La France crée « des aires marines protégées où tout est autorisé », selon un chercheur

La France crée « des aires marines protégées où tout est autorisé », selon un chercheur

La France crée énormément d'aires marines protégées (AMP) « où tout est autorisé » mais compte très peu de zones en protection intégrale, qui sont les seules à apporter des bénéfices avérés pour la pêche, souligne Joachim Claudet, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de la durabilité des systèmes socio-écologiques côtiers et marins.

« Les bénéfices des AMP sont largement démontrés dans la littérature scientifique : quand on élimine la mortalité par pêche et la destruction des habitats, les écosystèmes se régénèrent » explique le chercheur dans une interview accordée à l’AFP. « Les poissons, contrairement à beaucoup d'autres animaux, ne cessent jamais de grandir. Donc, si on ne les tue pas, leur capacité à se reproduire, à avoir des œufs, augmente exponentiellement avec la taille ».

Les Aires marines protégées permettent, rappelle-t-il, aux poissons de grandir, « et il y a des effets de débordement des adultes, ou une exportation de larves et d'œufs qui peuvent repeupler les zones avoisinantes pour la pêche ». « Il y aussi un meilleur cycle du carbone qui joue un rôle dans l'atténuation du changement climatique ».

Les AMP ont aussi l’intérêt de créer différentes zones, qui auront différentes vocations, notamment le maintien des activités locales, traditionnelles, en particulier de la petite pêche côtière. « Il y a des bénéfices socio-économiques, montrant qu'on peut maintenir ou augmenter le revenu des pêcheurs ». « Mais pour qu'il y ait des bénéfices pour la pêche en termes de capture ou de revenus, il faut de la protection intégrale, des zones de non-pêche, pour que la pêche en bénéficie » tempère Joachim Claudet qui souligne la nécessité du temps pour en voir les effets.  

La France, 2ème ZEE du monde, « est extraordinaire, elle a déjà atteint l'objectif de 30% d'aires marines protégées » et « quand la France fait quelque chose au niveau de l'océan, selon la qualité de ce qui est fait, ça a un impact au niveau mondial ». Mais dans ces 30%, ce qui est en protection intégrale, « donc les niveaux de protection qui peuvent fournir des bénéfices, c'est à peu près 1,6% », essentiellement dans des territoires lointains, dans les terres australes et antarctiques françaises (TAAF).

« Dans le reste des AMP, il n'y a quasiment rien qui est réglementé. Il n'y a pas de différence entre l'intérieur et l'extérieur » déplore le chercheur qui dénonce aussi « des situations un peu aberrantes ». « En Méditerranée, la France déclare 60% d'aires marines protégées. 60% ! Aucun scientifique, aucun, ne vous dira qu'il faut protéger 60% d'un territoire. Le but, c'est de soutenir nos activités dans l'océan, ce n'est pas de tout protéger ».

« Le problème, c'est que maintenant c'est difficile de faire de réelles aires marines protégées. Parce que ça apporterait énormément de contraintes d'un coup. Il aurait fallu en faire moins, mais mieux. La France s'est tendue un piège toute seule », ajoute-t-il.

Pendant très longtemps, beaucoup de pays ne faisaient pas mieux en termes de protection intégrale. « Mais il y a quand même des pays qui font beaucoup mieux. Par exemple, les États-Unis ont beaucoup plus de protection intégrale que la France (…), l'Allemagne a maintenant comme cible de faire 10% de protection intégrale, le Royaume-Uni et l'Irlande sont en train d'éliminer le chalutage de leurs aires marines protégées », poursuit le chercheur qui conclut : « C'est la stratégie française de faire des aires marines protégées pas comme les autres, où tout est autorisé ».