Bien commun précieux, l'eau suscite des problématiques très marquées en Outre-mer : l'approvisionnement, l'assainissement, la distribution, l'usage, les tarifs... Le CESE examinera à la séance plénière du mardi 25 octobre le projet d'avis "La gestion de l’eau et de l’assainissement dans les Outre-mer" rapporté par Michèle Chay (Groupe CGT) et Sarah Mouhoussoune (Groupe Outre-mer) au nom de la Délégation aux Outre-mer.
En France, la loi du 30 décembre 2006 dispose « le droit à chacun d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous, pour son alimentation et son hygiène ». Or, cette disposition n’est pas appliquée partout en Outre-mer. Le manque d’investissement, la vétusté et la gouvernance des infrastructures, la tarification, les coupures d’eau génèrent autant d’inégalités, de problématiques de développement économique et social et un très fort mécontentement des usagers en Outre-mer.
Le Bureau, lors de sa réunion du 22 mars 2022, a confié à la délégation aux Outre-mer la préparation d’un projet d’avis sur La gestion de l’eau et de l’assainissement dans les Outre- mer, qui fera l’objet d’une présentation en séance plénière ce 25 octobre.
Quel constat en Outre-mer?
L’accès à l’eau potable et à l’assainissement n’est pas effectif dans tous les départements et régions d’Outre-mer. La situation est particulièrement préoccupante à Mayotte, où 31,7 % de la population n’a pas accès à l’eau courante dans son logement et 59 % est dépourvue du confort sanitaire de base (coalition eau octobre 2020). En Guyane, ce sont entre 15 et 20 % de la population qui n’ont pas accès à l’eau alors que la Guyane dispose de la troisième réserve d’eau du monde (selon l’INSEE). A La Réunion, un habitant sur deux ne peut pas boire l’eau du robinet car impropre à la consommation. En Guadeloupe et Martinique, les habitants subissent des coupures d’eau incessantes, sans compter la pollution des cours d’eau et des sources au chlordécone qui va rester présent dans les sols et les eaux durant de nombreuses années.
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Les tarifs de l’eau sont souvent bien plus élevés que dans l’Hexagone, ainsi en Guadeloupe et Martinique, l’eau est la plus chère de France. Au regard du taux de pauvreté plus élevé en Outre-mer que dans l’Hexagone, le poids dans les budgets des ménages des dépenses contraintes liés à la consommation d’eau courante est disproportionné et inégalitaire. La facture d’eau peut atteindre 6 à 7 euros du mètre cube dans certains endroits. La vétusté des réseaux de distribution entraîne des déperditions importantes : 60% de l’eau est perdue du fait du mauvais entretien des réseaux en Guadeloupe.
Les carences d’accès à l’eau potable ont été particulièrement préjudiciables avec la crise sanitaire. Cette ressource essentielle en matière de santé publique a manqué au moment où son utilité pour combattre les maladies était indispensable. Lors du confinement, ces carences ont même conduit le CHU de Guadeloupe à demander aux patients, en raison du caractère intermittent de la distribution et de l’insuffisante qualité de l’eau, de venir avec leurs propres bouteilles d'eau.
Les actions en justice se multiplient, tandis que des collectifs citoyens et associations s’organisent pour demander le remboursement des achats de bouteilles d’eau. La crise sanitaire a accentué les problèmes qui ne sont déjà pas acceptables en temps normal. L’accès à l’eau représente un enjeu majeur en termes de santé, de dignité et de lutte contre les inégalités.
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Le plan « Eau-DOM », signé en 2016, prévu pour une durée de 10 ans, concerne les collectivités gestionnaires de services d’eau potable ou d’assainissement des cinq DROM et Saint-Martin, par la signature de contrats de progrès avec chaque collectivité pour 5 ans. Comment est-t-il mis en œuvre, ou en sommes-nous ? Le plan de relance prévoit 50 millions d’euros supplémentaires pour les réseaux d’eau et assainissement pour les DROM alors que le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux de Guadeloupe évalue les besoins à 950 millions pour ce seul territoire.
De nombreux travaux ont été diligentés ces dernières années par les pouvoirs publics, la mise en place des schémas directeurs d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), loi du 29 avril 2021 rénovant la gouvernance du service public d'eau potable et d'assainissement en Guadeloupe... comment les collectivités locales ont intégré dans leur politique la gouvernance de la gestion de l’eau et de l’assainissement dans les différents territoires ?
Par ailleurs, le changement climatique impacte cette ressource fragile, et les phénomènes climatiques auparavant exceptionnels deviennent réguliers (inondations, cyclones). Comment concilier une population croissante et des besoins en hausse avec l'équilibre et la préservation de ces territoires riches de biodiversité ?
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Les rapporteures présenteront le projet d'avis et ses 23 préconisations pour un service de qualité restaurant la confiance des populations ultramarines. Il s'agit de préconisations concrètes à destination des pouvoirs publics, à l’échelon global comme territorial, adaptées aux spécificités des territoires ultramarins, afin de répondre plus efficacement à la juste colère des citoyennes et citoyens concernés. Il appelle le législateur, l’Etat et les collectivités à se saisir de ces problématiques, à réduire les différentes fractures territoriales, et à instaurer un véritable « droit opposable » à l’eau potable pour tous.
Cette présentation sera suivie d’une table-ronde, faisant intervenir : Mme Gustave-dit Duflo, présidente du conseil d'administration de l'Office français de la biodiversité, 4e vice-présidente de la Région Guadeloupe ; Mme Edith Guiochon de la Coalition Eau ; Mme Amina Hariti, 2ème Vice-présidente du syndicat mixte d'eau et d'assainissement de Mayotte (SMEAM).