À la délégation de la Polynésie française à Paris, le tournage d’un court-métrage sensible et engagé s’est déroulé ces derniers jours. Intitulé « Les Enfants Fa’a’amu », ce film de fiction réalisé par Franck Doucet met en lumière un pan encore peu connu de l’histoire contemporaine polynésienne : celui des enfants adoptés selon la coutume du fa’a’amu, souvent confrontés à une quête identitaire douloureuse.
À la délégation de la Polynésie française à Paris, le tournage d’un court-métrage sensible et engagé s’est déroulé ces derniers jours. Intitulé « Les Enfants Fa’a’amu », ce film de fiction réalisé par Franck Doucet met en lumière un pan encore peu connu de l’histoire contemporaine polynésienne : celui des enfants adoptés selon la coutume du fa’a’amu, souvent confrontés à une quête identitaire douloureuse.

Un système coutumier menacé
Le mot fa’a’amu signifie littéralement « nourrir ». Il désigne une pratique ancestrale d’adoption au sein des familles polynésiennes, où un enfant peut être confié à un proche, sans que le lien biologique soit rompu. « Ce n’est pas une adoption au sens métropolitain du terme, explique Franck Doucet. C’est une grande famille élargie qui élève l’enfant tout en gardant ses racines. »

Mais aujourd’hui, cette pratique est remise en question. Certaines familles ayant adopté dans le cadre du fa’a’amu ont quitté le territoire et coupé le lien avec la famille d’origine. « À l’âge adulte, beaucoup d’enfants ressentent un mal-être profond, lié à la perte de leurs repères culturels. On souhaite à travers ce film sensibiliser les familles et les politiques pour faire évoluer les choses. »
Le projet intervient alors même qu’une réforme pourrait placer ces enfants sous le statut de pupille de la nation, risquant d’effacer leur lien biologique. Le réalisateur plaide pour une reconnaissance juridique du fa’a’amu dans le droit coutumier polynésien, et un respect plus strict du pacte familial.
Un témoignage personnel
Dans le rôle principal, Tea (Teanuanua Paraurahi), artiste Polynésien installé dans la capitale et bien connu de la communauté océanienne, incarne un jeune homme en quête de ses origines. Un rôle qui lui tient particulièrement à cœur, puisqu’il s’inspire directement de sa propre histoire : « Je suis moi-même un enfant fa’a’amu. Participer à ce projet, c’est poser enfin quelque chose de concret sur un vécu partagé par beaucoup d’entre nous. »

Pour lui, le film va au-delà de la fiction. Il espère qu’il aidera les familles adoptives à mieux accompagner leurs enfants, notamment lors de l’adolescence, période souvent marquée par une crise identitaire amplifiée. « Ce n’est pas l’image dans le film qui compte, mais le message. Il faut reconnecter avec le vrai sens du mot fa’a’amu : nourrir, et non pas couper les racines. »
Le film aborde également une autre page oubliée de l’histoire : celle des Tamaris volontaires et du bataillon du Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale. Il rend hommage à Harry Von King, figure emblématique disparue en 2023. « Ce sont des morceaux de mémoire collective qu’on veut faire revivre à travers ce projet », confie Franck Doucet.
Plus de 100 personnes ont participé au tournage à Paris, entre techniciens, figurants, et membres de la communauté polynésienne. L’équipe espère présenter Les Enfants Fa’a’amu dans de nombreux festivals internationaux : FIFO (Festival International du Film documentaire Océanien), Clermont-Ferrand, Cannes, mais aussi aux États-Unis, au Japon ou en Australie. La sortie est prévue pour septembre 2025.

En alliant fiction et témoignages réels, ce court-métrage entend porter la voix d’une jeunesse déracinée, et rappeler l’urgence de préserver les traditions, tout en les adaptant aux réalités contemporaines.
Charles Baudry