engage et quitte son île en 1945. Il passera par Madagascar pour rejoindre l’Indochine mais entre-temps, la guerre s’arrête. Il est démobilisé en 1946 et rejoint ainsi Paris.

Économiste, Raymond Barre décroche le diplôme de l’Institut d’études politiques de Paris en 1948 puis l’agrégation de droit et de sciences économiques dont il finit deuxième en 1950. Après son mariage avec Eva Hegedűs, il est nommé professeur à la faculté de droit et de sciences économiques de Caen, mais ne rejoint pas son poste immédiatement et, pendant quatre années, effectue des missions à l'Institut des hautes études de Tunis.

C’est en 1959 que Raymond Barre entre dans la sphère politique, d’abord dans l’ombre du cabinet du ministre de l’Industrie du gouvernement de Michel Debré -autre personnalité politique liée à La Réunion-, Jean-Marcel Jeanneney. Après un bref retour dans l’enseignement supérieur, Raymond Barre est nommé Commissaire européen par le Général de Gaulle en 1967. Par la suite il sera nommé ministre du commerce extérieur par Valéry Giscard d'Estaing, puis Premier ministre de 1976 à 1981. Il redevient professeur même s'il entame une carrière politique et se présente à l'élection présidentielle de 1988. Il devient en 1995 maire de Lyon.

Recommandé par son ancien ministre au poste de Commissaire européen, Raymond Barre, gaulliste, est nommé alors que la période est marquée par la politique de la chaise vide pratiquée par la France en 1965 et le compromis de Luxembourg de début 1966 qui prévoyait que les décisions européennes devaient être prises à l'unanimité lorsque sont en jeu des « intérêts très importants » pour un pays. D’abord vu comme l'homme du général De Gaulle, Raymond Barre est accueilli avec méfiance. Toutefois, le Réunionnais est apprécié à son poste, ce qui lui permet d’être nommé vice-président de la Commission européenne jusqu’en 1973.

Son mandat européen a notamment été marqué par mai 68 et la dévaluation du franc à laquelle il s’opposait, par la politique monétaire de la Communauté économique européenne (ou politique monétaire commune) à laquelle il était favorable, ou encore par l’entrée du Royaume-Uni dans l’Union européenne.

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C’est à partir de janvier 1976 que Raymond Barre, après ses mandats européens, entame ses mandats gouvernementaux, d’abord en tant que ministre du Commerce extérieur de Jacques Chirac, Premier ministre, et Valéry Giscard d’Estaing, président de la République. Quelques mois plus tard, en août, le gouvernement de Jacques Chirac démissionne et le chef de l’État nomme Raymond Barre à Matignon. Il reprend également le portefeuille de l’Économie et des Finances jusqu’en 1978, une première pour un Premier ministre.

Son mandat sera marqué par les hausses du chômage et de l'inflation liées à la crise économique mondiale des chocs pétroliers. Raymond Barre mène alors une politique dit de rigueur sans parvenir toutefois à juguler le chômage et l’inflation, à l'instar de ce qui se passera dans tous les pays européens à l'exception de la Grande-Bretagne. « La France vit au-dessus de ses moyens », résume le Premier ministre en 1976.

En 1979, Raymond Barre met en place un plan de restructuration de la sidérurgie, consistant à quasi-nationaliser les usines concernées, et sauvegarder l’industrie sidérurgique en France. Ce plan implique la suppression de plusieurs dizaines de milliers d'emplois, et de violents mouvements de protestations en découlent. Il permet néanmoins de reconstruire un groupe plus moderne et créateur d'emplois. Il est également à l’initiative du plan nucléaire et durant son mandat de Premier ministre, Raymond Barre décide de la construction du second bassin du Port de la Pointe des Galets, à La Réunion.

Au début de 1981, la cote de popularité de Raymond Barre est au plus bas, ce qui conduit Valéry Giscard d'Estaing à le maintenir à l'écart de sa campagne présidentielle. Le président de la République avait même un temps envisagé de changer de chef de gouvernement. Cette impopularité sera considérée comme un facteur de l'échec de Valéry Giscard d'Estaing à l'élection présidentielle de 1981.

Raymond Barre revient au-devant de la scène politique en 1988, pour la campagne présidentielle. Il est candidat pour l’UDF et les sondages le donnent plusieurs fois au second tour -éliminant Jacques Chirac au premier- et parfois même battant le président sortant François Mitterrand. Pendant la campagne, les intentions de vote en sa faveur diminuent toutefois et il obtient finalement 16,55 % des voix au premier tour. Il soutiendra Jacques Chirac pour le second tour, sans succès, puisque ce dernier ne parvient pas à battre François Mitterrand. Plus tard, ce dernier rendit hommage à Raymond Barre en le qualifiant de « véritable homme d'État ».

Raymond Barre conclut sa carrière politique par son mandat de député entamé en 1981 (jusqu’en 2002) et de maire de Lyon de 1995 à 2001. Raymond Barre décède le 25 août 2007 à Paris d’une crise cardiaque, à l’âge de 83 ans. Il est inhumé au Cimetière du Montparnasse.