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A La Réunion, la conjonction des obligations de la PPE, des nouveaux plans de développement agricole, de la crise du sucre et de ses conséquences sociales, conduisent à se tourner vers la biomasse. D’autant que la loi de 2015 qui prône l’autonomie énergétique dès 2030 en fait un passage obligé du mix énergétique. Analyse de Dominique Martin-Ferrari, Directrice de la rédaction de Métamorphoses Outremers.
Une belle prévision sur le papier
Sur le papier, le recours à la biomasse remplit tous les espoirs et s’inscrit comme la solution finale à la substitution du charbon importé soit 650 000 tonnes pour faire tourner les deux centrales Albioma du Gol et de Bois Rouge qui fournissent 56% de l’électricité réunionnaise. Malheureusement sur le terrain, il en est tout autrement, et l’on sent le sujet politiquement sensible puisqu’il remet en question le débat sur les subventions de la canne qui couvre 60% de la surface et fait vivre 30 000 emplois directs ou indirects.
« La Réunion ne fournit que 5% de la biomasse dont elle a besoin » rappelle Eric Jeuffraut directeur du CIRAD. Le Directeur de l’Office national des Forêts (ONF) est plus optimiste et parle de 30%, tout en restant scrupuleusement garant de la protection des forêts, « remparts contre les glissements de terrains, des ressources hydrologiques et du recul du trait de côte sur la côte ouest ». Pour atteindre ce chiffre, il ajoute 100 à 114 000 tonnes de déchets verts, les produits de la lutte contre les envahissantes, la bagasse et les ressources provenant des éclaircies des bois d’œuvre (les « bois de couleurs »). Pour stabiliser durablement l’usage de cette biomasse, il souligne qu’il faudra auparavant développer les filières. Celle des scieurs pourrait donner naissance à un bassin de 8 000 emplois. Mais même dans ce cas, on ne répond pas aux besoins d’Albioma.
Les conflits d’usages autour du foncier réunionnais redistribuent les cartes. Protection des boisements et tourisme, développement de nouvelles filières agricoles, urbanisme galopant laissent peu de place aux projets biomasse. Certes il reste des friches, des possibilités de réhabilitation des sols, de plantations à rotation rapide mais il n’est pas certain que tout cela, additionné, vienne nourrir les deux gloutons censés sortir bientôt du charbon que sont les deux centrales Albioma.
Alors faut il importer ?
Du CIRAD au Conseil économique et social réunionnais en passant par l’ONF, on évoque l’importation de plaquettes de bois depuis le Mozambique, l’Afrique du Sud ou l’Asie du Sud-est. Or en termes de lutte contre le CO2 ce n’est pas une solution, à tel point que l’ancien secrétaire d’État à la Transition écologique, Sébastien Lecornu, lors de son passage dans l’île à l’automne dernier avait déclaré « moi présent, il n’y aura pas d’importation de plaquette ». Certes il depuis a changé de Ministère, mais ces responsabilités à l’aménagement du Territoire doivent sans doute maintenir ses exigences.
Dans la configuration actuelle, Albioma serait obligé d’acheter au moins 70% de ses besoins, à moins comme le suggère le syndicat des énergies renouvelables par la voix de Jerôme Billerey (SER/DOM), que l’on considère que « la conversion des centrales charbon en biomasse est une excellente chose pour l’environnement, mais moins pour l’autonomie du territoire puisqu’une partie majoritaire de cette biomasse sera importée ». « Alors pourquoi ne pas remettre en question le raisonnement de la loi de transition énergétique qui nous pousse à adopter ces modèles, et partir des ressources locales pour construire un MIX énergétique de long terme ? », soutien par exemple l’Ademe.
Et ce d’autant qu’Albioma qui s’engage sur la voie de l’innovation pourrait continuer d’utiliser les surplus de bagasse puisqu’il vient d’ouvrir une TAC (turbine à combustion) fonctionnant au bioéthanol de canne à sucre à Saint-Pierre. Sous sa marque, ‘Galion 2’ à La Martinique devient la première centrale 100% bagasse/biomasse en Outre-mer français et à Saint-Pierre à La Réunion, la turbine à combustion sera la première centrale du monde fonctionnant au bioéthanol. Peut être aussi une des réponses futures aux questions de la mobilité dans l’Île.
Dominique Martin-Ferrari, Métamorphoses Outremers.