En Guyane il y a une dizaine de jours, avec le président de la République Emmanuel Macron, le ministre de la Transition écologique Christophe Béchu et la ministre déléguée chargée des Outre-mer Marie Guévenoux, le secrétaire d’État chargé de la Mer et de la Biodiversité Hervé Berville a accordé une interview exclusive à Outremers360. Hervé Berville revient sur les annonces concernant la pêche, faites sur place par Emmanuel Macron, et évoque ses précédents déplacements à La Réunion et en Polynésie, avec qui une convention « sur les enjeux maritimes » a été signée. Pour Hervé Berville, « tous les ministères doivent s'occuper des Outre-mer ».
Outremers360 : Lors de votre déplacement en Guyane, avec le président de la République, ce dernier a annoncé le renouvellement de la flotte de pêche guyanaise. Dans la foulée, l’Europe a finalement autorisé les aides de la France pour le renouvellement des flottes de pêche dans les DROM. Quelles en seront les modalités et le montant du financement ?
Hervé Berville : C'est l'aboutissement d’un long combat, puisque le président de la République Emmanuel Macron avait fait du renouvellement de la flotte de pêche dans les Outre-mer une priorité, parce que c'était un enjeu d'autonomie alimentaire, de souveraineté et aussi un enjeu de protection de la biodiversité. Déjà en 2018, grâce à l'action du président de la République, il y avait un accord théorique pour dire que c'était un sujet qu'on devait mettre sur de la table. Depuis 2022, je me suis rendu trois fois en Guyane. Je suis allé aussi à La Réunion pour, à la fois écouter les acteurs locaux et surtout, montrer à la Commission européenne que ce renouvellement était une priorité.
Grâce à la mobilisation de tous on a réussi à ce que la Commission européenne reconnaisse que le renouvellement de la flotte était un enjeu prioritaire, et qu’on le fasse dès cette année. C’est un montant de 63,8 millions d'euros au total pour le renouvellement de la flotte des territoires ultramarins. En Guyane, par exemple, ça permettra de renouveler dès cette année 25% de la flotte. Au global, pour les territoires des Outre-mer (La Réunion, Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte), c'est à peu près 10% de la flotte cette année dont le renouvellement pourra être engagé.
Quand l'Europe du quotidien est à nos côtés, on fait des choses qui servent les citoyens ultramarins, qui servent à améliorer leurs vies et surtout qui servent la souveraineté de ces territoires. C'est pour moi un enjeu essentiel.
Outremers360 : Le renouvellement aura donc lieu cette année, le calendrier est donc serré, quel est-il ?
Hervé Berville : Désormais, ce sont aux collectivités locales de prendre des délibérations. Ensuite, il y aura des appels à projets pour savoir quels navires vont pouvoir en bénéficier. L'idée, notamment en Guyane, c'est qu'en septembre, ces appels à projets soient effectifs et lancés. Ensuite, ce sera aux collectivités ou aux collectivités et à l’Etat selon les navires lorsqu’il y a cofinancements de verser les aides en fonction des segments de flotte, et en fonction des types de navires, mais on parle d’une aide de 40 à 60% du coût total du navire.
Outremers360 : Une aide versée qui sera donc par les collectivités ?
Hervé Berville : Ce sont les fonds de l'Union européenne qui sont versés à la collectivité pour ensuite qu'elle mette en œuvre les projets. C'est le principe d'être au plus près du territoire. Plutôt que ce soit l'Union européenne qui fasse les appels à projets depuis Bruxelles, ce sont des fonds qui sont délégués par l’Union européenne aux collectivités. Donc ce sont les collectivités, parce qu'on veut être le plus proche des territoires, qui mettent en œuvre ces fonds européens. D'où le fait qu'il y a besoin d'avoir des délibérations de la part des collectivités. Mais l’Etat intervient aussi en soutien pour certains navires. Tout cela est prêt depuis 2022 dans les régimes d’aide travaillés avec les collectivités et les professionnels et notifiés à Bruxelles en 2022.
Outremers360 : Pour la Guyane, on parle d’un « régime spécifique ad hoc », pourquoi ?
Hervé Berville : En effet, depuis deux ans, nous nous battons pour que les règles européennes permettent le renouvellement. Sauf que la Commission disait : « Nous n'avons pas d'éléments scientifiques suffisants sur l'état des stocks, sur l'état de la ressource pour pouvoir renouveler ». La Commission considérait que si on renouvelle la flotte, on va avoir des navires qui vont pêcher plus. Or, elle considérait aussi que la ressource était dégradée.
Ce que nous lui disions, et c'est pour ça que je suis allé en Guyane plusieurs fois, c’était que ce territoire est un parfait exemple des incohérences collectives : Oui, il y a dans un certain nombre de territoires une dégradation de la ressource en poisson. C'est une réalité. Mais cette dégradation de la ressource, elle n'est pas liée à la flotte de pêche locale, elle est liée à la présence et au développement de pêche illégale qui peut se faire parce que nous n'avons pas des navires qui permettent d'aller occuper l'espace.
Ce qu'on a réussi à démontrer à l'Union européenne, notamment en prenant l'exemple de la Guyane, c'est que si on veut protéger la biodiversité, améliorer l'état de la ressource, il nous faut des pêcheurs qui occupent l'espace, qui ont des navires qui permettent d'attirer des marins, qui soient aussi sûrs pour nos scientifiques pour embarquer pour évaluer la ressource, qui ont des techniques de pêche qui permettent de ne pas abîmer la biodiversité et qui évitent qu'on ait de la pêche illégale en provenance du Suriname ou du Brésil.
En d’autres termes, il faut renouveler la flotte de pêche pour occuper notre zone économique exclusive, qui est ultramarine à 95%. C’est complémentaire des actions que nous menons pour lutter contre la pêche illégale, sur laquelle nous déployons des moyens conséquents pour sanctionner ces navires qui ne respecte aucun de nos critères environnementaux, sociaux et de biodiversité. Et la Commission européenne a pu constater que ce que nous disions était correct. Et je voulais vraiment remercier les présidents des comités de pêche, que ce soit Gérard Zitte à La Réunion ou Léonard Raghnauth en Guyane, et leurs équipes, parce qu'ils ont une grande patience, mais surtout, ils ont travaillé avec l'IFREMER et avec le WWF en Guyane pour démontrer que c'était la pêche illégale qui dégradait leurs ressources.
Donc la Commission européenne a créé un régime spécifique ad hoc parce que même si on n'a pas suffisamment de données scientifiques, on sait que c'est un enjeu important, notamment pour des questions de sécurité : comment voulez-vous attirer des jeunes marins dans le métier avec des bateaux qui sont indignes et dangereux ? Ce n'est pas possible.
Outremers360 : Justement, en parlant d'attractivité du métier vers les jeunes, le président de la République a aussi annoncé un renforcement de la formation. Pour vous, ça passe par quoi ? En Polynésie, vous travaillez avec Moetai Brotherson sur un Campus des métiers et des qualifications de la mer. Est-ce qu'on peut imaginer ça en Guyane ?
Hervé Berville : Ce que je souhaite faire, c'est d'adapter la réponse de l'État et du gouvernement en fonction des réalités locales et des demandes locales. Je vais vous donner trois exemples très concrets.
En Polynésie, il n'y a à l'heure actuelle pas de formation sur le maritime (il existe un Centre des Métiers de la Mer, récemment agrandi, ndlr). Mais c'est une réalité qui est différente, une réalité culturelle liée à ce grand espace insulaire. On a un secteur maritime qui est particulièrement divers et aussi très éclaté géographiquement. Avec Moetai Brotherson, nous allons lancer un Campus des Métiers et des Qualifications de la Mer. Nous avons lancé une mission qui va rendre son rapport là dans l'année pour permettre de définir les besoins, les acteurs, les financements. Ce sera la contribution de l'État. Nous avons aussi fourni des bourses pour que les jeunes marins polynésiens puissent venir se former dans l'Hexagone, quand les formations n’existent pas localement.
Ensuite, il y a La Réunion où les formations existent. Ce sont des formations maritimes dans des lycées professionnels. On parle pour ainsi dire de « maritimiser » leur formation professionnelle. Parce que ça a bien fonctionné, parce qu’il y avait de l’appétence, du besoin et de la demande, nous avons acté, l’année dernière, la création d'un lycée maritime, avec un financement de l'État de 60 millions d'euros.
Enfin, il y a la Guyane, où là, il n'y a aucune formation maritime. Par contre, il existe des lycées agricoles, et le président l'a indiqué, cette année, il y aura l'ouverture d'un CAP maritime au sein de l’EPLEFPA de Guyane. Comme je l'ai dit aux acteurs locaux, et comme ce qui se passe à La Réunion, si dans deux, trois ou quatre ans, il y a une demande très forte, on pourra créer des bacs pros voire des BTS. Et si dans un peu plus de temps, il y a vraiment une appétence pour un lycée maritime avec plusieurs formations, j'y suis ouvert. Mais il faut faire les choses en bon ordre, de manière rigoureuse et en s'adaptant aux besoins locaux. En Guyane, c'est un CAP maritime qui sera créé en septembre.
Pour mon Ministère, j'ai pris l'engagement l'année dernière d'avoir dans le budget de cette année les crédits, 30 000 euros chaque année, pour la formation à la sécurité des marins et une enveloppe de 50 000 euros pour les équipements de ce CAP maritime. C’est un engagement que j'avais pris, il est tenu et il sera fait cette année. Et s'il y a besoin de financements supplémentaires pour ce CAP maritime, j'y suis prêt, bien évidemment, parce que j'y crois. La formation, c'est la base de notre capacité à être souverain. C'est ce qui permettra à ce que des jeunes soient bien formés, à ce que des jeunes apprécient ce métier.
Outremers360 : Le président a aussi annoncé un renforcement de la lutte contre la pêche illégale. Concrètement, comment ? Par quoi passe ce renforcement ?
Hervé Berville : Sur ce sujet, nous avons pris trois décisions. Premièrement, à la fin de l'année, un nouveau navire des Affaires maritimes arrivera à l'Ouest de la Guyane, à Iracoubo plus précisément. Il y a eu, au début de l'année, un moyen supplémentaire qui est arrivé à l'Est avec un bateau de la brigade nautique et fluviale de la gendarmerie qui permet d'aller très vite et d'appréhender les pêcheurs illégaux. Je l’ai testé. Ce navire supplémentaire à l'Ouest va permettre de renforcer les patrouilles, les contrôles et la surveillance. Dans le budget, 114 000 euros ont été versés pour que ce bateau soit construit avec une coque conçue pour répondre aux spécificités de la Guyane, en alu avec un fond plat pour pénétrer là où les pêcheurs illégaux vont se cacher. Il est en construction actuellement dans l'Hexagone, il arrivera à la fin de l'année. Il y aura également un avion supplémentaire.
La surveillance passe aussi par le développement de la surveillance satellite. Nous avons la chance en Guyane d'avoir le CNES, avec qui nous avons signé une convention l’année dernière. Elle est en train de se déployer avec notamment une startup qui s'appelle Unseenlabs, qui permet d'être plus efficace dans l'action de lutte contre la pêche illégale, parce que les eaux de Guyane sont quand même très grandes. Avec le système satellite, nous pourrons repérer les endroits où il y a des tapouilles et envoyer un moyen nautique le plus rapidement possible. Ça nous permettra d'avoir des lunettes plus précises pour la lutte contre la pêche illégale.
La deuxième décision concerne la capacité de destruction. Quand vous arrêtez des activités illégales, la pêche illégale, il faut un moyen pour détruire, démanteler les navires ou ces activités. L'année dernière, j'ai pris l'engagement d'avoir 150 000 euros supplémentaires pour des moyens de destruction. Mais aujourd’hui , il faut que nos forces de l'ordre emmènent le bateau jusqu’au Larivot.
Il faut qu'on trouve un lieu avec la collectivité locale, qu'on arrive à avoir ce terrain à l’ouest pour pouvoir détruire plus rapidement les navires arrêtés, c'est très important. Et au-delà de la destruction, il y a aussi la réutilisation. On travaille sur ce sujet avec le Ministère de la Justice. Par exemple, comme on fait dans la lutte contre l’orpaillage illégal : les bateaux, les moteurs qui sont pris, on les utilise pour nous. L'essence, par exemple, est donnée à des stations. Il faut qu'on trouve des moyens intelligents de réutiliser les choses qui sont récupérées. Et ça doit aussi valoir pour le produit de la pêche illégale. Cela doit aussi bénéficier aux Guyanaises et aux Guyanais.
Le troisième élément sur la pêche illégale, c'est qu'il faut qu'on arrive à mettre en place des systèmes de carton jaune et carton rouge pour les pays qui se livrent à cette pêche illégale. Ce n'est pas acceptable à l'heure actuelle que l'Union européenne ne sanctionne pas ces pratiques-là. Nous avons fait les démarches nécessaires. Il faut qu'on reconnaisse la situation telle qu'elle est, c'est-à-dire qu'on a une activité qui s'est déployée, développée. Aujourd’hui, on est en train de progressivement reconquérir notre espace maritime vers le Suriname, mais il ne faut rien lâcher, et il faut que l'Union européenne nous aide et surtout que les oppositions travaillent sur ça, parce que j’'entends dire beaucoup de choses, mais je n'ai pas vu l'ombre d'une proposition.
J'ai une vision où le développement économique local et la préservation de la biodiversité vont de pair.
Outremers 360 : Lors de votre déplacement en Guyane, vous vous êtes aussi rendu sur le port du Larivot, sans le président de la République. Quel a été l’objet de cette visite ?
Hervé Berville : Il s’agissait de faire un point après les annonces du chef de l’État, et du calendrier, avec le président du Comité régional des pêches en Guyane, Léonard Raghnauth, en présence de la Collectivité territoriale, du président de la CACL et de l’ancienne ministre Christiane Taubira.
Il y avait notamment une annonce qui était très attendue par les Guyanais : c'était la décision de ramener à 0% la taxe sur le vivaneau. Ça faisait un moment qu'on y travaillait. Nous avons réussi, je crois, à convaincre de la nécessité d'avoir une filière pêche qui se tienne, de considérer que le poisson, le vivaneau pêché en Guyane était du poisson français, parce qu’il l’est ! Et donc, il devait y avoir une taxe à 0% parce que de l'autre côté, on a du poisson, du vivaneau pêché au Guyana ou au Suriname, qui est exporté vers les Antilles avec 0% de droit de douane dans le cadre d’accords commerciaux. Il fallait de la cohérence.
Ensuite, il s’agissait de regarder, dans les compétences de chacun, quelles étaient les prochaines étapes. Pour la Collectivité territoriale, c'est de prendre le plus rapidement possible les délibérations pour permettre le renouvellement des navires et de prendre les investissements qui doivent être faits pour la destruction des navires. Avec les autres collectivités il y a aussi des investissements à réaliser pour les zones de débarquements, des machines à glaces, des espaces de stockage qui sont attendus des professionnels. Pour l'État, continuer son engagement sur la lutte contre la pêche illégale et pour accompagner la structuration de la formation. Et pour le Comité régional des pêches, l'enjeu est de continuer à structurer la filière en proposant de nouvelles pratiques de pêche, de nouvelles espèces. .
Ils doivent créer une coopérative pour pouvoir bénéficier des financements de la CMA-CGM pour renouveler les navires, parce que la CMA-CGM, dans le cadre de son fonds pêche, va pouvoir accompagner le renouvellement de la flotte dans tous nos territoires. Enfin, il y ce travail de structuration des entreprises avec les armateurs, avec la question de la régularisation des gens qui travaillent dans ces entreprises-là. Dans un an, on se retrouvera pour regarder quels sont les résultats et sur quoi on devra se concentrer.
Outremers 360 : Depuis février, en plus d'être chargé de la Mer, vous êtes également chargé de la Biodiversité. Et toujours lors de ce déplacement en Guyane, vous vous êtes rendus sur la plage des Salines, lieu de ponte des tortues marines. Comment est-ce que l'État aide à leur protection ? Et est-ce que d'autres moyens ont été annoncés pour cette protection ?
Nous avons annoncé que nous avons une augmentation des crédits qui sont alloués pour la biodiversité. Nous allons passer de 280 millions d'euros de crédits pour la biodiversité à 500 millions d'euros. D’abord parce que la biodiversité est un enjeu quotidien pour les Outre-mer. 80% de notre biodiversité se trouve dans les territoires ultramarins. Donc, protéger la biodiversité, c'est préserver nos territoires ultramarins. Et surtout, protéger la biodiversité, c'est être en capacité de mieux lutter contre le changement climatique. Parce que les forêts, les mers, tous les écosystèmes rendent des services écosystémiques, et sont parfois des puits de carbone qui absorbent le surplus de CO2 créé par l'activité humaine.
J'ai une vision où le développement économique local et la préservation de la biodiversité vont de pair. Ce que nous portons pour la protection des tortues marines, qui est au passage un animal que j’affectionne, c'est comme j'ai pu le faire en Polynésie et comme je l'ai fait l'année dernière à Awala-Yalimapo, à l'Ouest de la Guyane, d'accompagner les associations, les collectivités locales qui les protègent.
Dans le cadre du Fonds d'intervention maritime et du Fonds vert, il y a des financements dédiés pour la préservation de ces espèces. Notre rôle est d’accompagner les collectivités, comme nous l’avons fait à la réserve de Saline, qui a bénéficié d’un financement du Fonds vert. Cela représente un million d'euros pour le Conservatoire du littoral, pour la collectivité, pour l'association Kwata, qui vise à préserver les tortues et leurs espaces, parce qu'elles sont en grand danger.
95% des tortues-luth ont disparu depuis 10 ans du fait de la pêche illégale. Et le réchauffement climatique fait que les pontes sont moins fructueuses. Quand on dépasse une certaine température, les œufs ne vont pas à maturité. C'est pour ça qu'on doit avoir une lutte acharnée contre le réchauffement climatique, parce que ça a un impact sur la biodiversité. Cette protection s’applique aussi aux mangroves, forêts qui sont partout sur le territoire guyanais, et au-delà, à nos océans, tout en conciliant cette protection avec de l'activité économique. Les populations attendent qu'on puisse améliorer leur quotidien, et cela fait aussi partie de notre capacité à donner une planète vivable à nos enfants.
Outremers 360 : Je reviens sur la Polynésie : vous avez rencontré deux fois le président Moetai Brotherson, à Paris, et vous vous êtes rendu sur place en novembre dernier. L’une des annonces, c’est cette fameuse convention entre le gouvernement local et l'État sur les enjeux maritimes…
Hervé Berville : En effet, nous l'avons signée quand j'étais en Polynésie. Nous allons faire un point très prochainement, d'ici à un mois, avec le président Moetai Brotherson. Il y a trois axes dans le cadre de cette convention. D’abord, la lutte contre l'exploitation minière des fonds marins, qui est la plus grande menace pour les écosystèmes marins. Le pays et le gouvernement français ont la même position : nous ne devons pas commencer cette activité qui aurait des dommages irréversibles sur nos écosystèmes, sur la biodiversité et sur les activités économiques de notre pays.
Nous devons également continuer à porter ce combat au niveau régional. Je me suis rendu, juste avant ce déplacement en Polynésie, au Forum des Îles du Pacifique avec Moetai Brotherson pour indiquer à quel point nous étions parfaitement alignés sur le sujet. Par contre, nous allons continuer la recherche. On travaille avec l’Ifremer sur un centre pour la recherche sur les grands marins en Polynésie, parce que nous avons la chance d'avoir une grande partie de notre zone économique exclusive qui se trouve en Polynésie. C'est là que se joue cette recherche sur les grands marins. Nous souhaitons que ce centre soit opérationnel le plus rapidement possible. Ce sera l'un des grands enjeux du Sommet des Nations Unies pour les Océans que la France va accueillir à Nice.
La deuxième grande priorité, c'était le développement de la filière pêche. À la demande de la Polynésie française, nous allons les accompagner, à travers une étude, pour déterminer quels sont les segments de pêche, comment la filière peut se structurer pour atteindre l'objectif de tripler la capacité de pêche en Polynésie.
Et puis, le troisième élément, c'est la question de la formation avec la création de ce Campus des métiers et des qualifications de la mer, qui va permettre de « maritimiser » l'économie polynésienne. Et les métiers de la mer, ce n'est pas que la pêche, c'est aussi la maintenance des navires, c'est aussi les énergies renouvelables, c'est aussi les enjeux de biodiversité, c'est aussi les enjeux de recherche scientifique, d'exploration, de perliculture, d’algoculture, de réchauffement climatique, car face à la montée des eaux, face à l'acidification de nos océans, il y a un besoin de formations.
La protection de notre ZEE, la protection de nos intérêts stratégiques maritimes, c'est un enjeu sur lequel on travaille très fort
Outremers 360 : Nous avons évoqué la pêche, la formation, la lutte contre la pêche illégale, la protection de la biodiversité. Est-ce qu’il y a d’autres sujets que vous souhaitez porter en Outre-mer ?
Hervé Berville : Il y a un sujet qui me paraît essentiel, c'est celui de l'adaptation de nos territoires au changement climatique. On a vraiment une urgence à accompagner les collectivités, mais aussi à s'inspirer de ce qui se fait dans les territoires ultramarins pour l'hexagone. Car il y a beaucoup de territoires qui travaillent à accentuer la lutte contre le changement climatique.
Je pense aussi à l'amélioration du quotidien des populations ultramarines qui ont un coût de la vie plus élevé que dans l’Hexagone. Il y a également la bataille de l'emploi. Il nous faut arriver dans ces territoires-là à créer des conditions d'investissement, d'emploi qui permettent d'avoir un développement qui se fasse aussi avec les autres territoires de la région. Dans la région Caraïbe, les Antilles doivent travailler avec les pays avoisinants. C’est déjà le cas, mais on peut renforcer cette coopération régionale.
Je prends l’exemple de la Jamaïque, où je me suis rendu avec le directeur de l'École nationale supérieure maritime qui forme les futurs officiers de la marine marchande. Sur place, l'Université jamaïcaine avec qui on coopère, était très peu tournée vers nos Antilles. Sur place, mon message était de favoriser notre connexion dans les Caraïbes. Donc renforcer l'intégration régionale de nos territoires pour pouvoir exporter nos savoir-faire et ainsi accompagner l'emploi, la création de valeur ajoutée pour nos territoires, est pour moi une priorité.
Il faut également regarder les enjeux démographiques, je pense notamment à la Guyane, où il y a une démographie qui est en pleine progression. C'est une chance. Ça veut dire que si vous avez des jeunes, vous avez des créations d'emplois, vous avez des recettes, vous avez des services sociaux et vous avez des infrastructures qui peuvent être financées.
Et puis, le dernier point, c'est un élément essentiel, vu le contexte géopolitique dans lequel nous sommes, c'est la défense de notre souveraineté. Grâce à la loi de programmation militaire, six nouveaux patrouilleurs Outre-mer arrivent (en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et à La Réunion, ndlr). Ils seront essentiels pour faire face à la conflictualisation accrue en mer, avec tout ce qui se passe dans le Pacifique, ce qui se passe aussi dans l’Océan Indien.
La protection de notre ZEE, la protection de nos intérêts stratégiques maritimes, c'est un enjeu sur lequel on travaille très fort. Quand j'étais à La Réunion, en Polynésie et en Guyane, j'ai vu nos militaires, nos forces armées. Nous devons continuer d’investir dans nos armées. C'est ce que le président de la République a décidé, c’est ce qu'on fait depuis 2017, puisque nous avons doublé le budget de l'armée entre 2017 et maintenant. On doit et on va, et c'est un enjeu important pour nous, continuer à défendre cette souveraineté et nos territoires ultramarins.
Outremers 360 : Quand on vous écoute, la mer et la biodiversité sont des sujets très transversaux, particulièrement Outre-mer. Est-ce qu’en tant que secrétaire d'État, vous arrivez à avoir l'amplitude, les moyens nécessaires pour influer sur ces sujets, sachant que ça passe aussi par une coopération avec d’autres Ministère, notamment des Outre-mer. Est-ce que vous rencontrez des difficultés ?
Hervé Berville : Avec les différents ministres chargés des outre-mer, nous avons toujours travaillé ensemble dans le même but et en parfaite intelligence. Il y a tellement d'envie dans ces territoires, tellement de projets, de sujets qu'on n'est pas de trop.
Quand on se déplace, dans les Outre-mer et dernièrement en Guyane, avec Christophe Béchu sur les enjeux de transition écologique, moi sur la mer et la biodiversité, Marie Guévenoux sur le côté plus transversal aux Outre-mer, cela montre que tous les ministères doivent s'occuper des Outre-mer. C'est ce que je fais parce que je suis particulièrement attaché à ces territoires-là. C'est peut-être dû à ma naissance, qui n'est pas ultramarine, mais en tout cas dans un pays lointain, le Rwanda. Ces territoires sont remarquables, ils ont une histoire particulière, ils font pleinement partie de la République et connaissent une implication totale de la part de tout le gouvernement.
C'est ce que demandent le président de la République et le Premier ministre Gabriel Attal, donc c'est ce que je fais. Il y a une réalité qui est là et que j'embrasse pleinement, c'est que 80% de notre biodiversité et 95% de nos ZEE se trouvent dans les Outre-mer. Ça doit être le quotidien de notre Ministère, et ça doit faire partie des priorités de ce Ministère. C'est ce que je demande à mes équipes et c'est ce que je fais au quotidien.