Dans un rapport publié à la fin octobre, la Cour des comptes se penche sur « l’emploi touristique en Outre-mer ». Si elle reconnaît l’importance vitale de ce secteur pour le développement socio-économique des territoires ultramarins, elle pointe de nombreuses difficultés structurelles : manque d’attractivité, précarité des conditions de travail, insuffisance des compétences et absence de données statistiques fiables, entre autres. En conséquence, la Cour recommande un meilleur accompagnement des pouvoirs publics et le développement d’un tourisme vert et durable comme nouvelle opportunité économique.
« Avec une activité marquée par 10,6 millions de passagers aériens (hors trafic intérieur) en 2019, année de référence, correspondant à 2,7 millions de touristes, et 2,5 milliards d’euros de dépenses, auxquels s’ajoutent 2,2 millions de croisiéristes, le tourisme représente un secteur d’activité important pour l’économie des Outre-mer. Malgré la « signature touristique » forte de chacun de ces territoires, le constat peut être fait que le potentiel touristique ultramarin national reste sous-exploité », débute le rapport de la Cour des comptes.
Ce paradoxe résulte de plusieurs facteurs, d’après le document : les métiers du tourisme souffrent d’un manque d’attractivité, en raison de salaires peu élevés, de conditions de travail difficiles et d’une image peu valorisante. S’y ajoute un déséquilibre entre les compétences disponibles et les attentes des employeurs. Le phénomène est accentué par le vieillissement démographique et le départ des jeunes vers d’autres régions. En outre, les collectivités ultramarines sont pénalisées par l’absence de données fiables sur l’emploi touristique, alors même que ce secteur représente un enjeu stratégique pour elles, tant sur le plan économique que pour l’identité et la mise en valeur de leurs territoires.

Ainsi, selon la Cour des comptes, les Outre-mer ont besoin d’un meilleur accompagnement public pour évaluer plus précisément les effets du tourisme, notamment sur l’emploi, afin d’améliorer leurs stratégies. Le rapport déplore que les aides nationales à l’emploi et à la formation soient mobilisées localement, mais sans ciblage spécifique pour ce secteur. En outre, il observe que la politique de l’emploi et de la formation est mal adaptée au tourisme dans ces territoires, en raison de la diversité et de la dispersion des acteurs, ce qui nuit à l’efficacité de l’organisation et du pilotage.
Dans cette optique, la Cour formule deux recommandations : « avant fin 2026, permettre la mise à disposition des collectivités locales et territoriales d’Outre-mer, d’une méthodologie de statistique publique, assorties d’indicateurs contemporanéisés et consolidés sur l’emploi touristique ultramarin » ; et « se doter, dès 2026, d’outils permettant de mesurer la part des dispositifs et des dépenses de la politique de l’emploi bénéficiant au secteur touristique en Outre-mer ».

Le rapport souligne que la relance de l’attractivité des métiers liés au tourisme, dans leur diversité, reste une priorité essentielle. Par ailleurs, l’offre de formation doit évoluer en fonction des besoins émergents, en s’appuyant sur une structuration sectorielle renforcée et sur des dispositifs existants tels que les accords régionaux d’engagement pour le développement de l’emploi et des compétences. Il revient aux acteurs institutionnels, notamment l’État et les régions, de concevoir des parcours de formation variés et de qualité. Ces formations doivent permettre de constituer une main-d’œuvre ultramarine maîtrisant les fondamentaux des métiers du tourisme, « mais aussi d’accompagner les mutations déjà amorcées vers la transformation digitale et la mise en œuvre d’un tourisme durable », ajoute le document.
D’après la Cour des comptes, le tourisme durable représente une opportunité, une « mutation souhaitable » et un « nouveau modèle économique et outil de marketing territorial ». Un lien étroit a en effet été établi entre la mise en place de formations professionnelles ciblées et la création de nouveaux emplois, notamment l’évolution écologique des postes existants dans le secteur touristique. Dans cette approche, le tourisme durable ne résulte plus d’une simple exploitation standardisée des richesses d’un territoire, mais devient un véritable projet de développement, soucieux de préserver l’environnement et de valoriser les populations locales. Ce modèle ouvre ainsi l’accès à de nouvelles fonctions utiles pour les habitants, en phase avec les enjeux contemporains.

L’implication active des populations ultramarines dans l’économie locale rend nécessaire une approche du tourisme durable fondée sur des diagnostics territoriaux approfondis, préconise le rapport. Ces analyses doivent porter sur les services publics, les infrastructures, les offres et prestations valorisant les ressources naturelles, la digitalisation des services touristiques, ainsi que l’adaptation des normes du secteur aux enjeux environnementaux. Les multiples points de convergence entre tourisme et développement durable exigent d’identifier les domaines d’activité et les métiers communs, afin d’en tirer des enseignements pour la gestion anticipée des emplois. Cela implique notamment la mise en place d’une gouvernance structurée et une coordination efficace entre les acteurs.
« Les Outre-mer ont entrepris un travail de diagnostic, pour lequel un appui renforcé de l’État pourrait être bénéfique, compte tenu des nombreux domaines opérationnels que couvrent ensemble le développement durable et le tourisme. Dans ce cadre, l’appui de l’État pour coupler les investissements dans le décarboné et la transition écologique avec des filières de formation aux nouveaux métiers ou aux métiers verdis semble nécessaire », précise la Cour des comptes.
PM























