EXPERTISE. Les études de génétique en canne à sucre : Des innovations au service de la création et de la sélection variétale à La Réunion

EXPERTISE. Les études de génétique en canne à sucre : Des innovations au service de la création et de la sélection variétale à La Réunion

Dans le cadre des prochaines Assises économiques des Outre-mer du 7 décembre prochain, organisé par Ouest-France, Le Marin et Ilago, et en partenariat avec la FEDOM, le Cluster maritime français et le Ministère des Outre-mer, Outremers360 a fait appel à Bernard Siegmund, un des intervenants de ces assises, qui est directeur du centre de recherche de la canne à sucre à La Réunion, eRcane, qui participe à l’accroissement de la production, à sa rentabilité et à sa pérennité, par une présence à l’avant-garde du progrès génétique et technologique. Dans cette expertise, Bernard Siegmund explique tout le processus d’hybridation et de sélection de la canne à sucre pour la création de variétés « adaptées aux conditions agro-climatiques contrastées de l’île ». 

Le programme d’amélioration variétale de La Réunion a débuté en 1929. Il a pour objectif de créer des variétés de canne à sucre adaptées aux conditions agro-climatiques contrastées de l’île. Les critères de sélection principaux sont : (1) le revenu des planteurs, (2) la résistance aux maladies et (3) la capacité des variétés à conserver de bons niveaux de rendements au fil des repousses.

Si, bien évidemment, des améliorations ont été apportées tout au long de ces presque 100 ans de recherche de nouvelles variétés, les principes de bases sont toujours les mêmes : Une première étape « l’hybridation » qui consiste à créer de la diversité génétique en réalisant des croisements à partir d’une collection de géniteurs diversifiés et surtout dont les caractéristiques sont bien connues. La seconde étape « la sélection » s’attache à identifier, parmi les 100 000 potentielles nouvelles variétés créées chaque année, celles qui seront les meilleures, adaptées aux différentes zones de culture de la canne à sucre de La Réunion.

Cette seconde étape se compose de cinq stades de sélection : deux stades où la sélection se fait uniquement sur des observations, et trois stades expérimentaux qui associent des parcelles expérimentales et des observations agronomiques pour déterminer les variétés qui doivent poursuivre le processus de sélection. La seconde étape dure 14 ans, en ajoutant l’année d’hybridation, le schéma de sélection d’eRcane dure 15 ans.

Depuis de très nombreuses années eRcane a développé des collaborations avec des équipes du CIRAD, ce qui permet de disposer d’une expertise française complète en matière de canne à sucre du génome de la canne à la fabrication du sucre et à la valorisation des co-produits en passant par la fertilisation, la phytopathologie, la maîtrise de l’enherbement, l’impact sur l’environnement…

Dans le cadre de son programme d’amélioration variétale, eRcane a sollicité l’UMR AGAP (Amélioration génétique et adaptation des plantes méditerranéennes et tropicales) et en particulier l’équipe qui s’intéresse à la génétique de la canne à sucre.

Cette collaboration a pour but de réaliser des travaux d’analyses génétiques pour renforcer la maîtrise technologique et stratégique du programme d’obtentions variétales d’eRcane en testant l’intégration de méthodologies ou technologies novatrices susceptibles de renforcer l’efficience de ses méthodes de création et de sélection variétales.

De nouvelles avancées sont possibles grâce au séquençage récent du génome de la canne. En effet, la canne à sucre était la dernière grande plante cultivée qui n’avait pas son génome séquencé. En cause : la complexité redoutable de ce génome avec ses 10 à 12 copies de chaque chromosome, là où la plupart des autres plantes n’en ont que 2. Ce travail a été accompli par une équipe internationale coordonnée par celle du Cirad en charge de cette thématique. L’amélioration variétale de la canne va donc pouvoir « moderniser » ses méthodes.

Les travaux actuels portent sur :

  • Des modélisations génétiques de caractères agronomiques pour l’obtention d’enseignements utiles à l’optimisation de la conduite du schéma de sélection ;
  • Des modèles mathématiques novateurs pour corriger les risques d’hétérogénéités spatiales au sein des essais variétaux et d’améliorer les précisions expérimentales des décisions de sélection ;
  • Des contrôles de légitimité de généalogies et des études de compatibilités biologiques entre géniteurs en appui au programme d’hybridation ;
  • Des travaux de marquage moléculaire de régions du génome porteuses de gènes d’intérêt agronomique ;
  • Des modèles statistiques de prédictions génomiques de performances agronomiques de variétés soumises à sélection.

L’objectif final pour eRcane est de mettre en place de nouveaux processus qui entraîneront une réduction de la durée du schéma de sélection et en conséquence une accélération du progrès génétique.

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Tout au long de ces années, le programme d ‘amélioration variétale d’eRcane a contribué pour au moins 50 % à l’amélioration de la productivité au champ qui est passée de moins de 3 tonnes de sucre par hectare en 1920, à environ 9 tonnes aujourd’hui. Des progrès sont encore possibles dans ce domaine et les méthodes innovantes qui seront développées dans le cadre de ces études nous permettront certainement de passer un nouveau cap.

Illustration sur ces cinquante dernières années :

Évolution des rendements en sucre/ha 
(moyenne sur les périodes)

Le rendement de sucre par hectare a progressé de 25 % depuis les années 70, grâce aux progrès des méthodes de culture aux progrès de la recherche variétale. 

Bernard Siegmund, Directeur général de l'eRcane