Nouvelle-Calédonie : Manuel Valls appelle à « saisir l'opportunité » de l'accord de Bougival

Manuel Valls en bilatérale avec la délégation du FLNKS, ce mercredi à Nouméa ©DR

Nouvelle-Calédonie : Manuel Valls appelle à « saisir l'opportunité » de l'accord de Bougival

En déplacement en Nouvelle-Calédonie, le ministre des Outre-mer Manuel Valls a exhorté mercredi à « saisir l'opportunité historique » de l'accord de Bougival sur l'avenir du territoire, signé en juillet mais fragilisé par le rejet des indépendantistes du FLNKS qui, après des bilatérales autour du ministre, a réitéré son opposition au texte.

« L'accord de Bougival est une opportunité historique, saisissez-là », a lancé Manuel Valls dans la matinée devant le Sénat coutumier, également critique vis-à-vis du texte, se disant « convaincu qu'il n'y a pas d'alternative crédible ». Le président du Sénat, Eloi Gowé, a lui estimé qu'il était « urgent, en s'inspirant de ces demi-échecs (de Bougival et de Deva en mai, ndlr), de proposer un nouveau cadre de discussion et une nouvelle approche ».

Le ministre des Outre-mer a ensuite rencontré à huis clos une délégation du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), le principal mouvement indépendantiste de Nouvelle-Calédonie, qui a rejeté la semaine dernière l'accord de Bougival.

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La discussion a duré deux heures et demie. À la sortie, la délégation composée de membres du bureau politique du Front n'a pas souhaité faire de déclaration. Elle doit d'abord rendre compte au président du mouvement, Christian Tein, chargé de « superviser les discussions avec l'État » mais sous contrôle judiciaire et interdit de séjour en Nouvelle-Calédonie.

Dans un communiqué finalement publié à l’issue de l’entretien, la délégation a réaffirmé son opposition au texte « qui ne constitue en rien une garantie de stabilité pour l’avenir » et « prolongerait une nouvelle forme de colonisation ». La délégation du FLNKS reçue par le ministre, qui n’est pas celle qui a signé l’accord en juillet dernier, maintien son souhait d’un « accord de Kanaky » faisait accéder l’archipel à la pleine souveraineté avant 2027.

« Affirmer que sans Bougival le pays plongerait dans le néant est une contre-vérité », a martelé le FLNKS qui s'appuie sur l'accord de Nouméa toujours en vigueur. Le Front répète aussi son refus de « tout report des élections provinciales », initialement prévues pour fin novembre au plus tard. Paris souhaite toutefois les reporter à mai 2026, après la consultation sur l’accord de Bougival prévue en février prochain. 

L'accord de Bougival (Yvelines), conclu le 12 juillet après plusieurs jours de négociations entre l'État, les indépendantistes et les loyalistes, prévoit lui la création d'un État de Nouvelle-Calédonie doté d'une nationalité propre et qui pourrait obtenir plusieurs compétences régaliennes tout en restant inscrit dans la Constitution française.

Validé par l'ensemble du camp non-indépendantiste, par l'Éveil océanien - formation charnière « ni ni »- ainsi que par les indépendantistes du Palika et de l'UPM, qui ont pris leurs distances avec le FLNKS il y a un an, il a été rejeté par ce dernier, qui demeure le principal mouvement pro-indépendance du territoire.

Accord fragilisé

Avant son départ de Paris, Manuel Valls avait averti que « sans accord, sans stabilité politique, il n'y aura pas de repreneurs pour le nickel, la pénurie de soignants perdurera et les inégalités continueront de se creuser » dans le territoire français du Pacifique.

En réponse, le FLNKS a dénoncé dans un communiqué les « leçons de responsabilité » données par l'État et estimé que le ministre des Outre-mer engageait un « rapport de force (...) alors que le pays est sous perfusion depuis plusieurs années et que les inégalités n'ont fait que se creuser depuis des décennies ».

Mercredi, Manuel Valls a aussi reçu mercredi les représentants Les Loyalistes et Le Rassemblement-LR, aile dure de la droite non indépendantiste. « Le ministre est déterminé à poursuivre le chemin validé par la majorité », a salué Virginie Ruffenach, du parti Rassemblement-LR.

Au cours de cette première journée, le ministre des Outre-mer a aussi échangé avec des responsables de terrain mais seuls 14 des 33 maires avaient fait le déplacement, plusieurs élus FLNKS étant absents. « Certaines communes ont dû fermer leurs centres d'action sociale », a alerté Pascal Vittori, maire non-indépendantiste de Boulouparis tandis que Patrick Robelin, le maire de Bourail, a mis en garde contre « un risque d'explosion sociale ».

Le déplacement du ministre intervient dans un climat encore marqué par les émeutes de mai 2024, déclenchées par le projet de réforme électorale, qui avaient fait 14 morts et coûté plus de deux milliards d'euros de dégâts et au moins 10% de PIB à la Nouvelle-Calédonie.

Depuis sa nomination en fin d'année dernière, Manuel Valls a multiplié les déplacements pour relancer le dialogue qui était rompu depuis ces émeutes. En mai, à Deva (Nouvelle-Calédonie), une première tentative avait échoué avant que l'accord de Bougival ne voie le jour deux mois plus tard.

Durant sa visite de quatre jours, Manuel Valls doit rencontrer les présidents de province, les maires, des responsables coutumiers et syndicaux ainsi que des acteurs économiques. Le programme prévoit notamment un déplacement jeudi dans le Nord, marqué par une pénurie de soignants depuis les émeutes. Avant cela, Manuel Valls doit lancer jeudi le « comité de rédaction » de l’accord de Bougival chargé de « lever toute ambiguïté et clarifier l'esprit de l'accord », selon un courrier envoyé la semaine dernière aux signataires. 

Avec AFP