Les résultats de première étude MELODI ( Mesures locales des discriminations) dans les départements d'Outre-mer ont été présentés ce vendredi 10 décembre en présence d'Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances et de Dominique Sopo. Mené dans 1200 restaurants sur les territoires de Guadeloupe, de Martinique, de La Réunion et de Mayotte, il s'agit de la première étude qui mesure l'ampleur des discriminations dans l'accès à l'embauche pour les candidats ultramarins.
C'est un constat implacable ! Les candidats ultramarins sont systématiquement discriminés par un candidat hexagonal dans le cadre d'une embauche dans un restaurant local. Telle est la conclusion de l'étude Melodi (Mesures locales des discriminations) conduite par Yannick L'horty, directeur de la fédération de recherche TEPP du CNRS au cours du mois de mai 2021. Pour parvenir à ce constat, trois profils de candidats fictifs ont été déterminés : un candidat originaire des DOM, qui a été formé et vit dans son territoire natif, un candidat natif des DOM formé localement et qui vit dans un quartier prioritaire, et un candidat natif de Paris qui vit et qui a été formé à Paris. Les candidats fictifs sont tous âgés de 22 ans, disposent du niveau de formation et du même niveau de formation professionnelle. Le choix de la restauration comme lieu d'enquête n'est pas anodin : ce secteur représente l'un des principaux employeurs dans les départements d'Outre-mer et actuellement sous tensions.
« Il y a presque 30% des chances en moins pour les candidats ultramarins de pouvoir être invités à un entretien d'embauche lorsqu'ils candidatent dans l'ensemble de ces restaurants. Les candidats ultramarins sont discriminés également, y compris dans leurs départements d'origine», a indiqué Yannick L'Horty. « C'est une surprise car on ne s'attendait pas à trouver des pénalités aussi fortes et on ne s'attendait pas à qu'elles aient un caractère uniforme sur l'ensemble des territoires», poursuit-il.
Aller vers la prise de conscience des branches
Pour Elisabeth Moreno, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, ce premier testing effectué en Outre-mer est essentiel pour une réelle prise de conscience sur ces discriminations à l'embauche.
« Ce testing est précieux pour faire prendre conscience que l'égalité qui est si chère à nos valeurs républicaines, n'est pas encore réelle et concrète partout. L'emploi est le premier domaine de discriminations de manière générale, que ce soit dans l'Hexagone ou que ce soit dans les territoires d'outre-mer. Je crois beaucoup à la sensibilisation, à la formation, à la prise de conscience de ce qui dysfonctionne pour pouvoir changer les choses. Il faut que les branches prennent conscience, car là on parle d'un secteur qui est en forte tension qui a besoin de recruter, qu'il existe des talents qui veulent s'investir et réussir, il faut leur donner cette possibilité. Former, sensibiliser et sanctionner quand on dépasse les limites»,a-t-elle rappelé.
Proposer des pistes de solutions
Pour Dominique Sopo, président de SOS Racisme, cette étude permet de confirmer un ressenti perçu par une partie de la population des outre-mer. « En général, les discriminations- même si les personnes n'ont pas la preuve d'être discriminées, sont des choses qu'ils vivent au quotidien et se rendent compte qu'il y a un problème, par leur expérience de vie, que le traitement n'est pas similaire entre les uns et les autres. Ce ressenti, il ne faut pas le nier mais la question dans ce type de problématique c'est comment on va plus loin, à partir de ces chiffres, comment on mobilise les acteurs pour qu'ils changent leurs pratiques, comment l'Etat se mobilise pour mettre en place des mécanismes pour faire changer la réalité dévoilée par cette étude ? Il n'a rien de pire que de révéler des problèmes sans qu'il y ait des pistes de solutions, d'actions qui se mettent en place. » affirme-t-il.
Afin de limiter les discriminations à l'égard des ultramarins, l'étude suggère de mettre en place des politiques publiques comme une discrimination positive à caractère économique avec une incitation à embaucher des ultramarins, à l'image des emplois francs. Elle souligne également le rôle de l'éducation avec le développement des formations dans les DOM, ou encore proposer une aide à l'installation aux ultramarins partis faire leurs études dans l'Hexagone pour les inciter à revenir sur leurs territoires.