EXPERTISE. Accès à l’eau et à l’assainissement des eaux usées pour tous : le grand défi des Outre-mer

© SUEZ/ SPE

EXPERTISE. Accès à l’eau et à l’assainissement des eaux usées pour tous : le grand défi des Outre-mer

Dans le cadre du 9ème Forum mondial de l’eau qui se tiendra à Dakar au Sénégal du 21 au 26 mars sur le thème « La sécurité de l’eau pour la paix et le développement » se pose la question des avancées sur l’ODD 6 de l’Agenda 2030 des Nations Unies : « Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau ». Outremers 360 a rencontré Luis Peinado-Villa, Responsable du Développement de la Région Pacifique, Caraïbes et Amérique Latine, Decentralized Solutions (UCD® - groupe SUEZ) qui nous parle des « Solutions décentralisées » : des usines de production d’eau potable compactes, préfabriquées, modulables, permettant de répondre et de s’adapter rapidement aux besoins spécifiques de chaque territoire d’outre-mer.
 

Lors du Sommet sur le développement durable qui s’est tenu en septembre 2015 à New- York, les 193 États membres de l’Organisation des Nations Unies ont adopté officiellement un nouveau programme de développement durable intitulé « Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 » qui définit un plan sur 15 ans visant à réaliser des objectifs de développement durable. Au nombre de 17, ces objectifs sont un appel universel à l’action pour éliminer la pauvreté, protéger la planète et améliorer le quotidien de toutes les personnes partout dans le monde, tout en leur ouvrant des perspectives d’avenir. Parmi ces 17 objectifs, l’ODD 6 qui vise à « garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et à assurer une gestion durable des ressources en eau ».
Dans les départements et collectivités d’outre-mer, cet accès est contraint par le manque ou la raréfaction des ressources en eau, les impacts du changement climatique mais également par la difficulté de raccorder les populations et les sites isolés, le retard ou le vieillissement des infrastructures, l’accès aux financements etc.

Pour répondre aux besoins des populations ultramarines et atteindre les ODD à un rythme satisfaisant - en particulier l’ODD 6 - d’ici à 2030, de nouvelles solutions doivent être mises en place. Plus simples, plus abordables et plus fiables, ces solutions doivent assurer une gestion durable de la ressource et rendre à la nature une eau dépolluée, préservant ainsi le cycle de l’eau et la santé des océans.

Les solutions décentralisées : de l’eau « tout de suite et partout » ?

Souples, adaptées aux îles, aux zones péri-urbaines, aux territoires isolés et aux situations de catastrophe naturelle, les solutions décentralisées 1 - telles que les systèmes modulaires et compacts pour la production d'eau potable et le traitement des eaux usées - facilitent depuis de nombreuses années l’accès à l’eau potable et à l’assainissement pour tous, notamment en outre-mer. Elles sont une solution, non seulement pour les zones rurales ou les zones isolées, où leur application est évidente en raison du contexte géographique, mais aussi en zones périurbaines à plus forte densité de population, car elles sont plus flexibles et efficientes en temps et en coûts.

Ces solutions décentralisées améliorent également les plans de sécurité d'approvisionnement en eau (PSE) des opérateurs : elles permettent de diversifier les infrastructures de traitement (dans le cas de l'eau potable), et apportent aussi plus de flexibilité et de redondance. Les opérateurs ne dépendent plus d’un système centralisé unique, ce qui réduit les risques d'interruption de service.


Pionnières des solutions décentralisées : les Unités Compactes Degrémont® 2 (UCD) développées par le groupe SUEZ

Les UCD® sont des usines de production d’eau potable et d’épuration des eaux usées (STEP) compactes, modulaires, préfabriquées, transportées dans des conteneurs métalliques. Elles sont conçues pour être mises en service facilement et possèdent toutes les technologies d’une usine traditionnelle construite en béton. Elles répondent ainsi aux enjeux actuels des maîtres d’ouvrage et des opérateurs de l'eau et de l'assainissement.
Ces usines compactes sont mises en œuvre dans le monde entier et notamment en outre-mer : depuis le premier UCD®, installé à Tsingoni (Mayotte) en 1996, qui est toujours opérationnel, jusqu’aux récents UCD® déployés par la Calédonienne des Eaux en Nouvelle-Calédonie et aux îles Fidji, en passant par les UCD® de Moorea et Tetiaroa en Polynésie française, de Grand-Fond à La Réunion ou de Saint-Laurent-du-Maroni en Guyane.

Les UCD® : une mise en service ultra-rapide

Les éléments sont assemblés, câblés et testés en usine, l’augmentation des capacités se fait par module et le gros-oeuvre se limite à une dalle de béton. Le délai de livraison est optimiséet les coûts d’investissements réduits. © SUEZ
Les éléments sont assemblés, câblés et testés en usine, l’augmentation des capacités se fait par module et le gros-oeuvre se limite à une dalle de béton. Le délai de livraison est optimiséet les coûts d’investissements réduits. © SUEZ
Les éléments sont assemblés, câblés et testés en usine, l’augmentation des capacités se fait par module et le gros-oeuvre se limite à une dalle de béton. Le délai de livraison est optimiséet les coûts d’investissements réduits. © SUEZ
Les éléments sont assemblés, câblés et testés en usine, l’augmentation des capacités se fait par module et le gros-oeuvre se limite à une dalle de béton. Le délai de livraison est optimiséet les coûts d’investissements réduits. © SUEZ


Pour le traitement de l’eau potable, les filières UCD® proposent cinq technologies : décantation lamellaire, flottation à l’air dissous, pulsation, tours d'extraction, aéro G et aéro F pour l’élimination des éléments présents dans les eaux souterraines tels que le fer, le dioxyde de carbone ou le sulfure d’hydrogène. Elles peuvent traiter les sources d'eau douce conventionnelles telles que les rivières, les barrages, les lacs ou les eaux souterraines. Les capacités vont jusqu'à 22 000 m 3 /j (22 millions de litres par jour ou 270 litres / seconde) par module.

Pour l’épuration des eaux usées, la gamme des UCD® intègre quatre technologies qui couvrent les procédés de traitement des eaux usées municipales : les boues activées conventionnelles, le bioréacteur séquencé, le réacteur à culture fixée fluidisée et le bioréacteur à membrane. Elles peuvent assurer le traitement des eaux usées pour une population jusqu'à 30 000 équivalent-habitants ou 4 500 m3/jour (50 litres/seconde) par module.

Les avantages des usines de traitement modulaires UCD® pour les usagers et les opérateurs sont multiples :
- process éprouvés et performants
- délai de livraison optimisé : assemblées, câblées et testées en usine ;
- modularité : augmentation de capacité par modules, possibilité de transfert et d’interchangeabilité des unités ;
- compacité : emprise au sol réduite – adaptées à l’installation dans des zones denses ;
- gestion des risques : testées en usine - travaux limités d'ingénierie et de gros œuvre ;
- réduction des coûts d'investissement et d'exploitation.
Elles permettent également des investissements échelonnés grâce à leur modularité et peuvent renforcer les plans de sécurité d'approvisionnement en eau des opérateurs et ainsi
améliorer la résilience des systèmes d'eau urbains.
 

De l’eau potable pour l’outre-mer en moins d’un an

Depuis 1994, SUEZ conçoit et fournit ces usines de traitement d’eau potable modulaires pour les régions d’outre-mer. Dans le Pacifique, les UCD® sont répartis sur 17 sites entre la Nouvelle-Calédonie, les Fidji et la Polynésie française avec une capacité installée totale de 99500 m 3 /jour (1150 litres/seconde). Dans la Caraïbe, la capacité installée totale est de 40000 m3 /jour (470 litres/seconde) répartis sur 10 sites entre la Guyane française, la Jamaïque, Sainte Lucie, Trinidad et Tobago et le Nicaragua. Ces capacités alimentent une population estimée de 930 000 personnes.

En Guyane, SUEZ et la Société Guyanaise des Eaux (SGDE) déploient des UCD® depuis 2012. L’usine de traitement d'eau potable de Saint-Laurent-du-Maroni dans l'ouest guyanais a été conçue et fournie par le groupe SUEZ tandis que la SGDE en assure l’exploitation et le développement. D'une capacité de 4,6 millions de litres / jour (55 litres/seconde), elle alimente en eau une ville de 50 000 habitants qui est la deuxième commune la plus peuplée de Guyane, après Cayenne, et frontalière du Suriname.

A Saint-Laurent-du-Maroni (Guyane), augmentation de la capacité existante de l’UCD® de 4600 m3/j (55
litres/seconde) alimentée à partir de la prise de Saint-Jean, située à 14 km en amont de l'usine. © SUEZ

Sur l’île de Ste-Lucie dans la Caraïbe (membre du Commonwealth - population 166 487 habitants), les autorités et la Water & Sewarage Company (WASCO) ont décidé voici dix ans de renforcer leurs infrastructures d'eau potable avec la technologie UCD®. Ainsi, 2 des 4 usines de traitement d’eau potable du pays sont des UCD®. L’usine d'Anse la Raye de 2,3 millions litres / jour (en opération depuis 2010) et de Dennery de 6,4 millions litres / jour (en opération depuis 2017) alimentent les populations des zones environnantes, permettant ainsi de résoudre le problème d'approvisionnement en eau pendant les périodes sèches en passant d’un stockage des eaux pluviales à un accès au service continu 24h/7j et sécurisé (eau potable aux normes). Comme en témoigne la professeure Sonjane Marcelle-Etienne du Lycée Richfond Combined : « Notre école bénéficie de l’eau de pluie, cependant pendant la saison sèche les réservoirs se vident et certains jours nous devions renvoyer les élèves chez eux car nous n’avions pas d’eau. Depuis la mise en service de la station, nous n’avons pas eu une seule journée sans eau, il y a un approvisionnement quotidien complet et nous sommes en mesure d’enseigner correctement » 

Citernes de stockage des eaux pluviales 
dans le secteur de Dennery à Sainte-Lucie © SUEZ
Usine de traitement d’eau potable
dans le secteur de Dennery, phase finale des travaux © SUEZ

En Polynésie française, la Polynésienne des Eaux a conçu, fourni et exploite les usines de traitement d'eau potable de Papetoai et de Haumi sur l’île de Moorea ainsi que celle de l’île de Tetiaroa avec une capacité totale installée de 5,7 millions de litres / jour. A Moorea, les UCD® ont permis de faire passer l’indice de potabilité de 0% à plus de 95% et à la Polynésienne des Eaux de délivrer un accès au service 24h/7j.

Evans Haumani, maire de la commune de Moorea-Maiao, entouré des collaborateurs de la Polynésienne desEaux lors de l’inauguration de l’usine de Haumani (Polynésie française) © SPE

Comme l’a déclaré le maire de Moorea, Evans Haumani, lors de l’inauguration de l’usine de Haumani en juillet 2019 : « la commune de Moorea-Maiao tient le défi de fournir de l’eau potable dans les meilleurs délais à sa population (…). L’eau est un enjeu de développement, mais aussi un enjeu écologique qu’on ne peut dissocier. On ne peut poursuivre l’ambition de l’accès à une eau saine sans chercher en même temps à préserver notre environnement des dégradations qui le menacent. Je lance ainsi un appel à chacun d’entre vous afin de préserver notre environnement, nos rivières, nos lagons et notre île tout entière » 3 . L’UCD® de Papetoai fournit de l’eau potable à 2 200 habitants. Elle dessert également des sites économiques importants tels que l’usine de jus de fruit de Rotui (Brasserie du Pacifique), le centre de recherche et universitaire du CRIOBE, l’antenne de l’université de Berkeley (Californie), l’infirmerie, la salle omnisports, six pensions de famille et l’hôtel Hilton. L’UCD® de Haumi fournit de l’eau potable à 850 foyers ainsi qu’aux écoles de de Maatea et Afareaitu et à l’hôpital de l’île.

Toujours dans le Pacifique, aux îles Fidji, l’opérateur national WAF (Water Authority of Fiji) a décidé depuis 2013 de développer ses infrastructures de traitement d'eau potable avec la technologie UCD®. Le pays compte désormais 9 usines de traitement d’eau potable de cette technologie. L’usine de Deuba de 5,7 millions de litres / jour mise en service en 2018 a par exemple démontré les grandes capacités de la filière de décantation lamellaire LML lors de la période cyclonique de 2020. Lors du passage du cyclone tropical Yasa en décembre 2020, un cyclone tropical de catégorie 5 avec des vents de plus de 350 km/h, l’un des plus puissants jamais enregistrés dans le Pacifique sud, la station de Deuba a traité des eaux brutes avec une turbidité allant jusqu’à 982 NTU (Nephelometric Turbidity unit) et a réussi à produire une eau aux normes de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avec une turbidité en sortie de 1,78 NTU (inférieur à 5 NTU selon les normes de l'OMS). Peni Draunidalo, ingénieur conception et planification pour la WAF, témoigne : « Le cyclone Yasa a été le plus puissant, nous avons constaté que l’infrastructure, en particulier sa couverture et l’usine de traitement elle- même, résiste aux cyclones tropicaux de catégorie 5 ».

Au plus fort du cyclone Yasa (Fidji) en décembre 2020, la turbidité de l’eau atteint 982 NTU en entrée.Elle ressort avec une turbidité de 1,78 NTU © SUEZ

Ces performances rendent la WAF et les îles Fidji plus résilientes vis-à-vis de l’insularité de leur territoire. Ce territoire est exposé aux impacts du changement climatique et à une fréquence importante des événements climatiques : cyclones, inondations et épisodes de sécheresse. Ces contraintes sont autant de défis à surmonter par l’opérateur pour continuer à délivrer les services essentiels aux usagers et aux clients.

SUEZ et ses entreprises locales d’outre-mer, Polynésienne des Eaux, Calédonienne des Eaux et Société Guyanaise des Eaux, ont conçu et fourni ces solutions décentralisées UCD® en moins d'un an. Elles sont présentées et reconnues par les organisations et les institutions régionales, PWWA (Pacific Water and Wastewater Association) pour la région Pacifique et dans la Caraïbe, CWWA (Caribbean Water and Wastewater Association) et CAWASA (Caribbean Water & Sewerage Association Inc) : « autant d’occasions d’échanges avec les parties prenantes pour mieux répondre à leurs besoins d’infrastructures durables et résilientes pour un développement plus inclusif ».

Luis Peinado-Villa, Responsable du Développement de la Région Pacifique, Caraïbes et Amérique Latine, Decentralized Solutions (UCD® - groupe SUEZ)
 

A noter aussi que la problématique de l'eau en Outre-mer sera également abordée lors du colloque « L'outre-mer veut sortir de la tête de l'eau» le 7 février prochain. Organisé par l' Association Outremers en Métamorphoses en partenariat avec Outremers 360, ce colloque a pour objectif de « mieux faire connaître la réalité de l’outre-mer sur la question de l’accès à l’eau.» Ce colloque sera ouvert par le ministre Sébastien Lecornu et clôturé par le vice-président du Sénat, Georges Patient. 

Notes: 

1.« Décentraliser pour réduire les CAPEX de départ : Les kiosques à eau, les franchises de distribution
d'eau, les petits opérateurs de services publics et les infrastructures de traitement des eaux usées à
l'échelle du quartier ne sont peut-être pas la solution parfaite, mais elles offrent une solution
meilleure et plus abordable que de ne pas avoir accès aux services essentiels », Un nouveau
modèle pour l'accès à l'eau, World Water Leaders Group.
2. Solutions décentralisées UCD : vers l'accès à l'eau potable - SUEZ
3. Magazine de Moorea, n°59, septembre 2019, 56 p.