Emmanuel Macron a nommé Premier ministre son ministre des Armées, Sébastien Lecornu, ce mardi 9 septembre. À 39 ans, il succède à François Bayrou, tombé la veille à l’Assemblée nationale, et devient le cinquième chef du gouvernement depuis 2022.
Jeune maire de Vernon en 2014, président du Conseil départemental de l’Eure, sénateur, secrétaire d’État, ministre : À moins de 40 ans, Sébastien Lecornu affiche une carrière politique déjà impressionnante. Après le Ministère des Outre-mer de 2020 à 2022 et le prestigieux Ministère des Armées depuis 2022, Sébastien Lecornu accède désormais à Matignon.
Avec Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, qu’il a côtoyé à l’UMP puis chez Les Républicains, Sébastien Lecornu fait partie des premiers transfuges de la droite LR à avoir rejoint Emmanuel Macron, en 2017. Soutien de Bruno Le Maire à la primaire de la droite, puis directeur de campagne adjoint de François Fillon, il démissionne le 2 mars 2017 quand ce dernier est convoqué par la Justice.
Quelques mois plus tard, il entre dans le premier gouvernement d’Emmanuel Macron, en tant que secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique. Sébastien Lecornu retrouve alors Gérald Darmanin -ministre de l’Action et des Comptes publiques-, Franck Riester, Thierry Solère et bien sûr Bruno Le Maire. Tous sont, en 2017, exclus du parti Les Républicains pour avoir rejoint Emmanuel Macron.
Plutôt discret et moins clivant que le médiatique Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu gagne vite la confiance du chef de l’État et est nommé, en 2020, ministre des Outre-mer. Succédant à Annick Girardin, il récupère alors le très sensible dossier calédonien, en lien direct avec Emmanuel Macron. Une rupture depuis 1988 et Michel Rocard, puisque c’est traditionnellement le Premier ministre qui porte le dossier calédonien.
Sébastien Lecornu aura notamment pour mission d’organiser deux référendums, ceux de 2020 et 2021, et de maintenir le dialogue déjà difficile entre indépendantistes et non indépendantistes en créant le groupe « Leprédour », réunissant les principaux leaders politiques calédoniens, mais qui se réunira qu’une fois. Si son bilan sur le dossier calédonien est salué par une partie de la droite non indépendantiste calédonienne, de l’autre côté de l’échiquier politique, chez les indépendantistes, Sébastien Lecornu restera celui qui a maintenu le troisième référendum d’autodétermination, malgré l’opposition et le boycott de ces derniers.
Les indépendantistes calédoniens et les non indépendantistes centristes lui reproche aussi sa proximité avec une partie de la droite non indépendantiste, notamment le jeune maire de La Foa, Nicolas Metzdorf, qu’il poussera à se présenter aux législatives en 2022, et la présidente de la province Sud Sonia Backès. Sébastien Lecornu va aussi remettre un rapport sur les conséquences du « oui » et du « non » à l’indépendance. Un document, là encore, loué d’un côté, rejeté de l’autre.
Lors de son passage aux Outre-mer, Sébastien Lecornu devra également répondre à la crise sanitaire du Covid-19, qui s’est mue en crise sociétale aux Antilles en novembre et décembre 2021. Des émeutes éclatent alors sur fond d’une obligation vaccinale rejetée par une partie de la population. Si le ministre s’est rendu, deux ans durant, sur l’ensemble des territoires ultramarins, c’est surtout la Nouvelle-Calédonie et Mayotte qui enregistrent le plus grand nombre de visites.
Au lendemain de la présidentielle de 2022, Sébastien Lecornu est promu ministre des Armées. Et preuve qu’il demeure proche du président de la République, il ne quittera pas ce poste malgré la crise politique et l’instabilité de ce second mandat d’Emmanuel Macron, marqué par la dissolution, la chute du gouvernement Barnier et celle plus récente de François Bayrou. Sébastien Lecornu est d’ailleurs déjà plusieurs fois cité pour occuper le poste de Premier ministre.
À l’hôtel de Brienne, Sébastien Lecornu prend une dimension certaine, à la fois dans le cercle restreint d’Emmanuel Macron et dans l’équipe gouvernementale. Durant son mandat, il se confronte à la guerre en Ukraine, à la fragilisation de l’OTAN avec l’arrivée de Donald Trump, ou encore aux appétits grandissants des grandes puissances sur l’Indopacifique.
Sébastien Lecornu participe notamment au « Shangri-La Dialogue » de Singapour pour affirmer la présence française dans l’Indopacifique, et réunit en décembre 2023 en Nouvelle-Calédonie un sommet régional des ministres de la Défense de l’Asie-Pacifique. Il se rend aussi dans plusieurs pays de la région, notamment aux Philippines, en Indonésie et en Malaisie. Le Ministère des Armées permet à Sébastien Lecornu de continuer à garder un pied en Outre-mer.
À titre d’exemple, il mobilise l’armée dans la reconstruction de Mayotte après le passage du cyclone Chido. Dans un livre intitulé « Vers la guerre ? La France face au réarmement du monde », le ministre des Armées souligne la place des Outre-mer dans les défis stratégiques et sécuritaire du pays, notamment contre le narcotrafic, les flux migratoires, le terrorisme, la pêche illégale, l’orpaillage ou encore, les ingérences étrangères.
Il avait notamment annoncé un effort majeur pour les Outre-mer dans la loi de programmation militaire 2024-2030, avec 13 milliards d’investissements en capacités maritimes et aériennes de surveillance et une augmentation des effectifs militaires dans les territoires.
En nommant Sébastien Lecornu, Emmanuel Macron choisit donc un de ses fidèles pour diriger le gouvernement et présenter un budget solide et répondant à la crise financière française. À la différence de François Bayrou, Gérald Darmanin ou Gabriel Attal, Sébastien Lecornu se veut plus discret et trace son chemin politique dans le sillage d’Emmanuel Macron, sans remettre en question ce dernier, même implicitement.
Le profil du ministre des Armées fait naturellement l’unanimité à droite -à en croire les différentes réactions des parlementaires LR à l’évocation de son nom-, mais nettement moins, voire pas du tout, à gauche. Ce qui rendra la tâche du nouveau locataire de Matignon aussi compliquée que ses prédécesseurs dans ce contexte d’instabilité inédit dans la 5ème République, d’autant que le RN l’assure : il censurera si la politique du gouvernement n’est pas conforme à ces exigences.
Autre désavantage pour le nouveau Premier ministre : sa proximité avec Emmanuel Macron, qui en fait une cible privilégiée des oppositions. « Le Président tire la dernière cartouche du macronisme, bunkerisé avec son petit carré de fidèles. Après les inéluctables futures élections législatives, le Premier ministre s’appellera Jordan Bardella » a d’ailleurs réagi Marine Le Pen. Une nomination d'autant plus sensible à la veille d'une mobilisation contre la politique du gouvernement.
Reste également à savoir si l’actuel ministre d’État, ministre des Outre-mer, Manuel Valls, restera en poste. Selon un communiqué de l’Élysée, Emmanuel Macron « a chargé de consulter les forces politiques représentées au Parlement en vue d’adopter un budget pour la Nation et bâtir les accords indispensables aux décisions des prochains mois ».Sébastien Lecornu devra proposer un gouvernement à la suite de ces discussions.
« L’action du Premier ministre sera guidée par la défense de notre indépendance et de notre puissance, le service des Français et la stabilité politique et institutionnelle pour l’unité du pays. Le Président de la République est convaincu que sur ces bases une entente entre les forces politiques est possible dans le respect des convictions de chacun » conclut l’Élysée.