Dans 15 jours, le 1er janvier 2025, la Guyane verra la naissance de son tout premier Centre Hospitalier Universitaire. Le CHU, un projet ambitieux et attendu qui suscite à la fois espoirs et interrogations parmi les professionnels de santé. L’Agence Grand Public a mené une série de neuf rencontres sur l’ensemble du territoire, dans les centres hospitaliers de Cayenne, Kourou et Saint-Laurent du Maroni ainsi que dans les hôpitaux de proximité. Précisions avec notre partenaire Radio Péyi.
450 salariés se sont exprimés librement sur leurs aspirations et leurs craintes. Parmi eux Pascal Lecante. Il est infirmier au CHC. Il craint l’effet d’annonce mais nourrit tout de même des espoirs en ce futur CHU. «C'est une démarche pleine de bonnes intentions, de sincérité, de franchise. Les décideurs ont compris que le centre hospitalier universitaire de Guyane ne pourra fonctionner qu'avec l'adhésion et la confiance du personnel mais aussi de la population guyanaise. Mon interpellation portait sur le fait qu'on sache le contenu de ces enveloppes et à quoi ces enveloppes vont servir concrètement.Cela va être important car il faut garder en tête que les revendications pour obtenir ce CHU sont issues d'une manifestation sociale qui a secoué sur la Guyane, mes craintes portent sur la constance du développement du projet, la constance dans l'investissement de tous les protagonistes. J'aimerais que cette annonce ne soit pas un épiphénomène, qu'on sente qu'on se développe et qu'on monte en puissance»
Céline Félicité est infirmière puéricultrice depuis près de 9 ans au CHC. Pour elle ces moments d’écoute et d’échanges étaient essentiels. « Je travaille depuis 9 ans environ et c'est la première fois qu'il y a une rencontre de ce genre qui se fait. C'est un temps très fort de pouvoir enfin se rencontrer entre la direction et de pouvoir échanger, communiquer, écouter, s'écouter les uns les autres pour pouvoir justement parler de ce beau projet. »
Si certains voient dans ce projet une opportunité unique, d'autres expriment leurs inquiétudes face à l’ampleur des changements à venir comme Carole Gayou, membre du personnel administratif du Centre Hospitalier de Kourou. « Ça va être une belle usine à gaz quand on sera au CHU parce qu'il va falloir qu'on travaille sur plusieurs logiciels, sur plusieurs entités juridiques et donc là, jusqu'à maintenant, on n'est pas prêt. »
Malgré ces doutes, le CHU suscite aussi de grands espoirs, notamment chez Jean-Yves Catin médecin-chef de l’hôpital de proximité de Saint-Georges de l’Oyapock. Pour lui, c’est peut être une chance de fidéliser les équipes médicales formées au niveau local. « Les nouveaux cursus universitaires, c'est la possibilité d'avoir des soignants qui sont formés ici en Guyane. Et ça, pour nous, c'est important parce qu'on a souvent du mal à former nos équipes puis on a du mal à les fidéliser. On espère que si on a des soignants formés en Guyane, ils resteront un peu plus chez nous. »
Une autre question cruciale soulevée par le personnel concerne la répartition équitable des moyens et des décisions afin que les ressources ne soient pas centralisées uniquement à Cayenne. Christophe Bouriat, le directeur du Centre hospitalier de Cayenne rassure sur ce point. « C'est exactement le contraire de ce qu'on veut, c'est un CHU multi-sites, les trois sites hospitaliers seront universitaires. La réponse aux besoins de santé de la population ne va pas se faire uniquement sur un site, uniquement sur Cayenne, le CHOG ou Kourou. Il doit se faire dans le cadre de filières territorialisées sur les trois établissements et allant jusqu'aux CDPS et hôpitaux de proximités»
Enfin, pour clore le débat, Pascale Lecante, infirmier au CHC rappelle les origines lointaines de ce projet qui est aussi le fruit des revendications portées par le mouvement social de 2017. « D’où vient l’idée du CHU avant tout ? Ce n'est pas que quelques directeurs ou quelques médecins qui, d’un coup, ont eu cette idée. Cela vient de la population. C'était le mouvement social en 2017. Et quand la population disait CHU, ils avaient des étoiles dans les yeux. Ce qu'ils voulaient, c'était de l'excellence. Maintenant, c'est notre responsabilité de leur offrir cela. Plutôt que de craindre ce projet, il faut que nous soyons unis et que nous travaillions ensemble. »
Ce qui met tout le monde d’accord pour la réussite du CHU c’est la capacité à rassembler les compétences de tous et à répondre aux attentes des patients Guyanais. Si le 1er janvier 2025, s'ouvrira sur une nouvelle ère pour la santé publique en Guyane, il s’agit avant tout d’une première étape administrative.
Par Radio Peyi.