Le groupe Union nationale pour l’indépendance (UNI) -composé du Parti de Libération Kanak et de l’Union progressiste mélanésienne- a organisé ce samedi une matinée de présentation et d’échanges autour de l’accord de Bougival à l’Université de la Nouvelle-Calédonie. Lors de cette réunion publique, l’UNI a réaffirmé son soutien au document, qui représente « un pas en avant ». Maintenant, « il faut soumettre le projet au peuple ». Entretien de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes avec Jean-Pierre Djaïwé, signataire et porte-parole du Palika.
Malgré le rejet de l’accord de Bougival par le FLNKS, l’Union nationale pour l’indépendance poursuit sa tournée d’explications auprès des Calédoniens. Pourquoi ?
La délégation UNI, qui a signé l’accord, assume sa signature, donc nous continuons le travail pour lequel nous nous sommes engagés, c’est-à-dire consulter les Calédoniens, leur expliquer le projet et aller de l’avant. Pour nous, ce projet va dans le sens de ce que nous souhaitons tous.
On ne va plus vers un oui ou un non. On ne va plus vers la confrontation. On veut construire ensemble. L’option que nous avons choisie avec cet accord de Bougival, c’est une souveraineté partagée encore plus avec la France. C’est l’option choisie au niveau du Palika depuis 2013, parce que c’est celle qui permet, dans cet esprit de construire un peuple de Nouvelle-Calédonie, de travailler ensemble.
C’est un pas en avant, un nouveau processus, un nouvel État qui fixe une trajectoire qui, pour nous, conduit à la pleine souveraineté. On ouvre la possibilité de poursuivre la construction de ce pays par la négociation avec des personnes qui, jusqu’ici, sont contre l’indépendance.
Ne craignez-vous pas un nouveau rapport de force ?
Dans la mise en œuvre de l’accord de Nouméa, il y a nous, les Calédoniens, mais il y a aussi l’État. Et dans ce qu’il s’est passé au mois de mai dernier, il y a eu une grande part de responsabilité de l’État aussi. Le ministre qui était chargé des dossiers calédoniens a quand même une responsabilité importante dans cela (Gérald Darmanin, ndlr).
Aujourd’hui, nous croyons à ce travail, parce que de toute façon, on ne peut pas faire autrement. On ne peut pas continuer à s’affronter. Il faut trouver la voie pour construire ensemble le pays. Et c’est ça, le sens de l’accord de Bougival, c’est le pari de la confiance. Il faut aller jusqu’au bout, jusqu’à la mise en œuvre, faire en sorte que le peuple se prononce dessus.
L’accord de Nouméa aussi a été contesté, comme celui de Matignon. Et l’accord de Nouméa, qui n’a pas fait l’unanimité hier, tout le monde dit aujourd’hui que ça doit être le plancher. Donc à un moment donné, il faut se poser la question, est-ce qu’on sait vraiment ce que l’on veut ? Nous, on dit : on va continuer.
C’est difficile d’avoir un accord dans lequel on obtient ce que l’on veut vraiment, d’arriver à un accord où on va satisfaire tout le monde. Ce n’est pas possible, parce qu’on a en face de nous des gens qui ont une conviction qui est à l’opposé de ce que nous portons. Mais on a dit que ces gens-là aussi sont des Calédoniens, des citoyens de ce pays. Donc il faut tenir compte d’eux.
Est-ce que cela signifie que les choses se poursuivent sans une partie des indépendantistes ?
Nous, ce qu’on leur dit, c’est qu’il faut soumettre le projet au peuple, consulter la population, comme pour l’accord de Nouméa, et c’est le peuple qui décide. Si la majorité repousse le projet, on recommence. On prend d’autres responsables politiques, on les met autour de la table avec le nouveau ministre qui sera désigné. Et puis, ils feront le travail pour trouver un autre accord.
Est-ce que vous incitez le FLNKS à venir quand même la semaine prochaine au comité de rédaction ?
Oui. En tout cas, c’est ce que nous allons faire. On a reçu pendant nos tournées des observations que nous allons porter au comité de rédaction pour améliorer, éclaircir, lever les inquiétudes, comme par exemple le fait qu’on ne parle pas assez du peuple kanak. Et ce qu’on voudrait, c’est que tout le monde soit là pour éviter qu’il y ait encore d’autres soucis comme on a connu dernièrement.
La poursuite des travaux sur l’accord de Bougival ne pourrait-elle pas être vue comme un passage en force par le FLNKS et créer des tensions ?
Compte tenu de la situation que connaît notre pays, soit on dit qu’on se met ensemble et qu’il faut le sauver, soit on ne tient pas compte de ça. Quand on parle de l’avenir d’un pays, quand on parle de souveraineté, d’indépendance, ce n’est pas le pays en tant que tel dont on parle, c’est de la population.
Donc il faut continuer malgré tout ?
Oui, le FLNKS l’a rejeté, mais c’est comme l’accord de Nouméa, il y a eu des gens qui étaient contre, mais on l’a fait quand même… et l’accord de Nouméa, c’est des gens qui sont dans le FLNKS aujourd’hui. Mais on a fait, on a soumis au peuple, et il a décidé.
Est-ce que cette différence d’approche marque vraiment une scission chez les indépendantistes, alors que le Palika et l’UPM avaient déjà pris leur distance l’année dernière du FLNKS ?
Nous avons quitté le FLNKS parce qu’on n’était plus d’accord avec les décisions qui étaient prises par le FLNKS. On ne se reconnaissait plus dans le FLNKS tel qu’il était. Aujourd’hui, on continue ce qu’on a commencé. Pour nous, il faut aller jusqu’au bout.
Est-ce que le FLNKS est aujourd’hui le seul mouvement de libération kanak ?
C’est ce qu’ils disent, que le FLNKS est le seul mouvement de libération. Mais, le FLNKS n’est pas le seul à porter cela. Nous sommes aussi un parti de libération, c’est le sens même de la création du Palika.
Propos recueillis par Anne-Claire Pophillat