INTERVIEW. Législatives 2024 : En cas de victoire, le Rassemblement national proposera une « loi de programmation pour l’Outre-mer » pour « un retour à la confiance » assure André Rougé

André Rougé, au centre, avec Marine Le Pen et le groupe inter-religieux à La Réunion ©DR

INTERVIEW. Législatives 2024 : En cas de victoire, le Rassemblement national proposera une « loi de programmation pour l’Outre-mer » pour « un retour à la confiance » assure André Rougé

À quelques jours du premier des législatives anticipées, Outremers360 fait le tour des programmes et propositions Outre-mer des partis candidats. Ce vendredi, André Rougé, député européen et coordinateur Outre-mer au Rassemblement national, annonce une « loi de programmation pour l’Outre-mer pour créer les conditions d’un retour à la confiance » en cas de majorité absolue du parti de Marine Le Pen. Il revient également sur la suppression du droit du sol à Mayotte, le dossier calédonien ou encore, les récents propos du responsable du RN à La Réunion sur l’esclavage, qui ont provoqué un tollé.

Outremers360 : Lors des élections européennes, le Rassemblement national arrive en tête dans plusieurs territoires d'Outre-mer dans un contexte de fort taux d'abstention, et place deux élus ultramarins au Parlement européen. Comment analysez-vous ce scrutin européen ?

André Rougé : Notre liste est arrivée en tête à La Réunion, en Guyane, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre et Miquelon et bien sûr à Mayotte où plus d’un électeur sur deux a voté pour nous. En Martinique et à Wallis et Futuna nous sommes seconds. Quant à la Nouvelle-Calédonie, au vu du chaos et de l’insécurité qui y règnent, il ne me paraît pas qu’on puisse tirer un véritable enseignement du résultat de ces élections où seuls 13 % des électeurs ont pu se rendre aux urnes. Simon Loueckhote y portera, néanmoins, les couleurs du Rassemblement national dans la 1ère circonscription de Nouméa et des Îles, lors des élections à venir.

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Ces résultats confirment globalement l’enracinement et le dynamisme du Rassemblement national, désormais reconnu comme parti de l’ Outre-mer et c’est parfaitement logique car nos compatriotes sont soumis à une double peine : comme tous les Français, ils sont victimes de l’incompétence et de l’arrogance d’Emmanuel Macron et de ses ministres ; en tant qu’Ultramarins, ils paient lourd le long désintérêt, les incohérences et le mépris de ce gouvernement de caste et des précédents depuis près de vingt ans. 

Le RN soutient près d'une dizaine de candidats en Outre-mer dans ces élections législatives anticipées. Quelles sont vos ambitions pour ce scrutin ?

22 candidats sont investis par le Rassemblement national en France des outremers. Notre ambition est très claire : que les candidats de grande qualité, que nous présentons, fassent participer cette France du Grand large à la constitution d’une majorité absolue indispensable à la nomination de Jordan Bardella comme Premier ministre, ainsi qu’au redressement national.   

Quelles sont les mesures fortes du Rassemblement national pour le développement économique et social en faveur des populations des Outre-mer dans le programme ? Quid de la réforme de l'octroi de mer ?

D’abord un rapide constat : plus de quinze ans de désintérêt, la crise mahoraise, le drame calédonien, la montée de la criminalité, quasiment partout, ont eu raison de l’image idyllique d’une France des Outre-mer où il fait bon vivre. La réalité, plus prosaïque, commence enfin à apparaître aux yeux de tous nos compatriotes. Sur le plan proprement économique, chaque situation est particulière, mais globalement, les filières productives sont encore peu diversifiées, le niveau de vie est aussi nettement inférieur à celui de la métropole, le chômage est près de trois fois celui de l’hexagone, quant aux prix élevés, ils reflètent aussi une insécurité alimentaire structurelle compensée par des approvisionnements au long cours et des chaînes logistiques complexes.

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Comme j’ai bien conscience que l’on ne nous attend pas sur un constat mais sur des propositions d’action, je vous annonce que, si nous obtenons le 7 juillet prochain la majorité absolue, la nouvelle majorité sera en mesure de proposer le vote d’une Loi de programmation pour l’Outre-mer pour créer les conditions d’un retour à la confiance. Cette grande loi contiendra un vaste volet économique et social autour de la relance d’une politique ambitieuse de défiscalisation et d’exonération de charges entrepreneuriales, vouées à la création d’emplois et à la construction de logements, la recherche d’un mix énergétique compétitif correspondant aux besoins de chaque territoire, des mesures fortes pour le développement agricole et foncier, la mise en valeur raisonnée des richesses minérales de nos départements et territoires, la prise en compte obligatoire des particularités et potentialités des collectivités d’outre-mer dans les choix de politique commerciale de l’Union européenne ou encore la création d’une Agence pour les investissements prioritaires en Outre-Mer.

Concernant l’octroi de mer, la complexité de ce sujet est liée, vous le savez, à l’enchevêtrement de trois facteurs : un lien évident entre l’octroi de mer et le coût de la vie, l’importance de cette ressource financière pour les collectivités locales ultramarines, et enfin la nécessité de maintenir une protection spécifique pour le secteur productif ultramarin. Cette complexité exclut par avance tout esprit de système et toute décision hâtive. Nous sommes en faveur d’une adaptation plus que d’une révolution, d’autant que les situations de chaque collectivité sont très variables. Je rappelle qu’en Guyane, par exemple, il n’existe pas de TVA. Si on venait à supprimer l’Octroi de mer, ce sont tout simplement les ressources de ce département qui seraient coupées. Bref, nous avons des idées pour améliorer cette taxe historique et quelque peu anachronique, et réduire en particulier ses effets sur « la vie chère », à savoir l’application du droit commun et le financement des collectivités par la dotation globale de fonctionnement comme partout ailleurs en France, et faire en sorte que la taxe ne s’applique plus que sur les produits extra européens ou concurrençant la production locale.

Sur le plan politique, que deviendra le dossier de suppression du droit du sol à Mayotte, de la réforme du corps électoral en Nouvelle-Calédonie ?

Concernant le département de Mayotte qui vit le drame de la submersion migratoire, de l’effondrement complet des services publics et d’une criminalité terrifiante, il est évident que la suppression du droit du sol est une mesure plus que nécessaire. Elle a l’immense mérite de débrancher la pompe aspirante vers une nationalité française et les aides sociales qui lui sont attachées. Nous ne céderons pas sur ce point clé. Laissez-moi aussi vous dire que si les Français nous confient les responsabilités du pouvoir après le 7 juillet, nous exercerons une pression maximale sur le gouvernement comorien pour qu’il reprenne ses ressortissants sous OQTF qui n’ont rien à faire à Mayotte ni dans aucun autre département de France.

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Quant à la Calédonie, l’ampleur des urgences et la tragédie qui s’y joue en feront de facto un dossier réservé de Jordan Bardella, s’il devient Premier ministre. Comme l’a bien indiqué Marine Le Pen, il faut revenir à la méthode des accords de Nouméa, en ouvrant le dialogue à l’ensemble des parties prenantes de la vie calédonienne, sans exclusive ni anathème. Il faut remettre à l’honneur cette culture de l’échange et du respect mutuel sans vainqueur ni vaincu qui avait permis au territoire de retrouver une stabilité et des perspectives après les évènements tragiques des années 1980. Si les responsables calédoniens d’hier ont surmonté leurs divisions, leurs antagonismes et les blessures de l’Histoire, pourquoi ceux d’aujourd’hui n’y parviendraient-ils pas ? J’ai confiance dans la Calédonie et dans tous les Calédoniens et leur capacité à se réinventer, mais il faut évidemment que les violences cessent et qu’après le temps de l’arrogance et de l’incompétence parisienne incarnées par Emmanuel Macron, Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin s’ouvre un chapitre radicalement nouveau.

Le secrétaire départemental du parti à La Réunion, Johnny Payet a déclaré « qu'il faut oublier l’esclavage ». Peut-il y avoir une remise en cause des commémorations nationales du 10 et 23 mai, en cas d'accession du Rassemblement National au pouvoir ?

L’esclavage, dont nous commémorons l’abolition chaque 10 mai depuis l’instauration de cette date par Jacques Chirac, est une ignominie et une insulte à la dignité humaine. D’ailleurs, si le terme de progrès a un sens, je crois qu’il peut être accolé à ce travail de fond de notre conscience collective qui a mené progressivement l’humanité à bannir l’esclavage. En tant que Français, je suis très fier que des penseurs, des philosophes et des législateurs de notre pays aient contribué activement à cette lutte qui honore le genre humain. 

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Il est donc évident que les commémorations nationales ne seront pas remises en cause. Bien au contraire, vous verrez que les élus ultramarins du Rassemblement national se feront un honneur d’y participer au premier rang. Avec cette conscience du passé ancrée en nous, nous pouvons tous ensemble regarder vers l’avenir et c’est, je pense, ce qu’a voulu dire M. Payet.

En tant que député européen, quels sont les nouveaux chantiers que vous mènerez prochainement à Bruxelles et à Strasbourg pour la nouvelle mandature ?

Le Rassemblement national et ses partenaires européens seront très attentifs à la mise en place d’une nouvelle Commission européenne. Comme son ami Emmanuel Macron en France, Mme Von Der Leyen symbolise par son arrogance, son manque d’empathie et sa vision fédéraliste hostile aux nations, tout ce dont ne veut plus un nombre croissant de Français et d’Européens. Notre premier chantier sera donc de censurer Mme Von Der Leyen et tous ceux qui veulent poursuivre la dérive fédéraliste et antidémocratique de l’actuelle Union européenne.

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Notre autre priorité, ce sera de porter à Bruxelles la voix de la France des Outre-mer. Nos résultats électoraux vont nous y aider grandement. En 2023 la France a versé à l’Union européenne, 26,5 milliards d’euros environ pour n’en récupérer que 16,9. Nous sommes donc un pays « contributeur net ».  Et cet argent est celui de nos impôts, celui des contribuables ultramarins. Nous ferons, donc, en sorte avec Marie-Luce Brazier et Rody Tolassy, que les dossiers ultramarins soient enfin considérés comme il se doit, et afin que les français d’Outre – mer voient revenir cet argent, dont ils ont tant besoin.

J’ai bataillé durant le dernier mandat pour obtenir une simplification administrative pour les bénéficiaires de fonds européens, pour que l’Union européenne garantisse auprès des banques ses subventions durant ces délais administratifs. Nous nous battrons contre la vision technocratique et péremptoire de Bruxelles. Nous nous battrons pour les pêcheurs mahorais lésés dans le cadre du renouvellement des flottes de pêche. Nous nous battrons pour les agriculteurs soumis à des normes propres à l’Europe continentale, à la concurrence déloyale des produits de pays tiers non soumis aux contraintes phytosanitaires qu’ils subissent. Nous combattrons des adversaires politiques n’ayant aucun sens de ce qu’est l’intérêt général, auquel ils préfèrent la cuisine politicienne, comme nous avons pu le voir lors de l’accueil qui a été réservé aux propositions pourtant consensuelles et de bon sens que j’avais émises pour l’accès à l’eau courante de Mayotte et des Antilles-Guyane. Je reviendrai, inlassablement, sur mon cheval de bataille de création d’une agence européenne de la mer basée en outre- mer, projet jamais retenu par pur sectarisme.

Dans un monde où s’aiguise la compétition entre grandes puissances, l’Outre-mer apporte à son pays et à l’Europe une allonge exceptionnelle, notamment dans le domaine maritime. Hélas, les instances européennes ont manifestement du mal à lire une carte du monde. Alors nous allons les encourager, le mot est faible, à saisir leurs lunettes pour y voir la chance que constitue la France du Grand large pour le rayonnement, la prospérité et la sécurité de toute l’Europe.