Rachida Dati, ministre de la Culture : « L’enjeu des restitutions des restes humains est non seulement un sujet diplomatique, mais aussi un enjeu national, pour nos compatriotes des Outre-mer »

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Rachida Dati, ministre de la Culture : « L’enjeu des restitutions des restes humains est non seulement un sujet diplomatique, mais aussi un enjeu national, pour nos compatriotes des Outre-mer »

Ce jeudi 3 octobre 2024, au ministère de la Culture, la France et Madagascar ont officialisé l’installation d’un comité scientifique conjoint pour la restitution des restes humains originaires de Madagascar, conservés dans les collections du Muséum national d’Histoire naturelle. Cet événement historique s’inscrit dans une dynamique plus large d’apaisement des mémoires entre la France et les pays du continent africain, mais pas seulement… Dans les territoires d’Outre-mer, comme en Guyane, des collectifs, des associations ou des descendants réclament également le retour des dépouilles de leurs ancêtres.

 

Ce jeudi matin, rue de Valois, dans le 1er arrondissement de Paris, les visages sont sereins, réjouis, souriants même, malgré la gravité du sujet qui réunit en ce jour ministres, représentants diplomatiques, chercheurs, universitaires et bien d’autres membres des délégations représentant la France et Madagascar. À l’ordre du jour : l’installation du comité scientifique conjoint entre la France et Madagascar sur la restitution des restes humains originaires de Madagascar conservés dans les collections nationales affectées au Muséum national d’Histoire naturelle. 

Présidée par Rachida Dati, ministre de la Culture, et Volamiranty Donna Mara, ministre malgache de la Communication et de la Culture, cette rencontre a marqué un tournant historique et symbolique sur une question plus que sensible. En effet, cette installation pourrait constituer le premier pas vers la restitution des restes humains présumés être ceux du roi Toera et de deux chefs sakalaves, conservés dans les collections nationales du Muséum national d’Histoire naturelle. Cette restitution est attendue de longue date par Madagascar et est la première à pouvoir être réalisée, suite à la loi de décembre 2023 concernant la restitution des restes humains issus des collections publiques. « L’installation de ce comité conjoint procède d’une demande officielle de restitution formulée par les autorités de la République de Madagascar », pouvait-on lire dans une note envoyée par le ministère de la Culture. « Cette réunion représente une mise en œuvre concrète de la loi du 26 décembre 2023. Elle s’inscrit dans la politique menée par le Président de la République depuis 2017, qui fait des restitutions un enjeu d’apaisement des mémoires entre la France et ses partenaires africains ». Une affirmation appuyée par la ministre de la Culture lors de son intervention du jour : « Ce moment est important, car, comme vous le savez, le sujet des restitutions a toujours été très sensible, politiquement et historiquement ».

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Un moment symbolique pour Madagascar et la France

L’installation du comité scientifique conjoint entre la France et Madagascar ne se limite pas à une simple procédure administrative. Elle incarne un acte politique et symbolique fort, visant à apaiser les mémoires des deux nations. « Nous installons aujourd’hui un comité scientifique conjoint qui aura la charge d’examiner la demande de restitution des crânes sakalaves présents dans les collections françaises. Ce moment est un moment historique », a insisté Rachida Dati. 

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Pour Volamiranty Donna Mara, « d'autres échanges, d’autres dossiers devraient être abordés, mais cette installation est une première étape que nous saluons ». Pour Madagascar, cette restitution est bien plus qu’une question de retour de dépouilles. Elle représente une reconnaissance de l’histoire coloniale. « Le gouvernement de Madagascar se réjouit de cette avancée », a indiqué Volamiranty Donna Mara. « C’est un honneur et une reconnaissance pour notre pays, qui voit enfin ces dépouilles rentrer dignement sur leurs terres ». Cette restitution ouvre également la voie à une coopération renforcée entre les deux pays, notamment dans les domaines de la conservation du patrimoine et des échanges muséaux. La signature d’un mémorandum d’entente pour une coopération patrimoniale est venue sceller cette volonté commune de construire une relation durable. 

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Le calendrier de mise en œuvre de ces restitutions n’est pour le moment pas défini. « Nous espérons que cela se fera dès que possible », indique Volamiranty Donna Mara. Le comité scientifique conjoint France-Madagascar aura la lourde tâche de définir les modalités précises de cette restitution. Ce processus implique un travail scientifique et historique approfondi, comme l’a souligné Rachida Dati : « La restitution passe toujours par un travail très approfondi de recherche scientifique mais aussi historique. C’est tout l’enjeu des travaux que mèneront les membres français et malgaches du comité scientifique ». Au-delà de la question des restitutions, cet événement marque le début d’une coopération culturelle renforcée entre la France et Madagascar. Le mémorandum signé ce 3 octobre prévoit des échanges dans le domaine muséal et patrimonial, mais aussi une collaboration scientifique à long terme. La ministre de la Culture a insisté sur l’expertise muséale française, reconnue mondialement : « La France dispose d’une expertise muséale qui est reconnue partout dans le monde, et nous sommes prêts à la partager avec Madagascar ». Les projets envisagés incluent la conservation du patrimoine malgache, des formations pour les conservateurs de musée, et des échanges d’expositions entre les deux pays. « Sur cette base, nous souhaitons que la France et Madagascar puissent développer encore plus de projets », a rajouté Rachida Dati.

Des enjeux de restitutions dans les Outre-mer

Si la restitution des restes royaux malgaches marque une avancée symbolique, elle soulève également des questions plus vastes concernant les territoires des Outre-mer. La Guyane, en particulier, attend des avancées rapides sur cette question. « Nous devons avancer rapidement pour apporter une solution juridique à ces sujets de restitution, tout en respectant les délais nécessaires pour que tout se passe au mieux », a indiqué Rachida Dati, qui a également affirmé être favorable à cette restitution, faisant suite à une demande légitime. « L’enjeu des restitutions des restes humains est non seulement un sujet diplomatique avec nos partenaires, mais aussi un enjeu national, en particulier avec nos compatriotes des Outre-mer. Nous devons respecter la dignité de ces dépouilles et permettre leur retour dans les conditions les plus respectueuses possibles. Les populations concernées aspirent à récupérer les restes de leurs aïeux pour des funérailles dignes, mais cela implique de répondre à des exigences légales et culturelles très précises ». Le cadre législatif mis en place par la loi de 2023 offre de nouvelles perspectives pour ces demandes, même si, pour le moment, les territoires d’Outre-mer français restent dans le flou. 

Néanmoins, la ministre de la Culture a évoqué la mise en place d’un cadre spécifique pour la restitution des restes humains en Guyane ou en Polynésie française, signalant que ce dossier était désormais prioritaire pour son ministère. Les prochaines étapes du comité scientifique seront décisives. Les mois à venir seront cruciaux pour la mise en œuvre de ces restitutions. Le comité scientifique conjoint France-Madagascar jouera un rôle clé dans cette démarche, qui, au-delà de l’aspect patrimonial, vise à rétablir des liens culturels et politiques plus forts entre la France et le reste du monde, mais également entre la France et ses territoires des Outre-mer, à travers cette première initiative qui marque l’Histoire.

 Abby Said Adinani