Les RUP unies et mobilisées à la conférence organisée par EURODOM à Bruxelles pour défendre leur avenir et leur survie dans le CFP 2028-2034 et placer les régions ultrapériphériques au cœur de l’agenda européen

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Les RUP unies et mobilisées à la conférence organisée par EURODOM à Bruxelles pour défendre leur avenir et leur survie dans le CFP 2028-2034 et placer les régions ultrapériphériques au cœur de l’agenda européen

Face à la réforme du cadre financier pluriannuel post-2027, les régions ultrapériphériques (RUP) ont lancé un cri d’alarme depuis Bruxelles. Plus de 300 participants, élus, ministres, eurodéputés et représentants socioprofessionnels venus de toutes les RUP, espagnoles, portugaises et françaises se sont réunis le 6 novembre dans le cadre de la conférence organisée par EURODOM pour défendre leurs dispositifs spécifiques, notamment le POSEI, le FEDER-RUP et les aides à la pêche, piliers essentiels de leur souveraineté alimentaire et de leur stabilité économique. Tous ont dénoncé une proposition de la Commission européenne qui, en l’état, menacerait plus de quarante ans de politiques différenciées, fondées sur l’article 349 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). La signature d’un appel solennel, véritable manifeste transnational et transpartisan, symbolise cette mobilisation sans précédent.

 

Les signataires y exigent le maintien, le renforcement et l’élargissement des instruments européens qui compensent leurs handicaps structurels et garantissent la continuité économique de leurs filières locales. Les intervenants ont prévenu : la suppression du POSEI, la disparition du FEDER-RUP ou la fin des aides à la pêche constitueraient un coup fatal pour des milliers d’agriculteurs, de pêcheurs et d’entrepreneurs ultramarins. « Il ne s’agit pas de privilèges, mais d’une réponse rationnelle et équilibrée », a insisté Fernando Clavijo, président des Canaries. D’une seule voix, tous ont appelé Bruxelles à tenir ses engagements et à replacer les RUP au cœur du projet européen.

Deux ministres françaises sont intervenues pour défendre la place des outre-mer dans les politiques européennes. Pour Naïma Moutchou, ministre des Outre-mer, les territoires ultramarins, sont de «véritables postes avancés de l’Europe, qui doivent être pleinement pris en compte dans la conception des politiques publiques. Le regroupement des politiques agricoles, de pêche et d’aquaculture au sein d’un même outil suscite des inquiétudes, tout comme les incertitudes persistantes autour du POSEI. Une vigilance particulière est également appelée sur le niveau des enveloppes budgétaires et sur la pérennité des soutiens à la pêche.»  Annie Genevard, ministre de l’Agriculture a, quant à elle, insisté sur la nécessité « d’assurer une meilleure visibilité sur les cofinancements et de proposer une boîte à outils adaptée pour soutenir durablement ces filières.» 

Une centralisation contradictoire

 La réforme du CFP post-2027 suscite une inquiétude majeure : elle transfère de nombreuses décisions au niveau national, affaiblissant la gouvernance locale et réduisant les budgets dont dépendent le développement et la croissance des RUP.
Pour Gérard Bally, délégué général d’EURODOM, cette réforme représente « la menace la plus grave depuis quarante ans, un recul sous couvert de simplification qui fait des RUP des « victimes collatérales » d’une vision centralisée ».
Fernando Clavijo, président des Canaries, dénonce « un retour en arrière pour l’autonomie régionale et la cohésion sociale, soulignant que la suppression du POSEI fragiliserait l’économie locale et mettrait en danger la souveraineté alimentaire. »

Les voix convergent pour rappeler l’importance de maintenir un échelon local fort, capable d’adapter les dispositifs européens aux réalités spécifiques de chaque territoire, comme le souligne Fernando Clavijo, président des Canaries : « La réforme des politiques de cohésion transfère une grande partie des décisions au niveau national, affaiblissant la gouvernance locale et les budgets que nous gérions jusqu’ici. » José Manuel Bolieiro, président du gouvernement régional des Açores, alerte également sur les conséquences pour l’agriculture : « Pour les Açores, dépendantes des importations, la réforme serait particulièrement désastreuse pour l’agriculture : le POSEI doit être maintenu, renforcé et complété notamment par un programme POSEI Transport. »

Maintenir, renforcer et élargir le POSEI

 Face à cette menace, tous s’accordent sur l’importance de maintenir les dispositifs existants et de renforcer les financements avec des taux adaptés aux contraintes structurelles et un soutien ciblé. L’objectif est de préserver l’autonomie et la compétitivité des RUP grâce à des programmes stables, flexibles et pleinement adaptés aux réalités locales. « Cette réforme mettrait l’ensemble des filières entières à terre. » rappelle Thibault Lechat-Vega, vice-président chargé de l’Europe et des Affaires institutionnelles de la Collectivité territoriale de Guyane.

François-Xavier Bellamy, eurodéputé (France, PPE), président de la délégation française et vice-président du groupe PPE : « Cette réforme introduit une grande imprévisibilité : la fusion de tous les fonds dans une enveloppe commune et leur recentralisation au niveau national génèrent incertitude et instabilité. Il est essentiel de ne pas instaurer une concurrence toxique entre régions périphériques et métropolitaines, ce qui risquerait de créer un biais dangereux dans la répartition des fonds. L’avenir des RUP ne doit pas reposer sur la dépendance : nous croyons en leur potentiel et en l’investissement dans des projets structurants. »

 Un Omnibus spécifique au RUP

 La proposition de réforme du CFP prévoit de regrouper les dispositifs au sein d’une enveloppe commune pour un montant sensiblement identique, comme le souligne Audrey Belim « partager un montant quasi identique à l’enveloppe actuelle entre un plus grand nombre de territoires, risquerait de condamner les RUP à un décrochage face aux défis du chômage et du coût de la vie. » Elle réclame « le retrait de cette proposition, le maintien de lignes budgétaires distinctes et pérennes, ainsi que l’application intégrale de l’article 349 du TFUE » et plaide pour l’introduction d’un outil Omnibus (outil législatif permettant de regrouper plusieurs mesures, règles ou instruments sous un même texte) spécifique aux RUP, indispensable pour « adapter les réglementations à chaque territoire ».

 Affirmer la réciprocité des normes

Cette réforme fait également peser des risques accrus en matière de concurrence et de divergences réglementaires, en particulier pour les modèles agricoles tropicaux et la gestion raisonnée des produits phytosanitaires. Les intervenants ont souligné la nécessité d’instaurer une véritable réciprocité des normes dans les domaines de l’alimentation, de la pêche et du commerce, afin de garantir une concurrence équitable et de protéger durablement les marchés européens.

Micheline Jacques, sénatrice de Saint-Barthélemy et présidente de la délégation sénatoriale aux outre-mer, a souligné l'importance de « créer une relation de voisinage ultrapériphérique plaçant les RUP et PTOM au cœur de la stratégie de puissance de l’Union européenne. » Elle a également précisé le futur calendrier : « les travaux sur le nouveau cadre financier pluriannuel débuteront le 13 novembre, avec une conclusion attendue en février 2026 lors d’une séance publique. »  Et de rappeler que « les RUP ne doivent pas devenir la variable d’ajustement. Ces territoires représentant au contraire une carte stratégique essentielle pour relever des défis partagés par l’ensemble de l’Europe. »

 Signature de l’appel et perspectives d’action

 Cette mobilisation inédite des RUP témoigne de l’urgence de protéger leurs spécificités et s’est concrétisée par la signature d’un appel commun rassemblant l’ensemble des représentants des RUP et leurs partenaires européens. L’objectif est clair : maintenir les RUP au cœur du CFP 2028-2034 et sécuriser leurs droits ainsi que leurs instruments spécifiques. Comme le rappelle Paulo do Nascimento Cabral, eurodéputé portugais : « Si les engagements européens ne sont pas respectés, des recours juridiques seront engagés pour garantir l’application de l’article 349 du TFUE. »

Des mesures fortes annoncées par le vice-président du Parlement européen

En conclusion de la session, le vice-président du Parlement européen, Younous Omarjee, a dévoilé trois annonces majeures pour renforcer la place des RUP dans les politiques européennes. D’abord, l’ouverture du programme Global Gateway, doté de 400 milliards d’euros, aux territoires ultrapériphériques, jusque-là exclus de ce dispositif stratégique. Ensuite, la décision de doubler les enveloppes allouées aux Pays et Territoires d’Outre-Mer (PTOM), notamment en Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et Wallis-et-Futuna. Enfin, la préparation d’un omnibus européen dédié aux RUP, visant à corriger les normes sectorielles inadaptées dans les domaines de la pêche, de l’agriculture et du bâtiment. Younous Omarjee a également appelé à une renégociation en profondeur des règlements de la PAC, du POSEI et du FEDER, afin de garantir un financement autonome et pérenne. Tout en reconnaissant la complexité du chantier, il a exhorté les élus et gouvernements à maintenir la pression politique, promettant que « rien n’est perdu, mais rien n’est gagné facilement, il faut être offensif. Nous avons devant nous des mois de combat ».