Le chef de l’État, en visite officielle en Guyane, a fait quelques annonces avant de rejoindre le Brésil pour poursuivre sa tournée sud-américaine et amazonienne. Routes, orpaillage, spatial, institutionnel ou encore immigration : retour sur ces annonces faites lors d’une interview accordée aux médias Radio Peyi, France Guyane et Guyane La 1ère.
Fait divers qui a chamboulé le programme du président de la République, l’incendie survenu dans la nuit de lundi à mardi, dans un squat à Cayenne, et qui a fait trois victimes, a été évoqué lors de cet entretien depuis Kourou. « La Guyane fait partie des quelques territoires français qui sont aujourd'hui sous très forte pression migratoire » a déclaré le chef de l’État.
Adaptation des règles face à l’indivision
Ce quartier d’habitat informel, essentiellement peuplé de ressortissants haïtiens, permet à Emmanuel Macron d’affirmer sa volonté de « renforcer notre lutte contre l'immigration clandestine, de la durcir, de continuer à nous donner plus de moyens, ce qu'on a fait ces dernières années, et de renforcer la coopération avec les pays frontaliers » : Brésil, Surinam, Guyana ou encore, Haïti qui connaît une grave crise politique, institutionnelle et sécuritaire. « On aura de la pression parce que le contexte géopolitique fait qu'il y aura beaucoup de réfugiés », a-t-il ajouté, assurant par ailleurs que sur le cas haïtien, « la France y est engagée aux côtés de la communauté internationale pour la régler parce qu'il faut prévenir ces mouvements ».
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Outre le contexte régional, Emmanuel Macron a pointé les « situations très particulières », notamment les biens en indivision « aujourd'hui occupés par des squats ». Le président appelle à une adaptation des règles pour « permettre à la commune de récupérer ces espaces pour éviter que ce soient des squats. Et lorsque l'indivision n'arrive pas à se régler, pouvoir les sécuriser, les viabiliser et pouvoir surtout leur redonner des projets ». Emmanuel Macron promet aussi d’« intensifier la production de logement en Guyane ».
Parmi les sujets de l’aérospatial en Guyane, le président est revenu sur le projet de lancement de « micros et mini lanceurs », « une prouesse technologique avec 4 startups qui ont été sélectionnées dans France 2030 et qui vont mener leurs travaux aussi en direct avec le centre spatial guyanais et permettent de créer de l'activité et donc des retombées pour le territoire ».
Une « piste améliorée » entre Papaïchton et Apatou
Sur les infrastructures, et plus précisément la construction de routes, a minima de pistes, dans l’Ouest guyanais, Emmanuel Macron est revenu sur la route du fleuve, entre Saint-Laurent du Maroni et Papaïchton, sur laquelle « 9 millions sont déjà engagés, seraient complétés » a-t-il rappelé, annonçant des « crédits » complémentaires pour la finaliser. « Ce seront au total 30 millions d'euros qui vont être mis sur ce tronçon ».
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Il annonce aussi une seconde route de 150 km entre Papaïchton et Apatou. « Ce que j'ai demandé, c'est que, dans les deux mois qui viennent, le génie militaire nous fasse une étude et nous propose la possibilité de tracer au moins une piste améliorée. Ce qui nous permettrait, là aussi en bousculant un peu les codes, en bousculant les normes, en sachant réfléchir différemment, de faire dans un délai qui est espérable avec les choses qu'on a su faire par le passé ».
Nouvelle stratégie Harpie
Sujet « clé » pour Emmanuel Macron, « la lutte contre l’orpaillage illégal ». « On a intensifié avec des vrais résultats et on va continuer d'intensifier les choses et elle nourrit aussi de la délinquance » a-t-il assuré, ajoutant avoir « demandé deux choses dans les trois mois qui viennent » : l’élaboration d’une « nouvelle stratégie Harpie », et « d'ici deux mois, (…) une nouvelle stratégie de lutte contre la criminalité parce qu'elle doit s'adapter aux nouvelles filières transfrontalières ». Sur cette nouvelle mouture de l’opération Harpie, Emmanuel Macron veut « qu'on déploie des nouveaux moyens (…) : des caracals qui vont être absolument essentiels en 2025 » et « aussi des drones ». « Je veux qu'on améliore notre réponse en termes de procédures pénales, en termes de moyens, dans la lutte contre l’orpaillage illégal », a-t-il insisté.
Institutionnel : Quatre mois pour « un projet qui suppose une réforme de la Constitution »
Parmi les autres sujets évoqués lors de sa visite et dans cette interview : l’évolution institutionnelle et statutaire. Emmanuel Macron a ainsi confirmé l’ouverture pour les deux prochains mois d’un travail sur l’adaptation des normes en Guyane, possibilité de l’article 73 de la Constitution que ce territoire n’aurait pas encore mis en œuvre. « Je suis pour de l'adaptation des règles, plus de souplesse donnée à vos élus et plus de déconcentration pour que le préfet puisse faire des choses adaptées au terrain » a-t-il assuré.
Au-delà, sur « quatre mois », « on regarde ensemble sur quoi les règles existantes dans la Constitution ne permettent pas de répondre aux projets qu'on porte. Et à ce moment-là, s'il y a un projet qui suppose une réforme de la Constitution, moi, j’y suis tout à fait prêt », a poursuivi le chef de l’État. « Il faut qu'il soit pensé, conçu ensemble et ensuite il faut qu'il donne lieu à un débat en Guyane et que l'ensemble des forces politiques, la population s'y retrouvent et qu'elles le portent. Si c'est porté par les Guyanaises et les Guyanais, si on considère que ça répond à ce dont on a besoin, je serai à vos côtés pour le présenter au Congrès ».
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Emmanuel Macron s’est montré toutefois critique, voire cinglant, à l’égard de l’autonomie revendiquée par certains élus guyanais, le président de la Collectivité territoriale Gabriel Serville, en tête : « Moi, je suis frappé d'un débat public qui a le mot « autonomie » à la bouche dès qu'il s'agit de parler de moins de problèmes. Mais dès que le problème est sérieux, on se tourne vers l'État et la puissance publique », a-t-il fustigé.