Regards d'Actu avec Corinne Narassiguin : "La Nouvelle-Calédonie doit avoir un statut très particulier, un statut nouveau qui n'existe pas encore dans la République aujourd'hui"

Corinne Narassiguin, originaire de La Réunion et sénatrice socialiste de la Seine-Saint-Denis, entend s'imposer comme une voix essentielle sur des dossiers complexes tels que la Nouvelle-Calédonie, le droit du sol à Mayotte et les relations entre la police et la population. Lors d’un entretien avec Regards d'Actu, elle est revenue en détail sur son action et ses engagements.

 

Nouvelle-Calédonie : Un dialogue à reconstruire

La situation en Nouvelle-Calédonie reste fragile après les émeutes de mai dernier. Corinne Narassiguin insiste sur la nécessité de renouer avec le cadre des accords de Matignon et de Nouméa pour garantir un dialogue constructif. "On a craint que tout vole en éclats, mais il y a un espoir réel que les Néo-Calédoniens veulent retrouver le sens de ce destin commun", affirme-t-elle, soulignant l’importance de la réconciliation et du processus d’autodétermination.

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Selon elle, la mission principale est de redonner confiance aux différentes parties prenantes : "On voit qu'en réalité, il y a des choses qu'on avait manquées, qu'on n'avait pas réussi à faire correctement. Nous avons su avancer sur le transfert de compétences institutionnelles, mais nous n’avons pas suffisamment construit au niveau économique et social, notamment pour la jeunesse."

La sénatrice rappelle également le rôle clé du Sénat dans ce dossier : "Nous avons la réputation d’être une chambre qui connaît bien le sujet, qui le traite avec sérieux et avec un véritable sens de l’écoute." "En tant que socialiste, je crois que les socialistes auront une responsabilité particulière dans ce dossier, parce que les accords de Matignon, c'était avec Michel Rocard, les accords de Nouméa, c'était avec Lionel Jospin. On doit s'inscrire dans cette lignée-là, celle qui a permis de faire la paix, de trouver un processus qui permet à la Nouvelle-Calédonie d'affirmer son identité, sa singularité, par rapport à cette histoire compliquée. et aussi se construire un avenir qui accepte le destin commun des néo-calédoniens et donc la totalité de son histoire de peuplement et aussi ces étapes de la colonisation de peuplement qu'il y a eu en Nouvelle-Calédonie". 

Pour Corinne Narassiguin, un nouveau lien entre la France et la Nouvelle-Calédonie doit se créer. "J'espère qu'on trouvera ce point d'équilibre, qui est à la fois reconnaître que le droit à l'autodétermination reste plein et entier, mais aussi reconnaître que, quoi qu'il arrive, le lien entre la Nouvelle-Calédonie et la France doit rester. Ensuite, c'est l'accord qui doit définir la nature de ce lien. Nos histoires restent maintenant des histoires qui sont entremêlées. A nous de trouver la forme institutionnelle que doit prendre cette relation entre la France et la Nouvelle-Calédonie en allant vers une forme quand même de reconnaissance. La Nouvelle-Calédonie doit avoir un statut très particulier, un statut nouveau qui n'existe pas encore dans la République aujourd'hui"

Mayotte : Un droit du sol en question

S’opposant à la proposition de loi visant à restreindre le droit du sol à Mayotte, Corinne Narassiguin plaide pour une approche plus large et cohérente du problème migratoire. Elle souligne que cette mesure ne résoudra pas les difficultés structurelles du territoire et pourrait ouvrir la porte à des restrictions similaires ailleurs en France.

"Il n’y a aucun lien démontré entre le droit du sol et l’immigration irrégulière à Mayotte", insiste-t-elle. "Nous pensons que cette proposition de loi est inutile et constitue un écran de fumée. Elle ne résoudra aucun problème réel."

Elle s’inquiète par ailleurs des conséquences de cette réforme : "Si nous acceptons une exception pour Mayotte, qu’est-ce qui empêchera demain de l’appliquer à la Guyane, puis à des départements de l’Hexagone comme la Seine-Saint-Denis ?" Elle craint ainsi une remise en cause progressive du droit du sol en France.

Par ailleurs, la sénatrice appelle à des efforts en matière de développement : "Il est urgent d’investir massivement à Mayotte pour que ce département soit traité comme n’importe quel autre territoire français et ne soit pas laissé dans la précarité."

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Réforme des contrôles d’identité : Vers une police républicaine

Autre cheval de bataille de la sénatrice : la lutte contre les contrôles d’identité discriminatoires. Elle porte une proposition de loi visant à introduire un récépissé obligatoire lors de ces contrôles et à imposer l’enregistrement systématique via des caméras-piétons. "Ces contrôles sont devenus le symbole des dysfonctionnements entre la police et toute une partie de la jeunesse présumée d'origine étrangère", déplore-t-elle. "Il y a des études qui montrent que beaucoup de policiers eux-mêmes se demandent pourquoi on leur fait faire autant de contrôles d’identité inutiles. Cela nuit à leur image et à leur efficacité."

La sénatrice propose également de modifier le Code de procédure pénale afin de restreindre les contrôles d’identité aléatoires aux situations nécessitant un impératif de sécurité : "On ne peut pas accepter qu’un jeune soit contrôlé simplement parce qu’il marche dans la rue. Ces pratiques alimentent un climat de défiance entre la police et la population."

Elle insiste enfin sur la nécessité d’une police mieux formée et recentrée sur ses missions essentielles : "Les familles dans nos quartiers veulent plus de police, mais une police républicaine qui protège, et non une police qui harcèle leurs enfants."

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Un combat constant contre les inégalités

Fidèle à ses engagements, Corinne Narassiguin entend poursuivre son travail sur les droits des étrangers, la lutte contre les discriminations et les questions de sécurité. "Je vais continuer à me battre contre les multiples propositions de loi venant de la droite sur les questions d'immigration et de nationalité", assure-t-elle.

Concernant l’évolution du Sénat, elle regrette une droitisation croissante : "Le Sénat devrait être une chambre qui modère et stabilise les débats politiques, mais on voit malheureusement une dérive vers des positions plus extrêmes."

Malgré ces obstacles, elle reste déterminée : "Je veux porter des propositions de loi ambitieuses pour garantir un État de droit fort et juste, et une société où chacun trouve sa place."

Son action s’inscrit dans une vision plus large de justice sociale et d’égalité des droits, avec pour ambition de faire du Sénat un lieu de stabilité et de dialogue dans un contexte politique incertain.